Les leçons à tirer en urgence de la première vague de Zones d'investissement agricole (ZIA) dans le Vakinankaratra

Medium_e4d3340e369b4249c48b57173359391c
Les droits fonciers de centaines de paysans sont bafoués (Photo : Region-vakinankaratra.net)

CRAAD-OI | 21.4.2017

LES LEÇONS A TIRER EN URGENCE DE LA PREMIERE VAGUE DE ZONES D’INVESTISSEMENT AGRICOLE (ZIA) DANS LE VAKINANKARATRA

Alors que les promoteurs des Zones d’Investissement Agricoles (ZIA) s’apprêtent à étendre leur mise en place à d’autres régions, l’évaluation de la première vague de ZIA1 dans le Vakinankaratra a mis au jour plusieurs problèmes dont la gravité exige de leurs promoteurs une transparence totale et un respect des droits des habitants.

Dans leur Communiqué du 25 juillet 2016, le CRAAD-OI et le Collectif TANY avaient déjà exprimé leurs préoccupations au sujet des expulsions de centaines de petits paysans qui ont travaillé et fertilisé les terres qu’ils occupent depuis des décennies, et qui ont été dépourvus ou risquent d’être dépourvus de leurs moyens d’existence suite à la mise en place des ZIA dans la région Vakinankaratra.

Les droits fonciers de centaines de paysans sont bafoués

Un atelier d’évaluation de la première vague de ZIA dans le Vakinankaratra s’est tenu en février 2017 et a mis au jour qu’aucune solution de rechange n’a été offerte aux victimes des expulsions; les autorités au niveau local et régional continuent à se rejeter mutuellement la responsabilité de remédier à leurs problèmes, en dépit de la règlementation en vigueur relative aux évictions forcées qui leur en fait l’obligation.

Ainsi, dans le cas de la ZIA de la commune d’Ibity où il y a de nombreux expulsés, le Maire a souligné que la Commune n’a pas de terres de remplacement à offrir aux expulsés, et qu’il appartient à la Région et/ou aux investisseurs de remplir cette obligation. La situation est d’autant plus scandaleuse qu’il est désormais interdit aux paysans expulsés d’avoir accès à la terre pour leur subsistance, alors que l’investisseur auquel cette terre a été attribuée ne l’exploite même pas jusqu’à présent.

De surcroît, dans le cas d’Andravola, les occupants de la ZIA ont été expulsés au profit d’une association de paysans originaires d’une autre région, lesquels ont investi dans la culture de soja. Cette démarche adoptée par les promoteurs des ZIA et qui consiste à « déshabiller Pierre pour habiller Paul » est non seulement inéquitable, mais aussi porteuse des germes de conflit parmi les paysans eux-mêmes, dans un contexte où l’accès à la terre est un enjeu vital.

Le cadre de régulation des investissements dans les ZIA est inadéquat

Pendant l’atelier d’évaluation, les investisseurs eux-mêmes ont réclamé que des critères de performance soient clairement établis, au regard des lacunes qui ont été mises en évidence à plusieurs niveaux de la régulation des ZIA pendant l’atelier d’évaluation.

D’une manière générale, la mise en œuvre des projets dans les ZIA se serait soldée par l’abandon de leurs projets par 9 sur les 23 investisseurs qui avaient été retenus initialement. Il apparaît que le suivi et le contrôle de la mise en œuvre des projets dans les ZIA laissent beaucoup à désirer, à un point tel que depuis le lancement des ZIA, seul un investisseur a été expulsé pour non-respect des termes du contrat d’investissement, alors que les failles sont particulièrement inquiétantes au niveau de la gestion foncière qui se distingue par son opacité couplée à plusieurs anomalies.

Il a été souligné que les paysans pauvres, auxquels des terres ont été attribuées sur 5 ha par certaines communes dans le cadre des ZIA, ont dû payer un loyer pour ces terres au même titre que les investisseurs, alors qu’elles devaient leur être attribuées gracieusement en raison de leurs droits et de leur manque d’accès aux actifs productifs par rapport aux investisseurs.

Par ailleurs, les doléances de certains investisseurs qui ont dit avoir commencé « à payer plusieurs fois pour les terres qu’ils occupent » sans avoir obtenu de garantie de leurs droits sur ces terres de la part de la Région, soulèvent la question des termes réels du contrat entre les deux parties : ces investisseurs réclament-ils des droits de propriété ou des droits d’usage ? Il convient de noter qu’il n’y a pas eu de réponse à cette question pendant l’atelier.

Les organisations paysannes demandent l’arrêt de la mise en place de ZIA dans la Région Vakinankaratra

Face à la situation tragique des petits paysans qui ont déjà été expulsés ou qui risquent de l’être par la deuxième vague de ZIA, les représentants des organisations paysannes qui ont participé à l’atelier d’évaluation exigent l’arrêt des attributions de terres aux investisseurs au détriment des petits paysans qui pratiquent l’agriculture familiale dans le Vakinankaratra, et que ce soient ces derniers qui bénéficient de la redistribution par la Région du restant des terres ‘libres’ dont elle dispose.

En outre, les paysans demandent instamment aux promoteurs des ZIA d’arrêter d’attribuer aux investisseurs les terres qu’ils occupent et qu’ils ont mises en valeur, et qu’on attribue à ces derniers les terres vierges (tany lava volo) qui ne sont utilisées ni par des cultivateurs ni par des éleveurs, puisque les investisseurs ont plus de moyens pour les défricher.

Le CRAAD-OI et le Collectif TANY rappellent encore une fois aux promoteurs des ZIA, techniciens et décideurs, que la prise en compte du choix des paysans est une condition sine qua non de la réussite de toute initiative touchant à leurs moyens de subsistance et à leurs droits fonciers. L’accès à la terre et aux ressources naturelles ainsi que le contrôle par les familles paysannes de leurs activités agricoles constituent des droits fondamentaux qui doivent être respectés, sous peine de contraindre les détenteurs de ces droits légitimes à exprimer leur désaccord de diverses manières et d’anéantir l’enthousiasme des investisseurs.

21 avril 2017

Pour Le Centre de Recherches et d’Appui pour les Alternatives de Développement – Océan Indien (CRAAD-OI) Randriamaro Zo, Coordinatrice – [email protected] ; http://craadoi-mada.com

Pour le Collectif pour la défense des terres malgaches – TANY Rakotondrainibe Mamy, présidente – [email protected] http://terresmalgaches.info

_____________________________

1 A l’atelier d’évaluation des résultats de la première vague des ZIA, organisé le 09/02/2017 au Centre Lovasoa, Antsirabe par le Ministère M2pate et le Ministère de l’Agriculture.

Who's involved?

Whos Involved?


  • 13 May 2024 - Washington DC
    World Bank Land Conference 2024
  • Languages



    Special content



    Archives


    Latest posts