Utilisant le mécontentement populaire, le maire d'Antananarivo défie le président Ravalomanana

Le Monde | édition du 23.01.09

Johannesbrg correspondant

'Histoire va-t-elle se répéter dans la Grande Ile ? Depuis quelques semaines, la tension monte entre le jeune maire d'Antananarivo, Andry Rajoelina, et le président de la République, Marc Ravalomanana. Cette rivalité entre les deux hommes évoque le scénario de 2002, lorsque M. Ravalomanana, alors dans le rôle du nouveau venu en politique, avait utilisé la capitale malgache comme tremplin pour partir à l'assaut du pouvoir, parvenant à en chasser au terme d'une longue lutte l'ex-président Didier Ratsiraka, aujourd'hui exilé en France.

La crise a été précipitée par la fermeture le 15 décembre 2008, par le gouvernement, de la chaîne de télévision privée Viva, propriété d'Andry Rajoelina. Les autorités lui reprochaient la diffusion d'une déclaration enregistrée en France de l'ex-président, très critique à l'égard du pouvoir actuel, publiée pourtant par des journaux malgaches les jours précédents.

Agé de 34 ans, ayant fait fortune dans la communication, Andry Rajoelina n'avait aucune expérience politique avant son élection surprise en 2007 comme candidat indépendant à la mairie de la capitale malgache. Désormais engagé dans un conflit personnel avec le pouvoir, il a répondu à la fermeture de sa télévision en organisant un meeting politique avec trente mille personnes, samedi 17 janvier, lors de l'inauguration d'une "place de la Démocratie".

Le soir même, les forces de l'ordre démantelaient l'émetteur de Viva. Andry Rajoelina a appelé à un nouveau rassemblement de protestation samedi prochain. Il avait aussi envoyé des "ultimatums" à deux ministres, en exigeant leur démission, et menace de faire expulser la propre télévision du chef de l'Etat, MBS, installée sur un terrain communal.

Surnommé TGV parce qu'il avançait à toute vitesse, avant de créer un parti désigné par le même sigle, le Tanora malaGasy Vonona (les Jeunes Malgaches décidés), Andry Rajoelina rassemble les mécontents de Madagascar, à commencer par la large frange de la population frappée par la hausse des prix. "M. Ravalomanana a appliqué une politique ultralibérale allant au-delà des exigences des bailleurs de fonds internationaux, ce qui a favorisé le développement de ce pays pauvre mais aussi accru fortement les inégalités", analyse Solofo Randrianja, professeur d'histoire politique à l'université d'Antananarivo.

Une règle ancestrale

Abolissant une règle ancestrale, la loi votée en 2003 autorisant l'achat de terres par des étrangers a conduit à des discussions, dans des conditions obscures, portant sur la cession au conglomérat sud-coréen Daewoo Logistics de 1,3 million d'hectares à Madagascar pour l'exploitation agricole, soulevant un tollé dans l'île.

Le parti présidentiel tente de répondre à ces critiques en faisant valoir les avancées récentes, amélioration des infrastructures ou développement de projets miniers. "Même si l'on peut comprendre la déception liée à des retombées qui se font encore attendre pour la population, on est sur le bon chemin", insiste Andrianantoandro Raharinaivo, porte-parole du TIM, le parti au pouvoir. Mais Andry Rajoelina pousse plus loin la virulence de ses critiques contre le président malgache, qu'il accuse de confondre l'intérêt public avec ses intérêts professionnels dans le secteur agroalimentaire, de s'enfermer dans un exercice solitaire du pouvoir et de restreindre la liberté d'expression. "Madagascar devient une dictature totale", avance même le leader de TGV.

Seul responsable politique affrontant le pouvoir, Andry Rajoelina suscite des enthousiasmes mais soulève des questions. "Pourquoi recherche-t-il absolument le face-à-face alors que les revendications de la population ne signifient pas forcément une volonté de changer de président ?", s'interroge Christiane Rafidinarivo, politologue à l'université de la Réunion. Sert-il les intérêts de l'ancien président de la République, Didier Ratsiraka, comme le soutient le pouvoir, qui a noté que le nouveau maire a choisi, comme directeur de cabinet, l'ancien chef d'état-major des armées malgaches, qui servait avant de partir à la retraite sous "l'Amiral" Ratsiraka ?

"Je contrôle tout, mais je discute avec tout le monde", corrige le maire. La prochaine élection présidentielle n'aura lieu qu'en 2011. Ses objectifs d'ici là, en mobilisant la rue, dans une surenchère verbale, sont inconnus. "Samedi, l'histoire malgache fera un grand pas, ça va chauffer", avertit celui qui se prévaut, également, du soutien de l'armée. Mercredi, le président Ravalomanana a estimé qu'il fallait "discuter et s'expliquer au lieu de perdre du temps à se chamailler". - (Intérim.)

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