Briefing: Transformer les déserts égyptiens en terrains agricoles

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Le manque de sécurité sur le marché libre, comme l’a démontré l’embargo de la Russie sur les exportations de blé en 2010, a poussé le gouvernement à envisager de cultiver des céréales dans d’autres pays, au Soudan notamment.. Photo: Bethmoon527/Flickr

IRIN | 13.01.2013 | English - عربي

Briefing: Transformer les déserts égyptiens en terrains agricoles

LE CAIRE, 14 janvier 2013 (IRIN) - Après la révolution qui a commencé il y a presque deux ans, les tensions politiques en Égypte ont ébranlé le secteur touristique, conduisant à une envolée des prix des produits alimentaires et à un ralentissement économique qui fait craindre l’insécurité alimentaire.

En 2012, l’Égypte était le plus grand importateur mondial de blé avec 11,5 millions de tonnes achetés à l’étranger, ce qui illustre le fossé entre l’objectif officiel de sécurité alimentaire durable et la réalité.

« Il est urgent d’augmenter la productivité de blé », a déclaré Nagui Saeed, dirigeant de l’association des producteurs de blé d’Égypte, non seulement pour conserver les devises étrangères, mais aussi pour subvenir aux besoins d’une population en pleine expansion qui a presque doublé au cours des 30 dernières années pour atteindre les 83 millions.

Pour garantir sa sécurité alimentaire sur le long terme, l’Égypte doit relever un grand nombre de défis : près de 99 pour cent de la population vit sur environ 4 pour cent de terres cultivées (sur les bords du Nil où se trouvent la plupart des terrains fertiles).

Les terres arables couvrent environ 3 pour cent du territoire national et sont menacées par la désertification, l’urbanisation et la salinisation, notamment au nord du Haut barrage d’Assouan, ce qui entraîne chaque année la perte de 11 736 hectares de terres agricoles, d’après les estimations.

Le grand dessein a toujours été de transformer les zones désertiques peu exploitées en les irriguant et de permettre à la vallée du Nil, densément peuplée, de se développer.

Qu’est-il arrivé au projet Toshka du président Moubarak ?

Au milieu des années 1990, l’ancien président Hosni Moubarak avait lancé le projet Toshka qui prévoyait de cultiver 202 347 hectares de terres arables dans le désert occidental et de les irriguer avec l’eau du lac Nasser, un immense lac artificiel créé par la construction du Haut barrage d’Assouan sur le Nil, au sud du pays.

Les problèmes de financement, de mauvaise gestion et le soutien politique défaillant sont autant d’obstacles au projet de grande envergure qui tient néanmoins une place importante dans les discussions sur l’autosuffisance alimentaire.

Mais dans le contexte d’instabilité politique actuel, le rêve d’un projet unique transformant de grandes étendues désertiques en exploitations céréalières tient plus du caprice d’un dirigeant autoritaire que d’une priorité absolue pour le gouvernement nouvellement élu.

Les Frères musulmans, dont est issu le président Mohamed Morsi, sont opposés au projet, mais l’idée politique générale d’améliorer la sécurité alimentaire pour la population croissante est toujours une volonté politique étatique.

Comment améliorer et étendre les terrains agricoles existants ?

« Il y a une volonté d’atteindre l’autosuffisance en blé au niveau national », a déclaré à IRIN Iman Sadek, directrice de recherche au Centre de recherches agricoles (rattaché au ministère de l’Agriculture) et responsable de la Campagne nationale d’amélioration de la culture du blé (un projet qui vise à réduire l’écart entre la production et la consommation de blé en Égypte).

L’exploitation des terres désertiques pourrait être une partie de la solution, affirme-t-elle.

« Mais nous devons garder à l’esprit que la variété de blé pouvant être cultivée dans le désert est peut-être très différente de celle qui pousse dans la vallée ou le delta du Nil ».

Loin des projets d’ampleur pharaonique, des progrès ont été peu à peu réalisés.

Selon le ministère de l’Agriculture, l’Égypte a produit 8,7 millions de tonnes de blé en 2012, soit 4 pour cent de plus que l’année précédente qui était déjà une bonne année.

« Les améliorations de la productivité peuvent s’obtenir non seulement en augmentant le nombre de terres réservées à la culture du blé, mais aussi en appliquant de nouvelles technologies pour augmenter la production des champs actuels », a déclaré M. Saeed de l’association des producteurs de blé.

