Le contrat d’agribusiness de VARUN doit être annulé

Collectif pour la Défense des Terres Malgaches | 7 octobre 2009,

Pour la défense des paysans et des terres malgaches

Le contrat d’agribusiness de VARUN doit être annulé

Persévérant sans relâche dans la défense des terres malgaches, le Collectif TANY exprime sa vive préoccupation concernant les projets d’agribusiness du géant indien de l’acier VARUN qui ne cesse d’étendre ses activités à Madagascar. Le contrat agricole signé avec la région Sofia en janvier 2009 est fortement défavorable aux paysans malgaches. Suspendu depuis plusieurs mois par le pouvoir central (1), il doit d’urgence être annulé.

VARUN International, un colosse qui prend pied à Madagascar

Rappelons que lorsque la presse malgache rapporte le projet d’agribusiness de la firme Varun en mars 2008, la compagnie prévoyait d’investir dans le pétrole, dans l’informatique et dans les chemins de fer (2).

En septembre 2008, Varun a acquis deux permis d’exploration d’uranium de 320 carrés  sur le site de Manjakamboahangy, dans la région d’Amoron’i Mania et sur le site d’Ankilizato, dans le Menabe (3)

En septembre 2009, la société Varun Energy Corp. est créée, en partenariat avec les autorités malgaches, pour gérer les permis miniers dans l’uranium à Madagascar. L’acquisition du bloc de prospection pétrolière 3101 d’une superficie de plus de 5000 km2 au sud de Mahajanga et des permis de prospection d’uranium sur une superficie de plus de 6000 Km2 est confirmée (4) et (5) et la signature d’une autorisation de prospection de gaz au large de l’île Sainte-Marie sur une zone de 13 200 km2 est annoncée. (6)

La firme indienne multiplie les filiales spécialisées : Madagascar Energy Corp (pétrole), VARUN Petroleum Madagascar, VARUN Energy Corp (uranium), VARUN Agriculture (éthanol)

VARUN se lance dans l’agribusiness

Un article du journal Le Monde du 21 mars 2009 a révélé au grand public les ambitions de VARUN dans l’agribusiness. Les régions concernées incluent Atsinanana et Sofia, ainsi que Analanjorofo ou Menabe. Les cultures prévues sont le riz, les grains secs comme le haricot et le dall, une variété d’agrume d’origine indienne. Dès septembre 2008, Varun aurait disposé d’une surface de 165 000 ha dans la Sofia et un accord préliminaire de partenariat aurait été signé avec le Ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche (7).

En avril 2009 (8), la presse malgache donne quelques détails sur le contrat signé le 26 janvier 2009 entre Varun, le Chef de région Sofia et 13 associations de paysans des districts de Port-Bergé, Mampikony, Analalava, Befandriana-Avaratra, Bealanana et Mandritsara. Il est rédigé en anglais. Selon un ancien député de Port-Bergé, les terres impliquées dans son district sont des baiboho - très fertiles - et les terres appartiennent à plusieurs centaines de familles paysannes qui ne possédaient pas de titres, donc susceptibles d’être prises définitivement par Varun si la firme entreprend un titrage.

Un contrat décrypté par des experts

Des experts de Madagascar ont travaillé sur le contrat signé dans la région Sofia, enquêté sur le terrain et présenté leurs conclusions début septembre. Nous vous les rapportons.

Initialement, la surface visée de terres du projet était de 130 00 ha. Au final, la superficie repérée a été de 232 000 ha. Varun reconnaît que les ¾ des terres convoitées sont occupées. Le projet est composé de contrats de production (« farming contract ») sur 171 000 ha déjà occupés et des baux emphytéotiques sur 61 000 ha de terrains domaniaux.

Les négociations foncières ont été confiées à un bureau d’études malgache SODHAI. Il s’est chargé de créer 13 groupements paysans, d’engager les procédures d’acquisition et d’organiser un « atelier de signature », le tout en 15 jours et en une seule mission sur le terrain. L’investissement pour l’installation et l’aménagement de 13 périmètres irrigués en deux ans devait s’élever à 1,17 milliard de $, avec un retour sur investissement dès la 3ème année.

Les objectifs de production sont de 2,8 millions de tonnes de paddy par an (soit plus de la moitié de la production nationale) à la 4ème année et 400 000 tonnes de maïs. Les techniques envisagées prônent le SRI (système de riziculture intensive) et la mécanisation pour un rendement espéré de 10 à 12 tonnes de paddy par ha/an, de 4 tonnes par ha/an pour le maïs. Les récoltes sont destinées à l’exportation pour 20% du riz, 50% du maïs et 100% du dall.

En contrepartie, Varun a fait des promesses non quantifiées et vagues sur des villes nouvelles, des centres de santé, des écoles ou des villages électrifiés, un réseau d’eau potable. Ce sont surtout les installations utiles pour le "projet" qui sont détaillées : bureaux, logements du personnel, ateliers, garages etc.

La méthode Varun

L’originalité du « contract farming » sur les terres occupées est que Varun a mis en place lui-même ses propres interlocuteurs :

L’accord est conclu entre Varun et les « propriétés de plein droit » (« lawful land holders ») de 13 plaines regroupées en associations par le bureau d’études SODHAI.

Les présidents des associations sont habilités à « donner de la terre à Varun pour des cultures » sur 171 000 ha. Ils s’expriment en leur nom, celui de leurs membres et de leurs descendants.

