Les pays du Golfe veulent acheter des terres en Asie

Le Figaro | 07/07/2009

Arnaud Rodier

Bahreïn propose un partenariat aux pays de l'Asean dans le domaine alimentaire.

L'appel est quasiment passé inaperçu la semaine dernière. Mais les six pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) (1) ont proposé, à Bahreïn, aux dix membres de l'Association des nations d'Asie du Sud-Est (Asean) (2) un partenariat dans le domaine alimentaire.

«Nous y avons un intérêt commun», a assuré cheik Kaled Ben Ahmed al-Khalifa, ministre des Affaires étrangères de la petite monarchie pétrolière.

Le Moyen-Orient manque d'eau. Ses habitants ne disposent que de 1 200 mètres cubes par personne et par an quand la moyenne est de 7 000 mètres cubes ailleurs dans le monde. Les terres fertiles y sont peu nombreuses. Incapables de produire leur nourriture en quantité suffisante, les pays du Golfe, dont la population va passer de 39 millions d'habitants en 2010 à 58 millions en 2030, sont obligés de l'importer. L'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis dépendent ainsi à 80 % de l'étranger dans le domaine alimentaire. Et la facture ne cesse d'augmenter. Elle était de quelque 10 milliards de dollars en 2007 pour les membres du Conseil de coopération.

L'Arabie saoudite a bien tenté de mettre sur pied une politique d'autosuffisance alimentaire, mais elle a échoué. Elle a coûté une fortune et elle a pratiquement épuisé les réserves en eau du pays. Du coup, pour elle comme pour ses voisins, la solution la plus économique est aujourd'hui d'investir à l'étranger. Des terres agricoles contre du pétrole.

Des contrats pétroliers en échange

La formule est simple. Les pays du Golfe fournissent des capitaux et des contrats pétroliers en échange de garanties d'accès aux terres pour leurs entreprises qui réexportent la production chez eux. La méthode n'est pas nouvelle. La Chine et la Corée la pratiquent déjà en Asie et en Afrique.

Mais cette fois-ci, en choisissant de s'attaquer à l'Asie du Sud-Est, le Conseil de coopération du Golfe ne prend pas le chemin le plus facile. En effet, les pays de l'Asean sont de leur côté très préoccupés par le changement climatique et la sécurité alimentaire. Cette immense région, forte de près de 600 millions d'habitants, avait une production de denrées alimentaires de 348 millions de tonnes en 2006 inégalement répartie et ne suffisant souvent pas à nourrir sa propre population.

Le Vietnam, le Cambodge, la Thaïlande sont de gros exportateurs de riz, mais quand les prix flambent ce sont leurs habitants qui trinquent. Là, comme en Indonésie où la politique agricole est souvent critiquée à l'intérieur même du pays, les gouvernements ne parviennent pas à maintenir les prix alimentaires assez bas pour que les populations ne souffrent pas.

Jakarta se préoccupe aussi de la déforestation illégale qui dévaste les massifs de l'archipel. C'est pourquoi à partir de septembre toutes les exportations de bois auront une certification.

En mai dernier, l'Asean et la FAO (Food and Agriculture Organisation) ont tenu leur réunion annuelle à Bangkok, en Thaïlande. Ils ont reconnu qu'il fallait mettre en place une véritable politique alimentaire dans la région. Une politique qui tienne compte à la fois des ressources, des besoins, de la préservation des terres cultivables et de la pérennité des petites exploitations. Leur communiqué final était sans ambiguïté : il faudra aussi «examiner les conséquences des investissements directs étrangers dans la terre», prévenaient-ils. Le partenariat dont rêve Bahreïn n'est peut-être pas pour demain.

(1) Arabie saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Koweït, Oman et Qatar.

(2) Birmanie, Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam.
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