Q&R : Lutter pour préserver la plus riche forêt tropicale d'Afrique

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Nasako Besingi: "Herklès affirme qu’il va créer 8.000 emplois. Cependant, la plantation provoquera le déplacement d’environ 25.000 personnes qui dépendent de ces terres pour de petites productions alimentaires, la chasse, et les produits forestiers non ligneux. Ainsi, l'impact net sur l'emploi sera réellement négatif."
Inter Press Service | 27.12.2012

Q&R
Lutter pour préserver la plus riche forêt tropicale d'Afrique


Monde Kingsley Nfor interviewe NASAKO BESINGI, directeur de l’ONG environnementale 'Struggle to Economize the Future' (Lutte pour préserver le futur)

YAOUNDE , 27 déc (IPS) - Les protestations contre une plantation d'huile de palme controversée dans le Parc national de Korup à Mundemba, dans le sud-ouest du Cameroun, continueront malgré les arrestations et les intimidations des défenseurs locaux de l'environnement.

C’est la forêt tropicale la plus ancienne et la plus riche d'Afrique en termes de diversité florale et faunique.
Nasako Besingi, le directeur de l’ONG locale 'Struggle to Economize the Future' (Lutte pour préserver le futur), a déclaré à IPS: "Nous n'arrêterons pas jusqu'à ce que justice environnementale soit faite".

L’entreprise agricole 'Herakles Farms', basée à New York, a été accusée d’avoir saisi illicitement une portion de cette forêt nationale de l’Afrique centrale, comme elle continue sa plantation de 73.000 hectares de palmier à huile malgré l'absence d'une autorisation du gouvernement – il existe des revendications selon lesquelles le contrat de location de 99 ans avec le gouvernement est illégal - et deux injonctions judiciaires, et malgré l'opposition importance de la communauté.

La terre contestée est une "zone sensible de la biodiversité", un domaine crucial qui relie cinq aires protégées dans le parc, et le projet va perturber la protection et la croissance considérable de la faune, a affirmé, en août, l'Agence allemande pour la coopération internationale (GIZ) dans une évaluation des impacts environnementaux et sociaux.

Un rapport publié en septembre par deux ONG camerounaises, le Centre pour l'environnement et le développement; et le Réseau de lutte contre la faim, a déclaré: "Il ya plus de 20 villages avec leurs terres ancestrales à l'intérieur de la concession, 31 villages situés à une distance de la périphérie, et plus de 25.000 personnes seront affectées par cela. Elles dépendent de ces terres pour de petites productions alimentaires, la chasse, et les produits forestiers non ligneux".

Environ 46 pour cent des 20 millions d’habitants du Cameroun vivent dans des zones rurales, mais selon un profil du pays de l'USAID sur des droits de propriété ici, "environ trois pour cent seulement des terres rurales sont enregistrées, principalement aux noms des propriétaires de grandes exploitations commerciales". Le pays a été classé 131è sur 169 pays sur l'Indice 2010 du développement humain des Nations Unies, en partie à cause de la pauvreté persistante.

Besingi a affirmé que lui et ses collègues ont subi une répression policière, des arrestations et l'intimidation. Sa dernière arrestation datait du 14 novembre, quand la police militaire nationale du pays avait pris d'assaut son bureau.

"On nous a dit que nous étions demandés pour des interrogatoires au poste de police, et nous avons été détenus pendant toute une journée, sans aucune charge. Mais ce n'est que sous la pression internationale et locale que nous avons été libérés (sous caution) à la condition que nous devions comparaître devant les autorités chaque fois que cela serait (nécessaire)", a-t-il dit.

Besingi a expliqué que le projet de plantation de palmiers à huile évoluait malgré l'absence d'un accord formel du gouvernement, parce que l’entreprise 'Sustainable Oils Cameroon' (SGSOC), une filiale de 'Herakles Farms', avait le soutien des gens au pouvoir.

"SGSOC bénéficie du soutien de certaines élites, du chef de village de Fabe (qui se trouve sur le site du projet) et des représentants du gouvernement, y compris la police. Ils ont été achetés avec de l’argent et des choses matérielles. Ces groupes de personnes, y compris le gouvernement, sont en train de tromper le peuple", a-t-il déclaré.

Voici des extraits de l’interview avec IPS:

Q: Quel est votre intérêt dans cette campagne contre SGSOC/Herakles Farms?

R: Nous ne pouvons pas rester les bras croisés et laisser quelques individus ruiner la vie de milliers de gens. Donc, nous devons faire entendre nos voix et celles des sans voix.

Donner autant de terres forestières à une entreprise qui n'a pas de véritable plan de développement pour le peuple est une injustice envers le peuple qui ne peut pas avoir accès à un tiers des terres forestières. De nombreux habitants estiment qu'il y a déjà beaucoup trop de zones protégées dans la (forêt). Cette plantation massive va encore restreindre leur accès à la terre.

Q: Bruce Wrobel, directeur général de 'Herakles Farms', a déclaré en septembre que l'organisation employait déjà plus de 500 personnes, et s'est engagée à embaucher parmi les habitants des villages environnants. Il a ajouté qu'une fois que la plantation serait totalement opérationnelle, il faudrait environ 8.000 employés. N'est-ce pas une opportunité pour les gens?

R: Il n’est pas évident que les grandes plantations puissent effectivement amorcer le développement économique de cette région. Les expériences passées du pays prouvent que de telles promesses... sont fausses. Au contraire, les grandes plantations ont entraîné une dégradation massive de l'environnement, la destruction des moyens de subsistance, et la transformation des petits agriculteurs et des populations autochtones en des ouvriers de plantations sous-payés.

L’entreprise affirme qu’elle va créer 8.000 emplois. Cependant, la plantation provoquera, sur le plan économique, le déplacement d’environ 25.000 personnes qui dépendent de ces terres pour de petites productions alimentaires, la chasse, et les produits forestiers non ligneux. Ainsi, l'impact net sur l'emploi sera réellement négatif.

Q: Quel est le problème avec la gestion des terres au Cameroun?

R: A mon avis, il y a deux problèmes fondamentaux. D’une part, les collectivités n'ont pas de droits fonciers légalement reconnus qui garantissent leur accès aux ressources naturelles vitales dont elles dépendent; et d'autre part, le Cameroun reste encore à élaborer une stratégie nationale d'utilisation des terres qui, en principe, devrait évaluer les besoins des communautés locales avant d'en accorder l'accès à des investisseurs étrangers.

Q: Que voudriez-vous que le SGSOC/Herakles Farms fasse avant d’opérer?

R: Nous demandons que le SGSOC respecte la loi camerounaise et les droits des communautés.

Malheureusement, le SGSOC a maintes fois violé la loi camerounaise. Ils ont signé un contrat illégal avec le gouvernement, et n’ont montré aucun respect pour les communautés locales qui, en majorité, s'opposent au projet.

D’après la loi de 1976 régissant l'attribution des concessions sur les terres de l'Etat au Cameroun, à la suite de la signature du contrat de location, le SGSOC était censé recevoir une approbation présidentielle avant de démarrer les activités agricoles. Mais cela n'a pas été accordé, donc le projet est en violation de la loi depuis 2010. En plus, avant le démarrage de ses activités, une évaluation des impacts environnementaux et sociaux n’a pas été réalisée.
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