Huile de palme "durable" : un outil de greenwashing pour berner le consommateur

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Fruits du palmier à huile, desquels on extrait l'huile de palme, ici en Indonésie (Tatan Syuflana/SIPA)
Nouvel Observateur | le 19-01-2015

Huile de palme "durable" : un outil de greenwashing pour berner le consommateur

Par Laurence Duthu
Présidente de L'Huile de Palme : NON !

Produire une huile de palme "durable" est-il possible ? Face à la fronde contre les effets dévastateurs de cette industrie sur l'environnement, certaines marques mettent en avant un label vert, garant d'une huile de palme qui respecterait la biodiversité. Un énorme mensonge, dénonce Laurence Duthu, présidente de l'association L'Huile de palme : NON !

En Europe et plus particulièrement dans deux pays, la France et la Belgique, apparaît la mouvance de l'huile de palme durable. Orchestrée par l'industrie agro-alimentaire et le WWF, elle tente de rendre la culture industrielle de l'huile de palme vertueuse de l'environnement aux yeux des consommateurs. Cette approche est savamment réfléchie et soutenue par grand renfort financier du lobby de l'industrie palmière dont les multinationales sont le chef d'orchestre.
 
Un écran de fumée pour berner le consommateur

L'huile de palme "durable" est un concept créé en 2004 par la RSPO (Roundtable on sustainable palm oil ou Table ronde pour une huile de palme durable). Les membres fondateurs de cette organisation sont, entre autres, les producteurs (MPOA – Malaysian palm oil association), les multinationales (Unilever qui détient Dove, Cajoline, Carte d'Or, Timotei, Planta Fin, Knorr, etc.), les banques (la banque néerlandaise Rabobank) et le WWF (ONG au célèbre panda créée en 1961 et cotée en bourse).
 
Leur but, il y a déjà dix ans de ça, était de rendre l'huile de palme conventionnelle – utilisée plus que largement dans leurs produits et qui commençait à être décriée par les ravages qu'elle produisait – "durable" via des règles auto-édictées et auto-contrôlées ! En somme, un écran de fumée afin de tromper le consommateur et n'entachant pas les profits fort rentables pour toute la filière.
 
Un savant outil de greenwashing

Un fait tout simple permet, en quelques secondes, de comprendre la supercherie qu'est la RSPO. Pour l'année 2012/2103, Unilever, membre fondateur je vous le rappelle, n'utilisait que 3% d'huile de palme durable dont une (grande) partie en certificat GreenPalm.
 
Ce dernier est un savant outil de greenwashing inventé une fois de plus pour berner le consommateur. Un produit estampillé GreenPalm ne veut pas dire qu’il contient de l’huile de palme "durable" mais que l’industriel a acheté des certificats vendus par un producteur d’huile de palme "durable". Ces certificats sont mis sur une plateforme de vente (système de la Bourse) et il est impossible pour l’acheteur de connaitre la provenance de l’huile qu’il a contractée et la façon dont elle a été produite.

Un détail important est à connaître également : une société peut être membre de la RSPO mais rien ne l'oblige à utiliser de l'huile de palme "durable" portant alors le sigle CSPO. Cette confusion est volontairement entretenue.

Le filon très rentable qu'est la culture industrielle de l'huile de palme, qu'elle soit conventionnelle, durable ou biologique, a balayé dès le départ les deux fondements pourtant indispensables pour que cet oléagineux devienne durable : absence de déforestation et respect des populations autochtones et des petits paysans.
 
L'huile de palme durable n'empêche pas la déforestation
 
En effet, selon l'étude de Belinga Margono, la déforestation ne fait que s'accélérer. Entre 2010 et 2012, la forêt indonésienne a perdu plus de 6 millions d'hectares de forêt primaire, soit une surface comparable à l'Irlande. Cette déforestation est le fait même de sociétés membres de la RSPO comme le démontre très régulièrement Chanee via son association Kalaweit ou l'association indonésienne Centre of Orangutans Protection.

