Afrique, sommet de l’UA: La politique du surplace

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Le Pays | 30 janvier 2014

Afrique, sommet de l’UA: La politique du surplace

Aujourd’hui, s’ouvre à Addis-Abeba, le sommet ordinaire de l’Union africaine (UA) autour du thème : « l’agriculture et la sécurité alimentaire en Afrique ». A ce titre, l’UA a décidé d’inciter tous ses Etats membres à tenir leur engagement en consacrant 10% de leurs budgets nationaux à l’agriculture. Comme on le voit, l’un des enjeux majeurs de ce sommet est de remettre « la révolution verte » au cœur des préoccupations fondamentales de l’UA, en vue d’éradiquer la faim et la malnutrition. Evidemment, il faut relancer l’agriculture africaine pour réussir la révolution agricole continentale.

Les dirigeants du continent devraient faire preuve de vision et de leadership stratégiques, en opérant une rupture avec les logiques néocoloniales dépendentistes

Soulignons que l’Amérique latine et l’Asie ont réussi à monter dans le train de « la révolution verte », tandis que l’Afrique est restée figée sur les quais.

Ainsi, c’est le continent des crises alimentaires récurrentes, le continent où les produits alimentaires de base restent inabordables pour les populations. En vérité, la quasi-totalité des Etats du continent continuent de dépendre étroitement de l’aide alimentaire internationale, quand ils ne réduisent pas tout simplement leur politique agricole à des appels répétés à la générosité internationale. Pourtant, avec ses immenses ressources naturelles et agricoles, le secteur de l’agriculture pourrait assurer un réel décollage du continent africain.

Rappelons qu’avec une lucidité indépassable, l’éminent agronome français, René Dumont, à travers une série d’ouvrages pionniers, avait montré, dès les années 60, en quoi les Etats post-coloniaux avaient sacrifié « l’avenir agricole du continent ». Selon lui, le potentiel agricole africain est gigantesque et il devait être mis en valeur, de manière rationnelle, au bénéfice exclusif des peuples africains. Pour ce faire, les dirigeants du continent devraient faire preuve de vision et de leadership stratégiques, en opérant une rupture avec les logiques néocoloniales dépendentistes. Et ce, d’autant que la majorité des populations africaines travaille dans l’agriculture.

Malheureusement, les dirigeants des Etats post-coloniaux ont, pour bon nombre d’entre eux, quasiment délaissé ce secteur hautement stratégique, au profit de la perpétuation paresseuse des cultures coloniales sur notre continent. En vérité, nombre de dirigeants africains n’ont pas voulu suivre, en 1962, le chemin tracé par Kwame N’krumah, ce grand visionnaire et rêveur pragmatique. Soulignons que sa vision panafricaniste du devenir de l’Afrique se voulait un mouvement politique, économique, culturel, scientifique destiné à restituer aux peuples africains, leur dignité sur le plan géostratégique.

Depuis « l’échec » de N’krumah, les sommets de l’OUA devenue UA, ont fini par se transformer en vastes scènes de palabres où l’on vient jouer avec des mots, et se jouer des mots, afin de vendre de nouvelles illusions aux peuples du continent. Ces sommets ont réduit l’efficacité d’un leadership continental à des « réunions au sommet », et ils n’ont que très rarement réussi à maintenir « la paix », et à prévenir les conflits, guerres et génocides, minant ainsi toutes les perspectives de développement du continent. Quel que soit le domaine pris isolément, le volontarisme politique manque sur notre continent. Les décisions politiques ne sont pas toujours mises en œuvre avec efficacité et détermination.

A l’heure actuelle, la question du juste partage des terres reste une bombe à fragmentations et à retardement, menaçant la stabilité sociale des Etats du continent

Ainsi, l’avènement d’une agriculture moderne, compétitive, exige, au sein des Etats africains, capitaux, technologie, recherche agronomique, eau, sécurité, et infrastructures de qualité. Or, politiquement, tout a été entrepris pour tuer la petite agriculture, celle qui fait vivre la majorité des paysans, et de surcroît, source d’emplois et de revenus. A cela s’ajoute l’accaparement des terres les plus riches par les élites dirigeantes africaines prédatrices, ainsi que les multinationales de « l’agrobusiness ». Car, les peuples ne se résigneront jamais face à la captation arbitraire des meilleures terres de leurs pays par certaines élites prédatrices locales. Déjà, on assiste, partout sur notre continent, à la montée des tensions, des conflits sur fond de conflits d’intérêts entre les populations et ces élites prédatrices. On n’a donc aucunement à faire l’impasse sur la question de la gouvernance de nos Etats, qui reste une condition essentielle de la réussite de « la révolution agricole annoncée ». Qu’on le veuille ou non, il faut des Etats capables de servir l’intérêt général des peuples africains. Ce qui implique une réelle représentation démocratique des citoyens au sein des espaces politiques nationaux. Or, au sein de nombre d’Etats africains, la démocratie est beaucoup plus apparente que réelle.

Oui, il faut relancer l’agriculture africaine. Mais avant tout, il faudra bel et bien dire adieu à la politique du surplace. Avant la tenue de ce sommet, la Présidente de la Commission, Nkosazana Dlamini-Zuma, a fait un rêve : en 2063, faire de l’Afrique la puissance la plus attractive du monde. Ce rêve nous fait penser au film du cinéaste béninois, Sylvestre Amoussou, « Africa Paradise » (2006), et dans lequel on voit des Européens devenus pauvres, émigrer massivement vers les Etats-Unis d’Afrique prospères ».

Evidemment, depuis Freud, on s’accorde à reconnaître que l’homme est « un animal rêveur ». Et, penser l’avenir et le devenir de l’Afrique face au reste du monde autorise tous les rêves. Mais avec la mondialisation en cours, dans laquelle toutes les cartes mondiales sont redistribuées à tous les niveaux, un leadership panafricain crédible doit renoncer aux rêves téméraires et ininterprétables pour donner à notre continent toutes ses chances.
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