La Belgique, complice d’accaparement de terres à Madagascar ? Le cas de Tozzi Green

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Entraide et Fraternité | 7 juillet 2022

La Belgique, complice d’accaparement de terres à Madagascar ?

Le cas de Tozzi Green

par Mamy Rakotondrainibe

BIO, la banque de développement belge financée par le budget fédéral de la coopération au développement, est-elle complice d’accaparements de terres à Madagascar ? Sa mission est le « soutien aux micro-, petites et moyennes entreprises locales comme pierre angulaire du développement socio-économique durable. » En finançant Tozzi Green, multinationale active notamment dans l’agro-industrie à Madagascar, BIO agit-elle encore dans le cadre de sa mission ? D’autant plus que Tozzi Green est accusée d’accaparement de terres aux dépens des communautés locales qui y pratiquent l’élevage à petite échelle. Cette étude détaille les agissements de la multinationale, la résistance des populations affectées et souligne les contradictions des choix de notre banque de développement. Elle formule également des recommandations afin que l’argent public destiné au développement des pays du Sud serve la transition agro-écologique et non l’agro-industrie, souvent peu regardante quant aux conséquences humaines et écologiques de ses pratiques.

Résumé de l’étude

BIO, la banque belge de développement, finance une multinationale accusée d’accaparer des terres aux dépens des paysan∙nes.

Qui est Tozzi Green ?

Tozzi Green est une entreprise italienne spécialisée dans l’énergie renouvelable mais également active dans l’agrobusiness dans plusieurs pays. Elle est présente à Madagascar où elle développe des activités agricoles via sa filiale locale Jatropha Technology Farm (JTF). JTF-Tozzi Green signe en 2012 un bail emphytéotique de 30 ans avec l’État malgache pour une surface de 6 500 hectares dans une région du sud de l’île. L’objectif est d’y développer la culture de jatropha, une plante utilisée comme agrocarburant, sur une surface totale de 100 000 hectares. Les résultats étant décevants, l’entreprise décide rapidement d’arracher les plants pour les remplacer par des « cultures mixtes » [1], comme le maïs et le tournesol, tandis que 1500 ha sont laissés à l’abandon.

Loin d’être des terres « libres d’occupation », ces milliers d’hectares cédés par l’État malgache étaient utilisés par la population rurale, dépendante pour sa survie d’activités agricoles et d’élevage. Avant de s’installer, la société JTF-Tozzi Green était tenue d’informer et de consulter les habitant∙es des villages concernés par l’acquisition des 6500 ha. Or, la procédure de consultation a été entachée de nombreuses violations des droits des communautés : information insuffisante, contrainte exercée pour que les villages accordent leurs parcelles, non-prise en compte de l’opposition de certains villages de céder leurs terres, etc.

N’oublions pas que les ménages ruraux dépendent de leur petite parcelle (moins d’1ha par ménage en moyenne) pour survivre.

En quoi la Belgique est-elle concernée ?

En 2019, les activités agricoles de JTF-Tozzi Green sont financées notamment grâce au soutien de deux acteurs financiers de développement : Finnfund et BIO Invest. Le premier est l’agence financière de développement publique finlandaise, l’autre est la banque belge d’investissement pour les pays en développement, détenue à 100% par l’État.

L’objectif affiché de BIO est de favoriser la mise en place d’un secteur privé fort dans les pays en développement et émergents, pour leur permettre d’accéder à une croissance et un développement durable, dans le cadre de la réalisation des Objectifs de Développement Durable.

Grâce à un prêt de 3,75 millions d’euros accordé par BIO en 2019, JTF-Tozzi a amplifié ses activités agroindustrielles. Cette extension, soutenue donc par la Belgique via BIO, donne à nouveau lieu à la violation des droits fonciers légitimes et coutumiers des communautés locales. Souvent héritées de leurs ancêtres, ces terres étaient utilisées pour y faire paître les troupeaux de zébus et pour cultiver du riz et divers tubercules. Au total, ce ne sont des milliers d’hectares de terres de l’Ihorombe qui sont donc désormais concentrés entre les mains de la multinationale Tozzi Green, grâce au soutien d’institutions financières de développement européennes.

Pour justifier davantage son soutien financier, BIO souligne les investissements sociaux de l’entreprise (école, centre de santé, centre sportif, etc.). Toutefois, il est rapporté que les promesses n’ont pas été tenues de façon satisfaisante et que les investissements soient répartis de façon inégale entre les villages, renforçant les inégalités et la division sociale.

En quoi cet investissement pose-t-il problème ?

  • La coopération belge au développement soutient une entreprise accusée d’accaparement de terres

  • BIO a le mandat d’investir dans des PME. Or, via le financement de sa filiale JTF, BIO soutient les activités d’une multinationale aux pratiques condamnables.

  • Dans un pays frappé par la pauvreté et la faim, répondre à l’insécurité alimentaire devrait être la priorité de la coopération belge. Par conséquent, l’objectif de développement durable (ODD) auquel la coopération belge devrait répondre est l’ODD n°2 « Faim Zéro » par le soutien à l’agriculture à petite échelle et écologique plutôt que par l’appui à l’agro-industrie destinée à l’exportation et à l’alimentation animale.

  • L’impact positif sur l’emploi reste à prouver, car JTF-Tozzi Green privilégie un modèle agricole hautement mécanisé , sur de vastes étendues de terres. Il faut aussi évaluer le transfert technologique que l’entreprise est supposée transmettre aux Malgaches.

Ce que nous demandons :

1. L’arrêt immédiat du financement des entreprises agroindustrielles par les banques publiques de développement (comme BIO). Pas d’accaparement de terres avec l’argent des Belges !

2. Orienter l’argent public belge pour l’aide aux pays en développement vers les projets paysans, renforçant la souveraineté alimentaire, le droit à l’alimentation et le respect des écosystèmes et du climat !

3. Assurer l’accès des communautés locales à la justice en cas de violation des droits humains ou de dommages sociaux et environnementaux causés par les investissements des Banques publiques de développement

[1Cultures pouvant être utilisées pour l’alimentation humaine mais aussi l’alimentation du bétail ou la production d’agrocarburant.

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