Agro-colonialisme au Congo

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Réseau d'information et d'appui aux ONG nationales (RIAO-RDC) | GRAIN

Communiqué de presse
2 juin 2015

Pour diffusion immédiate

Agro-colonialisme au Congo : la finance de développement européenne et américaine alimente une nouvelle phase de colonialisme en RDC

Plusieurs grandes institutions financières de développement (IFD) financent actuellement Feronia Inc., une société agroalimentaire canadienne accusée d’accaparement des terres et de violations des droits humains en République démocratique du Congo (RDC).

Medium_mozite_meeting_participants_3Mars 2015 : des participants à la réunion de Mozité, dans la province de Yahuma, ont déclaré, « Avant tout, nous réclamons le début de négociations pour récupérer nos droits sur les terres qui nous ont été enlevées de façon illégale depuis 104 ans. » (Photo : GRAIN)

Les leaders des communautés vivant sur les terres occupées – sur plus de 100 000 ha - par les concessions de palmiers à huile de Feronia Inc à Lokutu et Boteka affirment que les terres leurs ont été enlevées de façon illégale et qu’elles n’ont jamais donné leur consentement à l’installation de Feronia. Feronia viole les principes des IFD qui interdisent aux entreprises dans lesquelles elles investissent d’exploiter des terres acquises sans le consentement libre, préalable, et informé des communautés locales.

Feronia Inc. exploite des plantations et une grande ferme céréalière couvrant 120 000 hectares de concessions foncières en RDC. Ses concessions pour les palmiers à huile ont été rachetées à l’entreprise alimentaire transnationale Unilever en 2009.

Feronia Inc. appartient pour plus de 80 pour cent au CDC Group du gouvernement britannique et plusieurs autres IFD - notamment l’Agence française pour le développement (AFD) et l’agence de développement du gouvernement américain (l’OPIC) - par le biais de leurs investissements dans le Fonds africain pour l’agriculture (AAF) basé à Maurice.

Les IFD sont mandatées pour soutenir l’atténuation de la pauvreté dans les pays en développement et doivent opérer en respectant des principes stricts qui les empêchent d’investir dans des entreprises qui accaparent les terres, violent le droit du travail ou se livrent à des pratiques corrompues. Un nouveau rapport, fondé sur les registres des entreprises et les témoignages des communautés concernées, montre que Feronia Inc. viole de façon flagrante les principes de ses propriétaires IFD.

« Avant tout, nous réclamons le début de négociations pour récupérer nos droits sur les terres qui nous ont été enlevées de façon illégale, » peut-on lire dans une déclaration remise au RIAO-RDC et à l’organisation internationale GRAIN le 8 mars 2015, par plus de 60 chefs coutumiers du district de Yahuma, où se situent 90 pour cent de la plantation de palmiers à huile de Feronia à Lokutu.

Les chefs communautaires interrogés par le RIAO-RDC et GRAIN à Lokutu ont également parlé d’un régime brutal d’exploitation des travailleurs et de harcèlement envers les communautés qui enfreignent clairement les principes des IFD relatifs au droit du travail et la législation nationale sur le travail.

Pour recevoir la paie d’une journée de travail, les ouvriers des plantations de Feronia à Lokutu doivent, disent-ils, accomplir des tâches qu’il est impossible d’accomplir en une seule journée. Alors que les administrateurs de l’entreprise sont grassement payés, les ouvriers des plantations et des pépinières disent qu’à la fin du mois, ils ont gagné 1,50 dollar par jour, ce qui est nettement inférieur au salaire minimal congolais, déjà très bas.

« Nous avons calculé qu’en 2010, les principaux directeurs de Feronia avaient gagné mille fois le salaire annuel moyen des ouvriers de leur plantation, » indique Ange-David Baimey de GRAIN.

L’un des administrateurs de Feronia à avoir le plus largement profité de l’entreprise est Barnabé Kikaya bin Karubi, ambassadeur de la RDC au Royaume-Uni depuis août 2008 et précédemment secrétaire privé et ministre de l’Information du Président Joseph Kabila.

