Ruée sur les terres africaines, un pari gagnant-perdant pour le continent ?

La fleuve Tana au Kenya (Photo: GFDL / BishkekRocks)

AFP | 14 juillet 2009

NAIROBI - Néo-colonialisme agraire ou opportunité de développement pour l'Afrique, la ruée sur les terres arables du continent, sous forme de contrats souvent opaques et peu avantageux pour les populations locales, divise les spécialistes.

"Ces acquisitions de terres peuvent potentiellement injecter les investissements nécessaires dans l'agriculture et les zones rurales de pays pauvres en voie de développement", explique ainsi l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (Ifpri) dans un rapport publié en avril sur le "land grabbing" ou l'accaparement de terres.

Mais ces acquisitions "soulèvent des craintes quant à leur impact sur les populations locales, qui risquent de perdre le contrôle ou la possibilité d'accéder à ces terres dont elles dépendent", ajoute l'Ifpri, relayant un sentiment partagé par de nombreuses ONG.

"La terre est en soi une question politique à travers le globe. L'introduction d'un acteur supplémentaire (pays tiers, société agroalimentaire) convoitant cette ressource rare et disputée peut ajouter à l'instabilité socio-économique de pays en voie de développement", avertit l'Ifpri.

Ainsi, la colère suscitée à Madagascar par un immense projet agricole, conclu entre le régime du président aujourd'hui déchu Marc Ravalomanana et la société sud-coréenne Daewoo Logistics, a alimenté le ressentiment d'une partie de la population à son égard et contribué à sa chute.

Daewoo Logistics se voyait octroyer 1,3 million d'hectares de terres non cultivées pour produire de l'huile de palme et du maïs. En contre-partie, elle s'engageait à construire des infrastructures et créer 70.000 emplois. La crise malgache a eu raison pour le moment du projet.

De même, la présidence kényane a conclu un accord de principe avec le Qatar en décembre 2008 pour céder 40.000 hectares à des fins agricoles en échange de la construction d'infrastructures, notamment un port moderne sur l'île de Lamu.

"C'est une forme d'hégémonie (...) Le Qatar ne cèderait jamais au Kenya des participations dans ses champs pétrolifères", critique l'avocat kényan Evans Monari.

Quelques semaines plus tard, le président kényan Mwai Kibaki déclarait l'état de catastrophe nationale, 10 millions de Kényans faisant face à des pénuries alimentaires en raison notamment de la sécheresse et de l'incapacité du pays à assurer sa sécurité alimentaire.

"C'est probablement une bonne chose pour ces pays (qui acquièrent des terres) mais c'est terrible pour les pays africains, car cela revient à ouvrir une succursale d'un pays" dans un autre, renchérit Pedro Sanchez, de l'Institut de la Terre de l'université new-yorkaise de Columbia.

A l'image de l'économiste nigérian Jonas Chianu, d'autres experts jugent que l'échange de terres contre des infrastructures absentes ou défaillantes dans nombre de pays du continent peut stimuler leur croissance.

"Au lieu de laisser ces ressources inexploitées, autant s'engager dans des accords de locations" de terres, estime-t-il.

Selon des estimations de 2002 contenues dans une étude commandée par la FAO et reposant sur l'imagerie par satellite, seuls 25% des 807 millions d'hectares de terres cultivables en Afrique étaient alors mis en culture.

Outre leur impact sur les populations locales, ces projets d'agriculture intensive, et parfois de monoculture, suscitent des craintes d'ordre environnementales.

C'est le cas au Kenya, où plusieurs projets de bio-carburants font peser une menace sérieuse sur l'écosystème fragile et très riche des terres humides du delta de la principale rivière du pays, la Tana, au nord-est du pays.
  •   AFP
  • 14 July 2009
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