Le palmier à huile menace désormais le bassin du Congo

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La surface des plantations africaines pourrait tripler dans les prochaines années.
Journal de l'Environnement | le 22 février 2013

Le palmier à huile menace désormais le bassin du Congo

par Valéry Laramée de Tannenberg

Jusqu’à présent épargnées par les plantations de palmier à huile, les forêts du bassin du Congo voient s’ouvrir les premières exploitations. Et ça n’est pas fini.

Retour au bercail pour Elaeis guineensis. Après avoir dévasté les forêts primaires d’Indonésie et de Malaisie, le palmier à huile revient dans l’une des régions qui l’a vu naître: le bassin du Congo.

Originellement, cet arécacée poussait naturellement dans les pays du golfe de Guinée et du bassin du Congo. Faute de débouchés, pas plus les pays africains que les ex-puissances coloniales n’exploitèrent cette ressource industriellement. En 2010, la surface plantée en palmier à huile au Cameroun, dans les deux Congo, au Gabon, en Guinée équatoriale et en République centrafricaine n’excède pas 100.000 hectares (dont plus de la moitié au Cameroun): 100 fois moins qu’en Indonésie et en Malaisie, les deux premiers producteurs mondiaux d’huile de palme.

La situation est pourtant en train d’évoluer. Dans un rapport publié en fin de semaine, Rainforest Foundation UK dénonce le développement massif en cours des plantations de palmier à huile dans les 6 pays du bassin du Congo. Selon l’ONG, qui s’appuie sur une enquête de Earthsight Investigation, pas moins de 500.000 ha ont déjà été plantés, comme à Kango (Gabon), ou sont en cours de défrichage ou d’aménagement. Soit 5 fois la superficie déjà plantée dans ces pays de l’Afrique tropicale.

Plus inquiétant: des études estiment à 115 millions d’hectares la superficie des terres de la région favorable à la culture du palmier. D’ores et déjà, estime l’ONG britannique, de nouveaux projets prévoient de porter à 1,6 Mha la surface des plantations. S’ils sont menés à bien, ils permettront l’émergence de gigantesques forêts industrielles, à l’instar des plantations d’Atama (470.000 ha en République du Congo) ou de celles que Sime Darby (300.000 ha) et Siva (200.000 ha) comptent prochainement inaugurer au Cameroun.

En faisant reculer la forêt naturelle, ces champs de palmier contribueront à diminuer la biodiversité et à réduire les habitats des habitants de la forêt et des espèces sauvages menacées. Des dégâts collatéraux régulièrement dénoncés en Indonésie et en Malaisie. Sans surprise, ce sont d’ailleurs des entreprises issues d’Asie du Sud-est qui sont souvent derrière ces investissements. Sime Darby est malaise.

Très active au Congo, Atama Plantations appartient, avec d’autres actionnaires fantômes, à l’énergéticien malais Wah Seong. La Singapourienne Olam prévoit de planter 130.000 ha au Gabon. Siva, elle, est d’origine indienne. Bien évidemment, ces multinationales ne visent pas les marchés locaux de l’huile de palme. Rainforest Foundation UK rappelle que les plantations existantes produisent un peu plus de 300.000 tonnes d’huile par an, dont moins de 9.000 sont exportées dans les pays de la région, et quelques dizaines de tonnes vers l’Europe.

Pour autant, c’est essentiellement la satisfaction des besoins des pays développés et émergents en huile de palme et en agrocarburants qui est indirectement responsable du recul annoncé des forêts tropicales africaines. Certaines études estiment que la demande mondiale en huile de palme va progresser de 60% entre 2010 et 2020. Ce qui ne doit pas masquer l’appétit croissant de l’Afrique pour cette huile bon marché: +15% par an.

Conséquence: l’Afrique importe 3 millions de tonnes d’huile par an, en moyenne. Paradoxe: les pays du bassin du Congo se battent depuis des années pour faire avancer le dossier Redd+. Derrière ce barbarisme se cache un mécanisme permettant aux pays forestiers des tropiques protégeant leurs massifs (qui stockent d’importantes quantités de carbone) d’émettre des crédits carbone, achetables par les pays industrialisés.

Or, en déforestant pour laisser la place au palmier à huile, les pays du Congo vont alourdir leur bilan carbone et laisser passer une chance de monétariser leur patrimoine vert. En détruisant 73.000 ha de forêt gabonaise, la compagnie américaine Herakles Farm devrait contribuer, estime un rapport de Greenpeace USA, à relâcher 9,5 millions de tonnes équivalent carbone: plus de 2 années d’émissions nationales de gaz à effet de serre!

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