L’accaparement des terres dans les pays du sud

LeMonde.fr | 23 décembre 2008

De Schutter (ONU): «La terre est devenue une ressource rare»
(Médiapat - Ludovic Lamant - 21 déc 2008 - Extraits)

Dans un entretien à Mediapart, Olivier de Schutter, rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation, successeur de Jean Ziegler à ce poste depuis mai 2008, analyse avec précision ce phénomène en forte accélération d’«accaparement des terres». Et propose d’explorer des régimes alternatifs de propriété, pour sortir de l’impasse.

Que pensez-vous de l’accaparement des terres en cours dans les pays du Sud ?

Ce phénomène inquiétant s’inscrit dans un cadre plus large, d’une course de vitesse pour l’accaparement des ressources naturelles. Qu’il s’agisse de terres arables, d’eau ou de minéraux. Cette course est favorisée par la mondialisation économique. Les réductions des barrières aux échanges autorisent en effet des investisseurs étrangers à s’intéresser aux terres dans les pays en développement, pour rapatrier ensuite les récoltes. […]

Pourquoi spécule-t-on de plus en plus sur les terres ?

La terre est devenue une ressource rare. Le changement climatique entraîne une désertification à un rythme accéléré. Des centaines de milliers d’hectares de terres arables vont disparaître dans les prochaines années. D’autre part, la terre cultivée est épuisée, conséquence d’une agriculture intensive et d’un recours systématique aux engrais chimiques. Parallèlement, la demande de matières premières agricoles progresse, en raison de l’accroissement de la population mondiale, mais aussi de la modification des habitudes alimentaires. […]

Précisément, quels sont les risques que vous identifiez ?

Il y a d’abord la question du respect des droits des usagers de la terre. Dans beaucoup de pays africains, ceux qui cultivent la terre n’ont pas de titre de propriété. Ils courent donc le risque de se faire évincer de leurs terres, qu’ils occupent parfois depuis des générations, par des investisseurs étrangers. Par ailleurs, puisque le prix de la terre grimpe, les petits paysans, qui ont besoin d’augmenter la taille de leur parcelle pour vivre décemment, n’en ont plus les moyens. En même temps, ce que l’on appelle la «titrisation», c’est-à-dire le renforcement des garanties données aux populations sur place, sous la forme de droits de propriété privée, n’est pas la solution idéale. Beaucoup de terres appartiennent, non pas à un individu particulier, mais à une communauté, à un village. […] Enfin, quand des pays comme Madagascar mettent leurs terres en location pour 99 ans, il reste la question de ce qu’il advient de ces revenus. Servent-ils les intérêts de la population en matière d’éducation ou de santé? Ou est-ce que ce ne sont pas les élites qui vont profiter de cette manne ? […]

Que faire pour sortir de ce dilemme ?

Il faut explorer des régimes alternatifs de propriété, qui reconnaissent par exemple des droits communaux sur la terre. On pourrait imaginer que les droits des cultivateurs soient reconnus, afin de les protéger de l’expropriation, tout en leur interdisant de vendre leur terre sans l’assentiment préalable de la municipalité, ou communauté.

http://www.mediapart.fr/journal/international/211208/de-schutter-onu-la-terre-est-devenue-une-ressource-rare

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