La France, grenier de la Chine

France Culture 19/02/2018

La France, grenier de la Chine

Les Nouvelles de l'éco par Arjuna Andrade



La volonté de la Chine d'assurer le contrôle d'une production de qualité la pousse à racheter des centaines d'hectares de terres agricoles en France. Ces transactions sont cependant critiquées du fait de leur manque de transparence et de la hausse du prix des terres agricoles qu'elles entraînent.

Le consortium chinois, Reward Group International, a racheté récemment plus de 900 hectares de terre dans l’Allier. Ce groupe dont les activités vont de l’agro-alimentaire, à l’immobilier, poursuit en réalité un objectif très simple: racheter un maximum de terres agricoles pour pallier les insuffisances de la production nationale. 

Le géant chinois affirme ainsi sur son site internet vouloir “introduire en Chine la farine provenant des principales régions productrices céréalières européennes. Ce projet qui relie le champ français à la table chinoise a pour objectif de promouvoir la sûreté céréalière et la sécurité alimentaire en Chine.”

Il souhaite également ouvrir une chaîne de boulangeries haut de gamme, en contrôlant l'ensemble du processus industriel, de la moisson en France jusqu'aux étals de pains et viennoiseries en Chine. L’objectif du groupe est donc clair: contrôler l’ensemble de son écosystème et sécuriser de A à Z, les étapes de la production. 

Une stratégie réfléchie

Réfléchie et de long terme. Elle répond même explicitement au projet de la Ceinture et de la route, énoncée par le pouvoir en place, et visant à recréer de nouvelles routes de la soie, dont Pékin serait le maître. 

Pour le géographe Michel Foucher, “la Chine veut ainsi marquer son engagement dans la mondialisation sans frontières. Elle souhaite, en redessinant de nouvelles routes commerciales, intégrer à son marché intérieur ses provinces de l’Ouest en les faisant bénéficier de débouchés commerciaux.” 

Cela passe donc par un contrôle de bout en bout des chaines de production, mais aussi par la construction de lignes de train à grandes vitesses dont nous parlions dans cette même chronique il y a deux semaines. L’objectif est de réduire les distances, pour faire de l’Europe le garde manger de la Chine, tout en assurant les débouchés de la production industrielle chinoise.

Comme le relève Christophe Desquidt dans le Figaro: «L'équation est simple: la Chine compte 20 % de la population mondiale et dispose de moins de 10 % des terres arables pour la nourrir», ils doivent donc se tourner vers l’étranger et “le modèle agricole français est très apprécié pour son rendement, son savoir-faire et l'organisation de ses filières”.

Une stratégie d’expansion qui est loin de faire l’unanimité

Eh oui. Du côté Français, ces acquisitions sont même très mal vues, notamment du fait du manque de transparence lors des transactions, mais aussi, et surtout, à cause de la hausse du prix des terres que cela entraîne. 

Car ces rachats ne suivent pas seulement une volonté de développement industriel, mais répondent aussi à une logique financière. La Chine déborde en effet de capitaux, après la croissance effrénée de ces dernières années, et la France peut-être vue comme un investissement pérenne et sûr.

Mais ces investissements tous azimuts ont une conséquence directe sur le prix du foncier agricole, qui ne cesse d’augmenter ces dernières années. Les entreprises chinoises sont en effet prêtes à débourser des sommes bien supérieures au prix du marché pour s’offrir ces terres. Si cela représente une plus-value importante pour les agriculteurs qui vendent, c’est a

Les insuffisances de la régulation française

Un mécanisme existe pourtant pour limiter ces phénomènes de concentration et de spéculation. C’est le rôle normalement des Safer, ou Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural qui veillent à l'aménagement du territoire et sont censées favoriser l'installation des jeunes agriculteurs, en luttant contre ces mécanismes spéculatifs.

Mais, ces sociétés sont en réalité impuissantes face à cette financiarisation du foncier. En dix ans, 20 % des terres agricoles sont passées entre les mains de sociétés anonymes. Lorsque la Safer de l'Allier a eu vent du projet de rachat par la Reward Group International, il était déjà trop tard. 

Comme l’explique Edouard de Mareschal dans son article du Figaro, le groupe chinois s'est en effet appuyé sur une faille juridique bien connue dans le monde rural: les Safer ne peuvent exercer leur droit de préemption que sur la totalité d'une exploitation agricole. Il suffit donc, pour le vendeur, de se constituer en société avant de céder la quasi-totalité des parts à l'acheteur...

Un manque de transparence et une spéculation foncière, bien éloignés de l’équilibre naturel et du bon prix vantés jadis par les physiocrates…

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