La France est désormais concurrencée en Afrique

Signature d'un accord entre le ministre chinois des affaires étrangères Yang Jiechi et son homologue du Malawi Joyce Banda, le 15 janvier 2009 à Lilongwe (Photo : AFP/AMOS GUMULIRA).

La Croix | 30/05/2010

Le sommet Afrique-France qui s’ouvre lundi 31 mai à Nice sera dominé par les questions économiques, alors que les pays émergents sont de plus en plus présents sur le continent

Lundi 31 mai s’ouvre à Nice le 25e sommet Afrique-France, traditionnel rendez-vous entre le président français et ses dizaines d’homologues du grand continent. La rencontre survient l’année du cinquantenaire des indépendances de la plupart des anciennes colonies françaises, mais aussi en pleine crise économique mondiale.

Marqué par une forte présence de patrons français et africains, le sommet de Nice manifeste que l’Afrique reste un partenaire de choix pour les entreprises hexagonales. Mais le temps du « pré carré » est bien fini : aujourd’hui, les puissances émergentes, à commencer par la Chine, y investissent de plus en plus, attirées notamment par la profusion de matières premières. Dans ce contexte, les entreprises françaises ont toujours des atouts. Mais il leur faut se battre pour conserver une place qui leur était autrefois acquise d’avance.

Les compagnies pétrolières se bousculent en Ouganda

Dans ce petit pays enclavé d’Afrique de l’Est, la compagnie pétrolière britannique Tullow Oil attend du gouvernement, pour les prochains jours, son feu vert au rachat des parts du canadien Heritage dans deux périmètres pétroliers, pour plus de 1,2 milliard d’euros.

Tullow Oil partagerait l’exploitation de ces « blocs » situés dans le lac Albert avec les groupes français Total et chinois Cnooc. Ce gisement est l’un des plus importants découverts sur le continent en « on shore ». La compagnie compte produire plus de 200 000 barils par jour.

La RD-Congo troque ses richesses minières contre des routes

On l’a surnommé « le contrat chinois », mais c’est plutôt de « troc » dont il faudrait parler. Amorcé dès 2007 entre Pékin et Kinshasa, il prévoit d’octroyer à des entreprises chinoises des droits sur plus de 10 millions de tonnes de gisements de cuivre et 600 000 tonnes de cobalt, ainsi que sur des mines d’or.

En retour, la Chine doit investir l’équivalent de 4,8 milliards d’euros en construction de routes, chemins de fer, hôpitaux et écoles, aidant le président Joseph Kabila à tenir ses promesses électorales. Le projet a contrarié le FMI, qui y voyait un réendettement. Mais un accord a finalement été trouvé et les premiers chantiers ont commencé.

À Madagascar, les mines de fer et les terres agricoles sont à louer

Mercredi 26 mai, la compagnie chinoise Wisco a obtenu un permis de recherche sur le gisement de fer de Soalala, situé au nord-ouest de l’île. Wisco veut investir 6,5 milliards d’euros dans l’exploitation de ces mines et promet de créer 100 000 emplois. Déjà, Rio Tinto a investi ces dernières années 800 millions d’euros pour l’exploitation d’ilménite et de zircon, et le canadien Sherritt 1,7 milliard pour du nickel et du cobalt.

À Madagascar, les terres agricoles intéressent également. En 2009, le consortium sud-coréen Daewoo s’apprêtait à louer pour 99 ans 1,3 million d’hectares pour la culture de maïs et de palmiers à huile. L’opacité du contrat a contribué à la chute du président Marc Ravalomanana.

Les terres agricoles maliennes attirent les capitaux arabes

Les investisseurs étrangers se pressent à Bamako dans les bureaux de l’Office du Niger pour louer les terres agricoles du sud du pays, le long du fleuve. Au premier rang, la Libye, dont le territoire n’a pas les mêmes ressources en eau. La société Malibya, liée au « guide » Muammar Kadhafi, exploite 100 000 hectares pour la production de riz, maïs, canne à sucre et mil. 10 000 emplois ont été créés par cet investissement.

