Xavier de Carnière, CEO de Feronia "Les plantations qui ont été délaissées par les multinationales ont disparu"

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Feronia est l'objet de nombreuses critiques de nombreuses ONG. Un faux procès, selon la société canadienne. Photo : Hollandse Hoogte
L'Écho | 23 novembre 2016

Xavier de Carnière, CEO de Feronia "Les plantations qui ont été délaissées par les multinationales ont disparu"

Nicolas Keszei

Les phrases clés :
• "Nous regrettons que les ONG ne nous aient jamais approchés avant de nous accuser de tous les maux."
• "Il serait dommage, dans un pays rongé par un chômage à 85%, de nuire à ceux qui tentent de développer une activité économique."
• "Si les ONG veulent nous aider à construire, qu'elles le fassent. Si c'est pour détruire le peu d'espoir qu'il reste au Congo, c'est dommage. C'est se tromper de combat."

En 2009, la société canadienne Feronia a racheté 100.000 hectares de plantations d'huile de palme à Unilever. Aujourd'hui, la société gère 27.000 hectares d'arbres plantés, mais est l'objet de nombreuses critiques émanant d'organisations non gouvernementales, notamment par le biais d'une campagne européenne lancée au début du mois de novembre par dix ONG. Xavier de Carnière, un Belge qui est à la tête de Feronia, a accepté de répondre à nos questions. Et n'élude pas les sujets qui fâchent.

Pour fonctionner, vous avez recours aux Institutions de financement du développement (IFD), soit de l'argent public. Pour quelles raisons?

Ravi Sood, un entrepreneur canadien, a racheté l'ancienne filiale d'Unilever pour une somme modique, espérant la remettre rapidement d'aplomb. Il avait sous-estimé les investissements nécessaires pour un retour à la profitabilité, ainsi que le passif social de la société. Quand il a repris l'activité, plus rien ne fonctionnait; la production était devenue symbolique, mais les frais fixes étaient restés constants. À ce moment, le cours de l'huile de palme s'est effondré.

C'est à ce moment que Feronia s'est tournée vers les IFD?

Oui. Si les banques refusaient de nous suivre, il fallait trouver une solution alternative pour éviter que la société ne coule. Aujourd'hui, on peut affirmer que sans les IFD, la société ne serait plus là. Elle n'est pas encore rentable, mais le business plan montre qu'elle le sera dans un avenir proche. Quand on plante un arbre, il faut attendre 5 ou 6 ans avant qu'il ne soit rentable.

Qu'avez-vous envie de répondre aux ONG qui vous ont accusé d'accaparement des terres, de mal payer vos ouvriers et de faire glisser de l'argent vers un homme politique congolais proche du pouvoir?

Nous regrettons que les ONG ne nous aient jamais approchés avant de nous accuser de tous les maux. Nous avons les mêmes objectifs qu'elles, nous voulons améliorer la qualité de vie des gens dans un des pays les plus difficiles au monde. C'est la raison d'être de notre actionnaire majoritaire, CDC, qui est un IFD.

Vous avez les mêmes objectifs que les ONG?

Leur philosophie repose sur le fait qu'il faut développer la culture villageoise et combattre les multinationales. je suis d'accord avec eux à 100% sur le premier point. Sur le second point, au Congo, et spécifiquement pour l'huile de palme, toutes les plantations d'huile de palme industrielles qui ont été délaissées par les multinationales ont disparu.

Qu'en tirez-vous comme conclusion?

Ce que je veux dire à ces ONG, c'est qu'il est très compliqué de construire quelque chose au Congo. Détruire, par contre, est assez facile. Il serait dommage, dans un pays rongé par un chômage à 85%, de nuire à ceux qui tentent de développer une activité économique.

Vous insinuez que les ONG détruisent ce que vous construisez?

Le Congo, c'est 2,3 millions de kilomètres carrés, soit 230 millions d'hectares. On estime que 80 millions sont cultivables. Nous gérons donc 0,1% des terres cultivables du Congo. Pourquoi dépenser de l'énergie à détruire ces 0,1%, mettant en danger la subsistance des 100.000 personnes qui dépendent directement de nous, au lieu d'utiliser cette même énergie à développer les 99,99% des terres restantes, avec la population?

Vous seriez disposé à ouvrir vos comptes aux ONG?

Nos comptes sont publiés dans les formes et les règles imposées par les autorités fiscales et boursières. Ils sont audités par PwC qui n'est quand même pas le premier venu. Nous sommes parfaitement ouverts à un audit dans la mesure où il est fait de manière professionnelle et intègre.

Les ONG vous reprochent d'accaparer les terres sur lesquelles vous exercez vos activités.

Les titres fonciers, initialement établis il y a un siècle, sont disponibles dans notre bureau à Kinshasa ou à Londres, sur simple demande. Tous ces titres, preuve que nous les avons, ont été mis en hypothèque dans le cadre des prêts accordés par les IFD. Ces titres sont là, on ne comprend pas pourquoi cette accusation revient sans cesse. Venez à Londres voir les classeurs, je vous les montrerai.

Vous invitez les ONG à visiter vos plantations?

Oui, je serais enthousiaste à l'idée qu'elles viennent sur le terrain et qu'elles écoutent les deux parties, tout simplement.

Venir vous voir sur place, ce serait votre message aux ONG?

Oui. Nous ne sommes pas parfaits, mais nous sommes animés de bonnes intentions. Nous aimerions faire mieux. Croyez-moi, ce n'est pas très agréable de se retrouver en plantation entouré de centaines de travailleurs qui me disent qu'ils sont payés en retard à cause de nos difficultés de trésorerie. Si réellement, nous étions en train de pomper de l'argent de la société pour le faire glisser vers des entités obscures, je ne prendrais pas le risque de me retrouver face à ces travailleurs avec leur machette et leur mauvaise humeur bien compréhensible. Si les ONG veulent nous aider à construire, qu'elles le fassent. Si c'est pour détruire le peu d'espoir qu'il reste au Congo, c'est dommage. C'est se tromper de combat.

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