Les Sages sous influence ? Le lobbying auprès du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État

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L'Observatoire des Multinationales | 25 juin 2018

Rapport — Les Sages sous influence ? Le lobbying auprès du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État

Lutte contre le changement climatique, l’évasion fiscale ou encore l’accaparement des terres : autant de réformes censurées, vidées de leur substance ou avortées ces dernières années, suite à des avis et décisions du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel, rendus au nom de la défense des droits de propriété et de la liberté des entreprises. Les Amis de la Terre France et l’Observatoire des multinationales publient aujourd’hui un rapport d’enquête sur les coulisses de ces décisions et le lobbying qui s’exerce sur ces deux institutions en toute opacité : Les Sages sous influence ? Le lobbying auprès du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État.

Dans le cadre de la réforme constitutionnelle examinée en Commission des Lois cette semaine à l’Assemblée nationale, des intellectuels, relayés par des parlementaires, appellent à modifier la Constitution pour encadrer l’exercice de la liberté d’entreprendre et des droits de propriété pour protéger l’intérêt général [1]. Une réflexion importante mais qui doit être complétée par les mesures indispensables pour agir à la source : encadrer le lobbying et les conflits d’intérêts au sommet de l’État.

Conseil d’État et Conseil constitutionnel, deux institutions très proches l’une de l’autre, sont devenus ces dernières années des lieux de plus en plus importants de lobbying pour les milieux économiques, qui s’en sont saisi avec succès pour faire annuler ou amoindrir des réformes qui leur déplaisaient. Peu connu, ce lobbying s’exerce généralement de manière opaque, au travers de « portes étroites » ou contributions extérieures, loin de l’opinion publique et même de la société civile et des parlementaires. Il se nourrit également des allers-retours entre haute fonction publique, cabinets d’avocats d’affaires et entreprises privées, pratique qui semble être devenue la norme.

Dans leur rapport d’enquête, Les Amis de la Terre France et l’Observatoire des multinationales révèlent notamment les coulisses de l’élaboration de la loi « Hulot » sur les hydrocarbures, qui a été vidée de sa substance suite à l’avis du Conseil d’État... lequel avait reçu notamment des contributions extérieures de l’Union française des industries pétrolières (UFIP) et du MEDEF.

Juliette Renaud, chargée de campagne senior sur la Régulation des multinationales aux Amis de la Terre France, explique : « Nous avons suivi de très près l’élaboration du projet de loi Hulot, qui a été complètement dénaturé après son passage au Conseil d’État. Nous avons alors fait des propositions concrètes d’amélioration du texte, mais la menace de censure constitutionnelle pesait comme une épée de Damoclès dans les débats parlementaires ! Elle a suffi à faire rejeter tous les amendements qui auraient donné à l’État le pouvoir de mettre des limites au développement de l’industrie pétrolière et répondre à l’urgence climatique... In fine, le Conseil constitutionnel n’a même pas été saisi. »

On retrouve les mêmes argumentaires sur les « atteintes disproportionnées » à la liberté d’entreprendre, aux droits de propriété ou aux « attentes légitimes » des entreprises dans les décisions du Conseil constitutionnel lorsqu’il contrôle la constitutionnalité des lois adoptées par le Parlement, et qui lui ont fait censurer plus d’une douzaine de mesures de justice ou de transparence fiscales ces dernières années.

« Ces arguments juridiques ne sont pas sans rappeler ceux avancés dans les tribunaux internationaux d’arbitrage tant controversés qui accordent des droits et privilèges sans précédent aux investisseurs et aux multinationales, dans le cadre des accords d’investissement comme le TAFTA ou le CETA », commente Olivier Petitjean, de l’Observatoire des multinationales

Juliette Renaud, complète : « Il est déjà difficile de faire adopter des textes ambitieux par le Parlement, et nous nous heurtons maintenant trop fréquemment à la censure constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel est censé trouver le juste équilibre entre droits et libertés, mais force est de constater que la balance penche trop souvent du côté des intérêts économiques, malgré des objectifs reconnus d’intérêt général ! Il est donc légitime de s’interroger sur l’influence des lobbies sur les Sages, et de chercher à la limiter. »

La société civile tente également de se saisir de ces espaces pour contrer les arguments des lobbies, comme Les Amis de la Terre et leurs partenaires l’ont fait avec succès dans le cadre de la loi sur le devoir de vigilance des multinationales. Mais pour véritablement rééquilibrer le rapport de force, il faut aussi rendre les processus de délibérations de ces deux instances plus transparents et contradictoires. C’est en ce sens que Les Amis de la Terre saisissent aujourd’hui le Conseil constitutionnel d’une demande formelle d’adoption d’un règlement indispensable pour mieux encadrer la procédure de contrôle de constitutionnalité et le rôle des contributions extérieures dans les décisions.

Lire le rapport : Les Sages sous influence ? Le lobbying auprès du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État

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