Selon le ministre de l’Agriculture Salah Abdel Mo’men, la surface totale des cultures de blé a augmenté pour atteindre les 1,2 million d’hectares en 2012, contre 1,1 million d’hectares en 2011.

Le nouveau gouvernement égyptien a pour objectif de produire sur le territoire suffisamment de blé pour couvrir 75 pour cent des besoins en blé du pays d’ici trois ans. Des zones pilotes, mises en place en 2011 et en 2012 par le Centre de recherches agricoles (Agriculture Research Center – ARC) égyptien et par l’Académie de recherche et de technologie scientifique (Academy of Scientific Research and Technology – ASRT), ont démontré que la productivité pouvait être augmentée de 30 pour cent.

Les rendements améliorés ont été attribués aux nouvelles variétés développées par le Centre de recherches agricoles et par de nouvelles méthodes agricoles (plantation sur des plates-bandes surélevées).

Quels problèmes empêchent une plus grande production alimentaire ?

L’agriculture a besoin de terres fertiles et d’eau, deux éléments rares en Égypte, mais ironiquement, c’est l’eau qui abrite la plus grande menace pour les terres fertiles.

Le delta du Nil fournit un tiers de la production agricole nationale, mais l’intrusion de l’eau de mer est maintenant un problème majeur, à cause du niveau de la mer Méditerranée qui est monté de 20 cm au cours du siècle passé.

L’Égypte est particulièrement vulnérable au changement climatique.

Le pays connaît une pénurie d’eau annuelle de sept milliards de mètres cubes. Unique source d’eau douce régulière, le Nil est également menacé par une exploitation croissante des ressources en eau en amont.

L’agriculture devra porter le fardeau de la moindre diminution de la disponibilité de l’eau, le secteur consommant actuellement 85 pour cent des ressources, d’après le rapport officiel sur l’environnement de l’État égyptien qui critique « le recours systématique à des méthodes agricoles non durables pour les semis et les modes d’irrigation ».

Avec seulement 55 milliards de mètres cubes par an, l’Égypte n’a pas assez d’eau pour étancher la soif de sa population croissante et pour irriguer ses champs agricoles (qui représentent un total de 3,3 millions d’hectares).

Que fait le gouvernement ?

Aujourd’hui, le gouvernement achète des céréales sur les marchés mondiaux, exposant ainsi les plus pauvres aux fluctuations des prix alimentaires mondiaux, important des produits alimentaires pour pallier la pénurie de ressources en eau.

Le manque de sécurité sur le marché libre, comme l’a démontré l’embargo de la Russie sur les exportations de blé en 2010, a même poussé le gouvernement à envisager de cultiver des céréales dans d’autres pays, au Soudan notamment.

Une délégation du ministère de l’Agriculture se prépare à se rendre au Soudan cette année pour examiner la possibilité de cultiver du blé sur un total de 470 000 hectares de terres soudanaises.

Si une meilleure utilisation des ressources en eau apparait comme l’idée la plus facilement réalisable pour améliorer la sécurité alimentaire nationale, certains considèrent l’étranger comme une solution future.

Les scientifiques affirment que le désert occidental abrite un énorme réservoir d’eaux souterraines qui pourrait permettre à l’Égypte d’irriguer jusqu’à 1,5 million d’hectares de terres.

Khaled Abd El-Kader, un professeur émérite de stratigraphie de l’université d’Assiout a utilisé des images satellites de la grande mer de sable, une zone du désert occidental qui comporte d’énormes dunes de sable pouvant atteindre 100 mètres de haut, pour localiser les eaux souterraines. 

Les résultats recueillis lors d’une excursion sur le terrain indiquent qu’il y aurait une immense oasis accessible qui s’étendrait sous le Tchad, l’Égypte, la Libye et le Soudan.

Une étude précédente du spécialiste de l’eau, Maghawry Diab, indiquait la présence d’énormes quantités d’eaux souterraines dans le désert occidental, soit assez pour irriguer 261 000 hectares de terres, et suggérait que l’Égypte pourrait se passer du Nil (en termes d’irrigation) si cette source pouvait être utilisée.

Selon Mme Sadek du Centre de recherches agricoles, le gouvernement est en train de creuser des puits expérimentaux dans le désert pour essayer d’atteindre cette réserve d’eau. Dans le même temps, les chercheurs du centre se penchent sur de nouvelles variétés de blé résistantes à la sécheresse et à la salinité.
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