Quand l'aide au développement est attribuée aux multinationales

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Le siège de la Banque européenne d'investissement à Francfort (Allemagne). [Ingenhoven Architects/Flickr]

EurActiv | 11 July 2014

Quand l'aide au développement est attribuée aux multinationales

James Crisp | EurActiv.com - traduction de l'anglais par Aubry Touriel

Des milliards d'euros d'argent public sont investis dans des projets privés dans les pays en développement. Banques d'investissement et entreprises occidentales sont souvent préférées aux entreprises locales.

Les institutions de financement du développement (IFD), dont fait partie la Banque européenne d'investissement (BEI), ont de plus en plus d'influence dans le financement de l'aide au développement. Elles investiront 100 milliards de dollars (73,5 milliards d’euros) dans le secteur privé d'ici 2015. Mais les deux tiers de ce montant vont finir dans la poche de multinationales.

Plus de la moitié de l’argent alloué au secteur privé est attribué par des institutions financières, dont des banques d'investissement, selon un rapport du Réseau européen sur la dette et le développement (Eurodad). De sérieuses questions demeurent sur les effets bénéfiques de ce type d'aide au développement. Les banques d'investissement sont des institutions commerciales qui réalisent des investissements directement ou par le biais d'intermédiaires, comme les actions non cotées ou les fonds spéculatifs.

Les auteurs du rapport expliquent que les entreprises des pays riches ont obtenu la part du lion des contrats du secteur privé. En outre, les pays en développement ont rarement leur mot à dire sur le fonctionnement ou la décision des institutions de financement du développement (IFD), selon eux. À la Société financière internationale de la Banque mondiale, les pays en développement représentent encore moins de 30 % des votes. En outre, les institutions du financement du développement ne font pas toujours l'objet d'un vote.

Richard Willis, le porte-parole de la BEI pour l'Afrique, a indiqué pour sa part que l’octroi de projet respectait les règles européennes et que les contractants européens n'étaient pas privilégiés.

Eurodad a demandé de passer en revue les IFD publiques, dont font également partie la Banque asiatique de développement et les institutions nationales en Europe et ailleurs. La BEI est d'ailleurs la plus grande IFD au monde.

Les pays en développement devraient mener cet examen avec que les opérations des IFD ne prennent plus d'ampleur, indique Eurodad, qui représente 48 ONG dans 16 pays européens.

Banque européenne d'investissement

Richard Willis a déclaré : « La BEI s'est engagée à collaborer étroitement avec toutes les parties prenantes, y compris les gouvernements des 160 pays où nous sommes actifs et une grande variété d'organisations de la société civile. Dans tous les États membres de l'UE ou les pays tiers, les gouvernements nationaux doivent approuver tous les projets concernant leur pays avant que la BEI ne donne son feu vert.

« Les actions de la BEI présentent des avantages dans le domaine de l'aide au développement en dehors de l'Europe. Elles ont par exemple permis de garantir l'accès à de l'eau potable, à de l'énergie fiable, à un logement bon marché ainsi qu’un transport durable et de nouvelles opportunités économiques pour des millions de personnes. »

Selon Maria Jose Romero, auteur du rapport, « les IFD ne sont pas les organisations adéquates pour atteindre des objectifs en matière d'aide au développement et leur expansion est extrêmement inquiétante quand autant de questions sur les opérations demeurent.

Elles sont contrôlées par les pays développés et les pays en développement contribuent un peu aux stratégies ou aux gouvernances [...] En d'autres termes, elles seront toujours tentées de soutenir les entreprises qui viennent de leur pays d'origine. En réalité, bon nombre de ces institutions ont fixé cet objectif dans leur mandat. »

Les institutions de financement du développement sont beaucoup moins transparentes que les organisations d'aide au développement qui ne publient quasi aucune information utile sur leurs activités, selon le rapport.