De même, cette demande toujours plus importante d'huile de palme et ses dérivés nécessite constamment de nouvelles terres afin de faire pousser de nouveaux palmiers à huile. Ces derniers donnent un rendement satisfaisant pendant 25 ans, après quoi il est abandonné. Seulement, ce palmier ne peut pas être remplacé en lieu et place, le sol étant "vidé" de ces éléments nutritifs et gorgé de pesticides et herbicides, le paraquat notamment (puissant neurotoxique commercialisé par Syngenta membre de la RSPO et interdit en Europe depuis 2007). Il faut donc de nouvelles terres vierges afin d'assurer un bon rendement.
 
Cette déforestation s'accompagne de rejets très importants de CO2 qui classe l'Indonésie troisième pays émetteur de CO2 au monde. La cause est liée, outre la déforestation massive et les feux de forêt s'accompagnant, à la nature du sol qui est souvent composée de tourbières amplifiant le phénomène de rejets de dioxyde de carbone.
 
Selon les règles édictées par la RSPO, les palmiers à huile plantés sur d'anciennes parcelles déboisées avant 2005 obtiennent la certification "durable". Sauf que dans les faits, cela est très loin d'être le cas ! En 2014 bien trop de cas ont été recensés.
 
De plus, cette décision efface le massacre d'une biodiversité perpétré avant cette date, massacre qui englobe la destruction de millions d'hectares de forêts primaires, la mort de centaines de milliers d'espèces animales amenant certaines à l'extinction, le déplacement et l'accaparement des terres de milliers d'autochtones et de petits paysans.

Cette décision de la RSPO n'est qu'une honte, n'ayant jamais empêché de certifier encore et toujours de l'huile de palme qui ne l'a jamais été et ne pourra jamais l'être de toute évidence.
 
La culture "durable" bafoue les droits de l'Homme
 
Que cela soit en Asie du Sud-Est, en Afrique ou en Amérique du Sud, la culture industrielle "durable" n'a que faire des populations autochtones.
 
L'accaparement des terres est une pratique assez répandue et dénoncée à maintes reprises par les ONG humanitaires. Les ouvriers sont payés une misère où les enfants sont aussi de la partie. Ils sont à la merci de des producteurs peu scrupuleux les réduisant malheureusement trop régulièrement en esclaves des temps modernes.

Le bio n'est en pas en reste ! L'essentiel de la production vient de Colombie et est "durable" via sa certification de la RSPO et biologique par ses méthodes de culture certifiées par Ecocert entre autres.
 
Cependant, derrière se cachent scandales, expropriations, accaparements des terres, déforestation et recours aux paramilitaires. La majorité de la production colombienne vient du groupe Daabon, un empire aux airs de mafia qui se cache derrière un visage d'entreprise familiale. Les membres de cette large famille ont les pieds également en politique facilitant la main mise sur les terres.
 
Se tourner vers des produits sans huile de palme
 
Il y a dix, vingt ans de cela, le concept de l'huile de palme durable et sa mise en application plus drastique et indépendante aurait pu peut-être sauver les forêts primaires d'Asie du Sud-Est.
 
La monoculture industrielle des palmiers à huile va très souvent de pair avec les sociétés sylvicoles qui exploitent les forêts afin de fournir la matière première des industries de l'ameublement et de la pâte à papier. Ces sociétés appartiennent pour beaucoup à de mêmes groupes détenant celles du volant palmiers à huile.
 
À l'heure actuelle, 80% des forêts tropicales de la partie malaisienne de Bornéo sont exploitées. Rien ne semble empêcher ce rouleau compresseur d'avancer, que cela soit en Asie du Sud-Est, en Afrique ou en Amérique du Sud.
 
Un espoir subsiste qui se tient dans les mains des consommateurs : le choix de dire non et de se tourner vers des produits sans huile de palme et ses dérivés. Pour se faire, le fait maison avec des produits locaux de saison sera toujours le meilleur allié, la garantie d'une alimentation saine et le respect d'une biodiversité si nécessaire au bien être de tout être vivant.
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