FSM Dakar 2011: accaparement des terres

World Social Forum TV | 8 février 2011

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Entretiens avec Ibrahim Coulibaly membre de la CNOP du Mali, Renaldo Chingore João de l'UNAC du Mozamique et Mélanie Kasom de la Confédération Paysanne du Congo (La Vía Campesina

(Transcription de l'entretien avec Ibrahim Coulibaly)

Entretien avec Ibrahim Coulibaly, membre de la CNOP du Mali (La Vía Campesina)

(0 à 4m15s)

Le problème de l'accaparement des terres est un phénomène qui s'est accéléré depuis la crise alimentaire de 2008. Donc c'est un phénomène qui est devenu un phénoméne très grave dans un pays comme le Mali, où en l'espace de quelques années, on a vu presque 700 000 hectares cédés par le gouvernement, soit à des sociétés étrangères, soit à des États étrangers, ou alors soi-disant à des investisseurs nationaux.

Mais ce qu'il faut retenir c'est que ce phénomène d'accaparement des terres se situe en droite ligne des politiques néolibérales, parce que ce qu'on veut faire croire c'est que les paysans sont incapables de nourrir les populations. C'est ce qui est globalement ressorti après la crise alimentaire au niveau des gouvernements, donc il faut accélérer le processus de production alimentaire. Mais si cela était vrai... Je pense que ce sont ces mêmes politiques qui ont été mises en oeuvre depuis plus de trente ans par la Banque Mondiale et le FMI, mais qui n'ont pas permis de nourrir nos pays. Donc ce n'est pas en donnant les terres à des intérêts étrangers qu'on va améliorer le problème de l'alimentation. Surtout que la crise alimentaire a prouvé que chaque pays qui a laissé le marché gérer son alimentation était un pays extrêmement vulnérable. Donc c'était le moment de renforcer l'agriculture locale, d'investir dans l'agriculture familiale, pour permettre de produire plus ou mieux afin de nourrir le pays.

Mais c'est le moment où on a choisi de donner les terres à des États qui ont des problèmes d'alimentation. Quand des États comme la Libye, qui n'ont pas d'eau, qui ont des terres totalement improductives, viennent prendre 100 000 hectares de terres au Mali, ce n'est pas pour produire de l'alimentation pour les Maliens, ça c'est évident. Donc pourquoi l'État malien cède-t-il les terres les plus productives et les seules terres irrigables du pays à des intérêts étrangers d'un pays, alors que nous sommes un pays qui a besoin de produire pour notre alimentation ? Donc c'est ça que nous dénonçons.

Mais ce qui est clair c'est que tout cela provient d'un phénomène, disons, de perte de contrôle sur l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques au niveau national. C'est-à-dire que toutes les idées qui conditionnent nos politiques sont dictées de l'étranger.

Je donne un exemple. C'est le Président de la République en personne qui décide de donner les terres de l'Office du Niger, ce qui est pour nous totalement anachronique. Le rôle d'un chef d'État ce n'est pas de donner des terres agricoles, ce n'est pas son travail. Et il y a des règles de gestion de ces terres qui « appartiennent » à l'État malien, entre guillemets. Il s'agit d'un contrat de gérance, un decret, qui est mis en oeuvre et est presque une loi qui donne les règles de bonne gestion de ce terres.

Mais ces règles sont complètement bafouées aujourd'hui parce que le Président de la République s'est doté, sur l'insistance de la Banque Mondiale, d'un Conseil présidentiel de l'investissement. C'est quoi ce Conseil présidentiel de l'investissement? C'est un mécanisme qui est mis en place pour accélérer soi-disant le processus d'investissements dans nos pays. Ça existe au Mali et ça existe dans beaucoup de pays en Afrique, et ce sont des créations de la Banque Mondiale. Et qu'est-ce qu'on fait à ce niveau?
Ce sont des chefs d'État qui vont prendre des supers managers, c'est-à-dire des jeunes diplômés sortis des universités américaines, complètement hors sol qui ne connaissent rien des réalités de nos pays,  simplement parce qu'ils ont fait des études en management ou dans d'autres domaines aux États-Unis. On les prend et on vient en faire des conseillers, des présidents de l'investissement.

Donc tous ceux qui viennent, même quand vous venez avec de l'argent de la drogue, donc c'est-à-dire qu'il faut simplement dire que vous avez de l'argent, on vous ouvre des boulevards. Donc ça c'est complètement, c'est extrêmement dangereux, parce que nous pensons que même demain, l'argent de la drogue peut prendre le contrôle du pouvoir dans nos pays parce qu'on ne regarde plus, on ne cherche pas à comprendre d'où il vient. Tout ceux qui viennent avec l'argent peuvent trouver un véritable boulevard devant eux : on leur ouvre toutes les portes, on leur donne la terre de façon extrêmement légère sans aucune transparence.

Donc ça c'est des choses qu'il ne faut pas accepter, et surtout pour le probleme de la terre, ce sont des êtres humains qui vivent sur ces terres là. Il y a des milliers de villages, il y a des millions de personnes qui ont toujours existé; des éleveurs, des pasteurs, des agriculteurs, des pêcheurs qui sont sur ces territoires depuis des millénaires. Ils ont des droits, on ne peut pas nier leurs droits.

Donc c'est pour ça que nous nous sommes mobilisés. Nous avons fait une grosse mobilisation le 22 novembre dernier pour montrer que nous ne pouvons pas accepter, nous n'accepterons jamais.

(5m36s à 5m50s)

Pour moi il n'y a pas d'autre terme, l'accaparement des terres, c'est du banditisme d'État. Et il faut le traiter comme du banditisme, parce qu'il s'agit d'accaparer, de prendre la seule ressource qui reste pour les plus pauvres pour le donner à ceux qui ont déjà trop, ceux qui sont déjà extrêmement riches.

Et ce n'est pas acceptable.

 

(Transcription : Stéphanie Wang)

  •   WSFTV
  • 08 February 2011

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