Des recherches menées par GRAIN et le RIAO-RDC dans les registres de Feronia révèlent que Kikaya a reçu près de 3 millions de dollars en liquide et en actions pendant qu’il était directeur de 2009 à 2014. La plus grande partie de l’argent lui a été versée sous la forme de “frais de loyer” d’un montant de 120 à 150 000 dollars par an pour son domicile de Kinshasa et par le biais du rachat de sa participation à la holding de Feronia aux Iles Caïman. La politique anti-corruption des propriétaires IFD de Feronia est censée prévenir ce genre de versements aux hommes politiques influents.

Medium_lokutuEnfants sur le quai de Lokutu sur le fleuve Congo. (Photo : GRAIN)

Les chefs de la communauté de Lokutu ont également rapporté à GRAIN et au RIAO-RDC que Feronia empêche les populations locales d’élever des animaux ou de faire des cultures au sein de la concession allouée à l’entreprise, même sur les terres abandonnées. Les personnes prises par les gardes de Feronia à ramasser ne serait-ce que quelques noix tombées des palmiers sont punies d’une amende ou, très souvent, fouettées, menottées et emmenées à la prison la plus proche.

« Les chefs communautaires des zones où Feronia exploite ses plantations en ont assez de cette entreprise, » déclare Jean-François Mombia Atuku du RIAO-RDC. « Ils veulent que Feronia leur rende leurs terres, de façon à pouvoir à nouveau profiter de leurs forêts et de leurs fermes. »

« Le CDC et les autres IFD auxquelles appartient Feronia doivent faire ce qui est juste : rendre leurs terres aux populations de la RDC et leur donner une compensation pour les années de souffrance qu’elles ont endurées, » insiste Graciela Romero Vasquez de l’organisation londonienne War on Want.

Le rapport, "Agro-colonialisme au Congo : la finance de développement européenne et américaine alimente une nouvelle phase de colonialisme en RDC," a été écrit par GRAIN et le RIAO-RDC, en collaboration avec la Fundación Mundubat, War on Want, l’Association Française d'Amitié et de Solidarité avec les Peuples d'Afrique, World Rainforest Movement, FoodFirst, SOS Faim et la CIDSE.

Contacts presse :

Jean-François Mombia
Réseau d'information et d'appui aux ONG nationales (RIAO-RDC)
Dakar, Sénégal
+221-773-469-621
[email protected]

Devlin Kuyek
GRAIN
Montréal, Canada
+1-514-571-7702
[email protected]

Ange David Baimey
GRAIN
Accra, Ghana
+233 269089432
[email protected]

Pour les questions sur le rôle du CDC:

Graciela Romero Vasquez
War on Want
Londres, Royaume Uni
+44 (0) 20 7324 5066
[email protected]

Pour les questions sur le rôle de l’AFD/PROPARCO :

Jean-Claude Rabeherifara
Association Française d'Amitié et de Solidarité avec les Peuples d'Afrique
Paris, France
tel: +33 6 86 62 68 60
[email protected]

Pour les questions sur le rôle de l’Agence espagnole de Coopération internationale pour le développement (AECID)

Fernando Fernandez
Fundación Mundubat
+34 630448838
[email protected]

Pour les questions sur le rôle de l’OPIC :

Tanya Kerssen
Food First
Oakland, États-Unis
Oakland, US
+591 6702-6706
[email protected]

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* Investisseurs des IFD dans le Fonds africain pour l’agriculture :

- Agence française de développement (AFD)/PROPARCO (FISEA), $30M + $10M = $40M (2011)
- Société des investissements privés à l’étranger (OPIC), $100M (2011)
- Agence espagnole pour la coopération internationale au développement (AECID) $40M (2010)
- Banque africaine de développement (AfDB), $40M
- Commission européenne (CE) $12M
- Banque de développement d’Afrique du Sud (DBSA) montant inconnu
- Banque ouest-africaine de développement (BOAD) montant inconnu
- Banque d’investissement et de développement de la CEDEAO (BIDC) montant inconnu

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