7 300 acquéreurs fonciers pour toutes les terres agricoles du Bénin

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Projet de code foncier et domanial au Bénin

Des députés béninois sur le point d’arracher la terre aux petits producteurs et de tuer l’agriculture familiale

7 300 acquéreurs fonciers pour toutes les terres agricoles du Bénin


Cotonou (11 janvier 2013) – Dans une lettre ouverte adressée l’Assemblée nationale et transmise à la presse ce vendredi 11 janvier 2013 à Cotonou, les organisations de la société civile du Bénin regroupées au sein de l’"Alliance pour un code foncier et domanial consensuel et socialement juste" dénoncent certaines dispositions du code foncier et domanial que les députés s’apprêtent à voter. Elles estiment que la dernière version du projet de code soumise au vote des députés par la Commission des lois est une aubaine juridique pour permettre à quelques 7 300 acquéreurs fonciers d’arracher l’ensemble des terres agricoles du Bénin au détriment de l’agriculture familiale et des millions de petits producteurs.

Commençant par les vœux de nouvel an, les leaders de la société civile du Bénin, y compris les organisations paysannes, souhaitent aux honorables députés que l’année 2013 apporte sérénité, clairvoyance, joie et succès dans leur travail au profit la Nation.

A en croire les Présidents de la Plateforme des acteurs de la société civile du Bénin (PASCiB) et de la Plateforme nationale des organisations paysannes et de producteurs agricoles (PNOPPA) du Bénin, Messieurs Aurélien Atidégla et Léopold Lokossou, cette lettre ouverte est un dernier appel au Parlement béninois pour le vote d’un "code foncier et domanial consensuel et socialement juste et éviter aux Honorables députés de faire l’erreur historique de prendre un texte de loi qui arrache la terre à des millions de producteurs au profit de quelques 7300 acquéreurs fonciers".

Pour Monsieur René Sègbénou de l’ONG "Jinukun", certaines dispositions du projet de code méritent d’être revues pour sauvegarder l’agriculture familiale et garantir la souveraineté alimentaire, sur lesquelles se fondent la politique agricole commune de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)).

Dans la lettre, l’Alliance remercie le Parlement d’avoir associée la société civile aux débats en cours sur le projet de code foncier et domanial soumis à son examen. Elle salue l’esprit d’ouverture, qui lui a permis de débattre avec les députés à plusieurs reprises sur des préoccupations concernant un certain nombre de dispositions du code foncier et domanial.

Cette alliance coordonnée par Monsieur Simon Bodéa de "Synergie paysanne" regroupe plusieurs plateformes et organisations faîtières de la société civile du Bénin.

Ci-dessous un extrait de la lettre
Nous avons ainsi été honorés de recevoir quelques parlementaires dans un atelier que nous avons organisé les 25 et 26 septembre 2012 à Possotomè. Les 15, 16 et 17 novembre 2012, une délégation de l’Alliance a eu l’opportunité de partager avec toute la Représentation Nationale, nos préoccupations à propos d’un certain nombre de dispositions du code foncier et domanial que nous trouvons préjudiciables aux populations rurales de notre pays, en particulier, les paysans petits producteurs. Enfin l’Alliance a été invitée à participer aux travaux en commission sur le projet de code foncier et domanial.

A toutes les occasions ci-dessus mentionnées, l’Alliance a pu en long et en large présenter ces appréhensions autour du code et proposer des amendements. Nous avons été heureux de constater que nous avons été entendus sur plusieurs points notamment, en ce qui concerne :
· l’article 5 de la version actuelle du projet de code foncier et domanial,
· l’article 14 sur l’accès des non nationaux à la terre au Bénin,
· certaines des dispositions sur e la mise en valeur des terres rurales.
Nous saluons la clairvoyance de la commission sur ces points. Mais il reste encore des avancées à faire, particulièrement sur les articles 360, 366, 368 et 397 du projet de code foncier et domanial.

