Les investisseurs étrangers bienvenus

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Dessin de Krauze paru dans The Guardian, Londres.

Le Courrier Interational | 17.02.2011

Disposant de terres arables non exploitées, la Zambie les loue à des entreprises occidentales qui y cultivent des céréales. De quoi assurer l’approvisionnement du marché national.

Scott Baldauf | The Christian Science Monitor

Les collines de cette région de Zambie ont longtemps été connues pour le cuivre que se disputaient les compagnies minières américaines, britanniques et chinoises. Mais cette industrie soumise à des cycles imprévisibles d’expansion et de repli semble maintenant vouée à mettre prochainement la clé sous la porte. La crise alimentaire de 2007, engendrée par la demande croissante de biocarburants qui a fait s’envoler les prix des denrées, a attiré un type d’investisseurs d’un genre totalement nouveau. Pendant que les patrons des compagnies minières con­sultaient les cartes et évaluaient les richesses qu’ils pouvaient encore extraire des profondeurs du sol, les nouveaux investisseurs étrangers ont estimé les revenus qu’ils pouvaient tirer des champs de maïs et de blé. C’est ainsi qu’ils ont projeté de créer des dizaines de milliers d’emplois stables qui vont relancer l’économie rurale du pays.

“L’Afrique est un importateur de denrées alimentaires, alors qu’elle dispose de vastes étendues de terres fertiles”, remarque Neil Crowder, cofondateur de Chayton Capital, une société d’investissement londonienne, soutenue par la Banque mondiale, qui a investi 10 millions de dollars dans la firme locale Chobe Agrivision pour louer 10 000 hectares dans la région de Mkushi et qui projette de doubler prochainement cette superficie. “Malheureusement, certains des pays les plus pauvres du monde ont les prix alimentaires les plus élevés. Comme on peut réduire les frais de transport en ayant des exploitations en Zambie, on a décidé d’y mettre en place un modèle d’approvisionnement du pays et de ses voisins en denrées de subsistance – principalement en maïs, soja et blé.”

Repère

Chobe Agrivision a commencé à mettre son projet en oeuvre après avoir obtenu un bail de quatorze ans du gouvernement. La société a planté du maïs et du soja à la fin de l’an dernier et elle prévoit d’engager 3 000 habitants de la région pour assurer les récoltes en 2011. En vertu de l’accord signé avec le gouvernement zambien, 80 % de la production sera exportée dans des pays voisins et les 20 % restants seront vendus en Zambie. La Zambie (capitale Lusaka), ex-Rhodésie du Nord, est un pays d’Afrique australe sans accès à la mer, traversé par le fleuve Zambèze. Le pays fut colonisé par les Britanniques à la fin du XIXe siècle et devint un protectorat de l’Empire colonial britannique jusqu’en 1964.

Accueil favorable

Le gouvernement du président Rupiah Banda a accueilli favorablement ce projet qui bénéficie du soutien des agriculteurs. Ceux-ci ne voient pas les investissements étrangers comme une menace. “Selon le recensement en cours, notre population est comprise entre 12 et 15 millions d’habitants, ce qui n’est pas énorme, et nous avons entre 30 et 45 millions d’hectares de terres arables, dont la grande majorité ne sont pas exploitées”, souligne Bradford Machile, le ministre du Développement de l’élevage et de la pêche. A la différence de pays comme Madagascar et le Mozambique, poursuit le ministre, la Zambie n’a pas de grand mouvement de défense des agriculteurs?et?des?consommateurs contre les “vols” de terrains, car les terres ne manquent pas. “Les terres sont ici. Vous ne pouvez pas les prendre et partir avec”, dit-il.

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Chobe Agrivision a commencé à mettre son projet en œuvre : après avoir obtenu un bail de quatorze ans du gouvernement, la société a planté du maïs et du soja à la fin de l’an dernier et elle prévoit d’engager 3 000 habitants de la région pour assurer les récoltes en 2011. En vertu de l’accord signé avec le gouvernement zambien, 80 % de la production seront exportés dans des pays voisins et les 20 % restants seront vendus en Zambie.

La société projette également d’entrer en contact avec les petits agri­culteurs locaux (dont beaucoup travailleront sur ses terres) et de leur enseigner des techniques de pointe pour qu’ils puissent accroître leur propre production. Quand elle construira ses moulins à grains, elle les dotera d’une capacité accrue pour qu’ils puissent les utiliser aussi pour leur propre compte et améliorer leurs revenus.

Grenier à céréales

“Dans quatre ou cinq ans, la Zambie sera un grenier à céréales non seulement pour l’Afrique australe, mais pour tout le continent”, prédit Stuart Kearns, un ancien fermier zimbabwéen qui dirige les opérations de Chobe dans la ville de Mkushi. Selon lui, les petits agriculteurs ne peuvent pas se payer les grands systèmes d’irrigation à pivot central, dans lesquels des buses gigantesques tournent autour d’un pivot pour distribuer juste la quantité d’eau requise, mais ils peuvent apprendre la technique du zéro labour, qui réduit l’érosion et accroît la production en retenant les substances nutritives dans le sol.

“Dans certains pays, l’agriculture est regardée de haut. Tout le monde aspire à un emploi de col blanc, mais nous voulons faire en sorte que l’agriculture soit enseignée à l’école avant que le mépris ne s’installe, poursuit M. Kearns. C’est un programme dans lequel vous enseignez à vos employés, puis à vos voisins, et chacun propage à son tour ses connaissances.”

Son partenaire, Fred Wallis, qui avait lui aussi une ferme au Zimbabwe, roule jusqu’à la clôture à travers des hectares de plantations bien entretenues et pointe du doigt les champs d’une petite ferme située au-delà. Des femmes courbées en deux désherbent à la main. Des chèvres mordillent des plants avant d’être chassées par une pluie de gravillons lancés par de jeunes garçons. La plupart de ces villageois seront sans doute embauchés et formés par Chobe. “Quand les Chinois sont venus dans la région pour extraire le manganèse, ils sont venus avec leurs propres employés, ils ont pris le manganèse et ils ont fermé la mine. Les gens disent que ce n’est pas bien, explique Fred Wallis. Mais, quand des investisseurs comme Chobe arrivent, ils vivent comme les gens du coin, embauchent ceux-ci et leur enseignent comment mieux cultiver la terre, et, quand ces villageois rentrent chez eux, ils utilisent ces techniques sur leurs propres terres. Voilà le genre d’investissement dont le pays a besoin.”

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