L’organisation paysanne SPI lutte pour la souveraineté alimentaire en Indonésie

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CCFD Terre Solidarie | 25 juin 2015

L’organisation paysanne SPI lutte pour la souveraineté alimentaire en Indonésie

Membre de la Via Campesina et partenaire du CCFD-Terre Solidaire, Serikat Petani Indonesia (SPI) est une organisation paysanne qui travaille à la promotion de la souveraineté alimentaire de l’Indonésie. Un an après l’élection du nouveau chef d’Etat Joko Widodo, qu’en est-t-il des enjeux et perspectives ?
De passage à Paris, Zainal Arifin Fuad, Chef du Département Relations Internationales de SPI, partage quelques éléments d’analyse.

Auteur(s) : SPI

Quelle est la vocation de Serikat Petani Indonesia ?

En Indonésie autour de 40 % de la population active est paysanne et parmi ces paysans 70 % n’ont pas de terre ou moins d’1,5 hectare.
Notre organisation qui compte 700 000 membres entend les renforcer sur les plans économique, politique et culturel dans un objectif de souveraineté alimentaire. Economique, en les aidant à s’organiser en coopérative et en les formant aux pratiques agro-écologiques.
Politique, en cherchant à peser sur les lois et la mise en œuvre de la réforme agraire, sachant que l’histoire paysanne est depuis la colonisation une longue histoire de subordination.
Et enfin culturel : en redonnant leur dignité aux paysans tout en mettant l’accent sur les actions collectives, l’esprit de compétition et l’individualisme n’ayant pas épargné l’Indonésie.

Comment définissez-vous la souveraineté alimentaire à laquelle SPI aspire ?

La souveraineté alimentaire implique que les populations paysannes aient le droit de disposer de la terre et ce, dans le respect de celle-ci, donc sans recourir à des intrants chimiques. Elle implique également une dimension locale : utilisation de semences locales et circuits de distribution courts.
Le concept de souveraineté alimentaire se distingue donc de celui de sécurité alimentaire prônée par la FAO qui ne pose la question de l’alimentation qu’en termes d’accessibilité aux aliments pour la population ou les pays.
Où la nourriture est-elle produite ? Par qui ? Comment ? Les partisans de la sécurité alimentaire s’en fichent, ce qui laisse des opportunités énormes aux compagnies agro-alimentaires au détriment des paysans.
Une des grandes victoires de SPI est d’avoir réussi en 2009, après six ans de lutte, à ce que le terme de souveraineté alimentaire soit ajouté à celui de sécurité alimentaire dans la loi indonésienne. Mais les obstacles à sa mise en œuvre n’ont pas disparu pour autant.

Quels en sont les principaux obstacles ?

D’abord l’accès à la terre. Dans la ligne droite des préceptes du FMI et de la Banque mondiale, les gouvernements indonésiens ont toujours privilégié les cultures d’exportation et les grandes concessions gérées par les compagnies agro-alimentaires, la fonction des paysans se réduisant à celle de simples ouvriers agricoles.
Une grande partie des terres cultivables sont également accaparées pour la production d’huile de palme comme agro-carburant, l’exploitation minière ou encore par des compagnies immobilières.
Par ailleurs les accords de libre échange obtenus par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ou le Free Trade Agreement (FTA) [1]de l’UE vont à l’encontre de la protection des marchés locaux que nous appelons de nos vœux. Dans le moindre village indonésien, on trouve aujourd’hui du piments ou des oignons importés de Chine qui viennent concurrencer ceux des petits producteurs locaux.

En 2014, vous avez soutenu la candidature de Joko Widodo à la tête de l’Etat. Un an après son élection, quel bilan faites-vous de son mandat ?

De tous les candidats, Joko Widodo, nous était apparu le plus apte à intégrer notre vision de la souveraineté alimentaire dans son programme et nous lui avions fait un certain nombre de propositions qu’il avait reprises dans sa campagne et fait 9 promesses [2].
Au moment de la constitution de son gouvernement, il fut même envisagé que le président de SPI devienne ministre de l’Agriculture. C’est dire les espoirs que nous avions nourris…
A ce jour, nous pouvons mettre deux décisions à l’actif du nouveau gouvernement : désormais les paysans pourront cultiver les terres laissées à leur disposition par l’Etat sans contrepartie financière, ce qui est une nouveauté, et les programmes de soutien aux paysans (formations, prêts, distribution de matériels etc.) sont ouverts à tous les groupements et syndicats de paysans.
Le gouvernement a également diminué les subventions aux agro carburants pour investir davantage dans l’agriculture. Malheureusement, ces investissements se font au profit des moyennes ou grosses exploitations agricoles tout en privilégiant l’utilisation d’intrants chimiques et de semences hybrides.
Par ailleurs, tandis que l’accaparement des terres ne cesse de croitre, les terres que le gouvernement avait promis de redistribuer aux petits paysans (objectif de 9 millions d’hectares) n’ont toujours pas été identifiées.
Enfin, notre rapport annuel sur les conflits et violences liés aux accaparements de terres – paysans jetés en prison, voir assassinés – montre qu’ils ont également augmenté au cours de l’année écoulée.
Nous restons donc très circonspects, tout en sachant qu’une année n’est pas suffisante pour juger, compte tenu de la diversité des acteurs impliqués.

La population paysanne a-t-elle les moyens d’identifier elle-même les terres publiques susceptibles d’être redistribuées ?

Non, c’est extrêmement complexe car ces terres sont gérées par différents ministères : le ministère de l’Agriculture, mais aussi celui des Forêts, de la Pêche, du Tourisme etc.
Plus identifiables sont les terres concédées à de grosses compagnies, comme Danone par exemple, et qui ont été abandonnées par ces dernières.
SPI réclame aujourd’hui leur restitution. Ce sont plus d’un million d’hectares qui pourraient être ainsi récupérées et redistribuées.

Votre organisation associe-t-elle sa base au plaidoyer ?

C’est un enjeu très fort pour SPI aujourd’hui. En Indonésie, nous avons quatre niveaux de décentralisation. Le niveau national, le niveau provincial, le niveau du district et le niveau du village.
Une nouvelle loi sur le développement rural vient de conférer une plus grande autonomie aux villages, lesquels recevront directement des fonds depuis le gouvernement central.
SPI doit donc à tout prix développer son plaidoyer à ce niveau et renforcer les communautés villageoises.

Propos recueillis par Patrick Chesnet

[1] Principale association du commerce européen qui promeut les valeurs du libre-échange.

[2] Les neufs promesse de Joko Widodo 1) Souveraineté alimentaire ; 2) La réforme agraire (9Mha) ; 3) Solutionner les conflits agraires ; 4) Agro-écologie ; 5) Coopératives CU/Banques rurales ; 6) Stimuler le marché local ; 7) Développement rural ; 8) Défense des droits des peuples indigènes ; 9) Protection de l‘environnement

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