Tout d’abord, l’article 360 met comme un lien nécessaire entre un projet de développement rural et l’acquisition d’une terre rurale, ce qui fait que le code donne l’impression de prescrire comme nécessaire d’acquérir en propriété 300 ha, 1 000 ha voire 2 000 ha et plus, lorsqu’on est porteur d’un projet de développement rural, alors que le code comporte d’autres dispositions efficaces pour sécuriser l’accès à la terres dans ces cas. Le rédacteur du code a sans doute perçu le problème, puisque vers la fin de l’article 360, il écrit : « En tout état de cause, aucune acquisition de terre ne peut excéder une superficie de mille (1.000) hectares ».

Honorables Députés, le Programme de Relance du Secteur Agricole du Bénin dans son état des lieux reconnait que notre pays ne dispose au total que de sept million trois cent mille hectares (7 300 000 ha) de terres agricoles. Si le code foncier et domanial permet à un seul individu d’acquérir en propriété mille hectares (1 000 ha), il faudrait seulement sept mille trois cents (7 300) individus, pour que toutes les terres agricoles du Bénin soient définitivement acquises en propriété privé.

Cette disposition compromet l’objectif premier du code qui est d’assurer à tout citoyen béninois, un accès libre et équitable à la terre. Elle compromet aussi le développement de notre pays, car si on laisse la chose en l’état, les paysans petits producteurs seront privés de terres d’ici quelques décennies. Cela met gravement en danger la souveraineté alimentaire de notre pays, pour ne pas dire tout simplement la souveraineté de l’état béninois. C’est pourquoi l’Alliance recommande de réécrire l’article 360 de la façon suivante :

« L’accès à une terre rurale de plus de deux hectares (2 ha) est conditionnée par l’autorisation du conseil communal après approbation par l’Agence Nationale du Domaine et du Foncier, d’un projet de mise en valeur à des fins agricoles, halieutiques, pastorales, sociales, industrielles, artisanales ou de préservation de l’environnement conformément aux dispositions des articles 387 et suivants du présent code ou d’une manière générale liée à un projet d’intérêt général.

En tout état de cause, Nul ne peut acquérir en propriété privée sur toute l’étendue du territoire national, ni séparément, ni cumulativement, plus de cinquante (50) hectares de terres rurales, qu’il soit béninois ou de nationalité étrangère.

Les personnes morales béninoises ou étrangères, les associations ainsi que les groupements d’agriculteurs ne peuvent, en aucun cas, acquérir ni séparément ni cumulativement, et ce, sur toute l’étendue du territoire national, plus de cent (100) hectares de terres rurales ».

Concernant la jachère et le défaut de mise en valeur abordés dans les articles 366, 368 et 397, l’Alliance estime que cinq (5) années suffisent, au lieu de dix (10) comme prévu dans tous les cas par le projet de code. Par ailleurs, toutes les terres rurales, y compris celles appartenant à l’Etat, aux collectivités locales et aux privés, doivent être cédées pour usage, en cas de défaut de mise en valeur. Tout défaut de mise en valeur d’un fond de terre rurale devra être sanctionné par une amende de 50% de sa valeur actualisée.

Voilà, Honorables Députés, les préoccupations sur lesquelles l’Alliance pour un code consensuel et socialement juste, souhaite attirer votre attention. Voter le code en discussion à l’Assemblée Nationale, sans prendre en considération les préoccupations ci-dessus mentionnées, c’est préparer un avenir de conflit, voire de guerre civile pour les générations à venir dans notre pays. Nous savons ce que cela a couté de malheur dans certaines parties du monde abritant des populations sans terre. Faites en sorte que votre législature soit attachée à un code qui aura évité à notre cher pays de sombrer dans des troubles sociaux préjudiciables au développement et à la paix.

Honorable Députés, nous voudrions compter sur vous pour que notre pays soit doté d’un code foncier et domanial qui assure à la nation béninoise, la paix et la prospérité partagée. Si d’ici quelques jours, votre vote sort d’un tel schéma, l’histoire retiendra que votre législature aura préparé pour les générations à venir, des moments de grandes difficultés, où la paix, le développement durable et la prospérité seront menacées.

Enfin, tout en vous exprimant notre gratitude anticipée pour la considération que vous voudrez bien accorder à notre requête, l’Alliance vous prie, Honorables Députés, de croire à ses sentiments les meilleurs.

Voir ci-joint une copie de la lettre
http://farmlandgrab.org/uploads/attachment/Lettre ouverte aux Députés définitif.doc

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