Le porte-parole de la BEI a également affirmé : « le Parlement européen et le Conseil européen ont approuvé le mandat extérieur qui régit la politique de prêts de la BEI avec des pays tiers. La BEI a également mis en place il y a peu un nouveau cadre réglementaire afin de renforcer davantage les critères d'évaluation, les mesures et la publication d’informations sur les bénéfices provenant des investissements et les impacts de ces opérations sur l'aide au développement. »

Prêts intermédiés

Le problème réside en partie dans les prêts réalisés par une intermédiation, une technique appliquée de plus en plus par les IFD. On parle d'intermédiation quand une IFD prête de l'argent à une banque par exemple, qui prête à son tour de l'argent.

Même si le Parlement européen et la BEI ont demandé d'augmenter la transparence et de renforcer les critères de publication des informations, aucune donnée n'est disponible sur les bénéficiaires finaux et sur l'impact sur l'aide au développement des prêts intermédiés.

La BEI a admis qu'elle ne pouvait pas obtenir des détails sur les prêts particuliers contractés avec les banques.

Richard Willis a indiqué : « Que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur de l'UE, la BEI soutient les investissements destinés aux PME et aux petits projets par l'intermédiaire de partenaires locaux expérimentés. Les prêts accordés aux bénéficiaires finaux font l'objet d'une surveillance rapprochée. Objectif : garantir des frais les moins élevés possible sur les prêts accordés par la BEI et assurer l’évaluation financière des intermédiaires pour s’assurer qu’ils sont à même de gérer des prêts intermédiés.

« Toutefois, en raison des pratiques bancaires commerciales, les détails des prêts aux particuliers ne peuvent pas être divulgués. »

Xavier Sol, directeur de Counter Balance, qui a réalisé l'étude au sein de la BEI, a indiqué : « La BEI ne correspond pas aux critères d’une aide au développement durable. La question cruciale est de connaître les destinataires des investissements et les intérêts qui poussent la banque à investir. Ce rapport confirme que les moins aisés dans le monde ont rarement l'autorisation d'influencer les solutions proposées. »

Counter Balance a notamment cité un investissement de la BEI dans un Club Med au Maroc pour une valeur de 14 millions d'euros. Alors que la BEI a affirmé qu'elle contribuerait au tourisme durable et à l'emploi local, les organisations locales ont dénoncé l'impact environnemental et l'accaparement des terres.

Soutien minimum

Les auteurs du rapport intitulé « a Private Affair » ont pris deux ans pour réaliser cette étude. Ils ont abouti à de nombreuses conclusions :

  • Les institutions de financement du développement aident peut les entreprises des pays à bas revenus. Seulement 3 % du soutien de la BEI octroyé en dehors de l'UE est transféré vers les pays à bas revenus. La banque située à Francfort obtient dès lors les plus mauvais résultats dans ce domaine en comparaison avec les autres IFD.

  • Les investissements sont parfois redirigés vers des paradis fiscaux, ce qui réduit les finances des pays en développement.

  • La plupart de ces pays ne disposent pas de mécanismes pour dédommager les communautés éventuellement affectées par les projets des IFD.

Eurodad a affirmé que l'hypothèse pour justifier le recours aux IFD, à savoir l'augmentation du montant des investissements étrangers dans les pays en développement, était bancale.« Les investissements à l'étranger comprennent à la fois des risques et des avantages et peuvent provoquer des problèmes macroéconomiques », peut-on lire dans le rapport.

Les auteurs ont recommandé qu'un groupe d'experts indépendants venant des gouvernements, de la société civile et de secteur privé des pays en développement mènent unr nouvelle étude sur le sujet.

Ce rapport devrait contenir plusieurs éléments : comment les IFD peuvent-elles aligner leurs décisions d'investissements pour réaliser les priorités des pays en développement et les projets nationaux d'aide au développement ? Comment peuvent-elles prouver qu'elles contribuent à l'aide au développement ? Comment peuvent-elles se conformer aux lignes directrices en matière d'investissement responsable ? 

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