À côté, au Sénégal, des capitaux italiens développent sur des milliers d’hectares la culture du jatropha, une plante dont les graines permettent la production d’agrocarburants.

Les eaux angolaises sont l’eldorado des pétroliers

L’Angola pourrait atteindre cette année une production de 2 millions de barils par jour. Ce pays lusophone, sorti de la guerre civile il y a moins d’une décennie, dispute la place de premier producteur africain au Nigeria. Les majors se bousculent à Luanda. L’américain Chevron Texaco produit un tiers des barils angolais, le chinois Sinopec 23%. L’année dernière, le français Total a sorti des eaux angolaises 491 000 barils par jour et ses investissements ont été de 2,7 milliards d’euros.

Plus loin vers la République démocratique du Congo (RDC), des intérêts sud-africains et israéliens exploitent une des toutes premières mines de diamants au monde.

Lucie DENECHAUD, Laurent d'ERSU et Pierre COCHEZ

Les pays émergents se ruent sur l’Afrique

La Chine, mais aussi l’Inde ou les pays du Golfe investissent pour exploiter les richesses agricoles et minières du continent

La croissance exceptionnelle que le monde a connue avant la crise a eu trois conséquences. Elle a permis aux pays africains de connaître des taux de croissance supérieurs à 6% entre 2003 et 2008, avec des pics à 8% et plus pour les pays producteurs d’hydrocarbures.

Deuxième effet, cette euphorie mondiale a placé sur le devant de la scène économique les pays émergents, notamment la Chine, l’Inde, le Brésil, et leurs excédents commerciaux. Le G20, regroupant les principaux pays industrialisés et émergents, a supplanté le G7 comme instance de gouvernance.

Enfin, cette croissance mondiale a provoqué une brusque hausse de la demande en matières premières et agricoles. Devant l’hypothèse d’une pénurie, les prix ont flambé et les pays consommateurs ont voulu s’assurer leurs approvisionnements en pétrole, en minerai ou en céréales. Les pays développés et émergents ont alors redécouvert les richesses de l’Afrique. Les eaux du golfe de Guinée renferment une des trois plus importantes réserves d’hydrocarbures au monde. Les terres arables africaines sont à 90% disponibles, selon la Banque mondiale.

Les bénéfices pour les populations demeurent difficiles à évaluer

Depuis, c’est la ruée. La Chine est présente dans les pays africains qui renferment des richesses naturelles, échangeant minerais et concessions d’exploitation contre produits manufacturés et réalisation d’infrastructures avec sa propre main-d’œuvre.

En 2009, lors d’un forum de coopération Chine-Afrique, elle s’est engagée « à fournir au cours des trois prochaines années 10 milliards de dollars de prêts préférentiels aux pays africains ». « Au Nigeria, par exemple, la Chine vient d’annoncer le financement de trois raffineries et d’un complexe pétrochimique, en contrepartie de l’accès privilégié à des champs pétroliers », explique Jean-Loïc Guieze, chez BNP Paribas.

En Angola, l’autre géant pétrolier du continent, l’Inde annonce des projets de raffinage. Le Brésil, de son côté, multiplie les déclarations de solidarité envers le continent africain. Les pays pétroliers du golfe Persique investissent dans des concessions de terres agricoles, destinées à assurer leurs approvisionnements en produits alimentaires. Des intérêts saoudiens sont présents en Éthiopie ou au Mali.

Reste à connaître les conditions financières de ces investissements pour évaluer leurs bénéfices sur les populations concernées. Ce n’est pas simple. « L’une des difficultés du travail sur l’Afrique est le manque de données fiables. Nous devons, bien souvent, nous en tenir aux annonces faites par les Chinois, notamment, sans pouvoir les vérifier », explique Stéphane Alby, chez BNP Paribas.

Pierre COCHEZ

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