La durée du contrat de fermage est de 50 ans, Varun réalise tous les travaux agricoles et verse des produits aux paysans. Une clause de "confidentialité" impose aux associations de ne communiquer aucune information sur le projet et de ne pas interférer avec les techniciens Varun. La formalisation de l’accord s’est effectuée au cours d’un « atelier de signature ».

Le schéma de répartition de la production est le suivant : sur un terrain sous contrat de fermage (par exemple de 1 ha, avec un rendement espéré de 10 tonnes de paddy/ha), Varun recevait 70% des récoltes (7 t.), le paysan propriétaire devait recevoir 30 % des récoltes (3 t.).

Mais au sein des 30% remis au paysan, 30% sont destinés à son auto-consommation (0.9 t. dans l’exemple cité), et il doit vendre obligatoirement 70% à Varun (2,1 t.), à un prix fixé par Varun selon le cours local des zones de production.

En somme, sur les 10 tonnes de paddy/ha, plus de 9 aboutissent chez Varun, dont 2 tonnes achetées.

Augmentation de revenus ou de la pauvreté ?

Même avec un rendement illusoire de 10 t/ha de paddy, une famille malgache moyenne de 5 personnes, disposant de 1ha ne va plus toucher qu’une rente annuelle correspondant à 3 tonnes de paddy dont 900 kg en nature, soit 585 kg riz. Or une famille paysanne malgache consomme en moyenne 140 kg de riz/personne, soit 700 kg/famille/an.

L’avenir de ces familles paysannes malgaches s’annonce donc sans terres et sans activités. Elles n’auront plus besoin de travailler leurs terres mais quelles activités auront-elles à la place ? Une autre activité agricole ? Sur quelles terres ? Migration forcée ?

Il y a beaucoup d’effets d’annonce. En fait, le recrutement de 1 500 personnes équivaut à 1 nouvel emploi pour 155 ha. Il n’est plus question de villes nouvelles mais de « low cost housing » (logement social). Et dans les accords avec les associations paysannes, il n’est plus fait état d’infrastructures d’aménagement et de barrages.

La « hausse des revenus des paysans » annoncée par Varun est contestable. Ce contrat de fermage risque plutôt de provoquer la pauvreté.

Le Collectif pour la Défense des Terres Malgaches TANY a décidé de diffuser les résultats de cette étude car la firme Varun a manifesté récemment sa volonté de relancer les négociations sur le projet agricole. Varun affiche son optimisme à l’arrivée de son président à Antananarivo pour les prochains jours (9).

Face aux positions renforcées de Varun dans de nombreux secteurs à Madagascar et  aux besoins de financement des autorités malgaches, le Collectif TANY :

  • réitère son soutien aux populations de la région Sofia et de toute l’île pour la défense de leurs terres et de leurs terroirs,
  • demande aux autorités d’annuler ce projet dont l’absence d’intérêt pour les populations est avérée,
  • maintient toutes ses revendications précédentes notamment celle pour « l’organisation d’un débat national pour la mise en place de nouvelles lois et mesures concrètes facilitant l’acquisition de terrains pour les familles et paysans malgaches ».
(1) Le contrat déjà signé entre les autorités régionales et les groupements paysans le 26 janvier 2009 aurait été « suspendu » par les autorités nationales actuelles pour vice de procédure : « [..] pour la société Varun, un contrat de mise à disposition à son profit a été signé par le Chef de Région de Sofia pour un terrain d’une superficie supérieure à 130.000 ha. La signature des contrats concernant des terrains de l’Etat d’une superficie supérieure à 50ha relève de la compétence du Ministre en charge des Domaines (…) ledit contrat n’a aucune valeur et est nul et de nul effet », avait écrit le Ministre de l’Aménagement du Territoire dans sa lettre datée du 5 juillet au Collectif TANY datée 5 juillet 2009.(cf. Newsletter 6 du Collectif pour la Défense des Terres Malgaches TANY)

(2) L’Express de Madagascar, 5 mars 2008.

http://www.lexpressmada.com/index.php ?p=display&id=15490&search=varun

(3) L’Express de Madagascar, 16 septembre 2008

http://www.lexpressmada.com/index.php ?p=display&id=20663&search=varun

(4) La Lettre de l’Océan indien, 5 et 9 septembre 2009

(5) http://steelguru.com/news/index/2009/09/24/MTEzMjg1/Varun_Group_inks_uranium_exploration_deal_with_Madagascar.html

(6) http://www.equitybulls.com/admin/news2006/news_detmysql.asp ?id=60275#

(7) L’Express de Madagascar, 17septembre 2008

http://www.lexpressmada.com/index.php ?p=display&id=20698&search=varun

(8) La Vérité, 15 et 25 avril 2009

http://www.laverite.mg/articles-en-malagasy/tany-nomenanyqvarunq-manazava.html

http://www.laverite.mg/articles-en-malagasy/depiote-dramsy-nizar.html

(9) The Times of India, 26 septembre 2009

http://timesofindia.indiatimes.com/news/business/india-business/The-New-Landlords/articleshow/5060584.cms

Un paragraphe de cet article dit : « Le nouveau gouvernement Rajoelina a non seulement annulé le contrat  hautement impopulaire [Daewoo], mais quelques jours après avoir pris le pouvoir, il dût se saisir d’une autre affaire : une société de Mumbai, Varun International, avait négocié pour 170 914 ha dans la région Sofia à Madagascar pour y cultiver du riz, du blé et du maïs. Un porte-parole de Varun dit qu’ils étaient encore optimistes. « Des discussions sont en cours et notre président, Kiran Mehta, doit effectuer un voyage à Madagascar dans les 15 jours

Collectif pour la Défense des Terres Malgaches – TANY

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