Affaires Daewoo, Varun et autres : Redoublons de vigilance !

(Photo : Agnès Rougier/ RFI)

L'Express de Madagasar | 27 juillet 2009

L’affaire Daewoo à Madagascar a été rendue célèbre à travers le monde entier à la suite d’un article retentissant du Financial Times paru en novembre 2008. Et pour cause, le directeur financier de Daewoo Logistics, Shin Dong-Hyun, révélait la signature entre cette société et le gouvernement malgache de l’époque d’un contrat de location de 1,3 millions d’ha de terres arables pour 99 ans.

Il prévoyait la culture industrielle de maïs et de palmiers à huile pour les agro-carburants, et l’exportation des récoltes en Corée du Sud. Des investissements dans les infrastructures devaient tenir lieu de «frais de location». Indignés par un tel projet, des Malgaches de divers horizons se sont levés ensemble pour chercher à défendre leur patrimoine.

En raison des graves menaces pesant sur l’intégrité territoriale du pays et le droit à l’alimentation de la population malgache, des milliers de citoyens du monde entier ont signé les pétitions que le Collectif a envoyées au régime du président Marc Ravalomanana. Elles demandaient notamment une transparence totale sur l’affaire Daewoo, l’annulation du contrat et des autorisations d’acquisition de terrains, ainsi que la révision de la loi 2007-036 sur les investissements étrangers et l’agrobusiness.

Les réactions des autorités

En effet, si Madagascar possède un fort potentiel agricole, pourquoi les équipes au pouvoir ne favorisent-elles pas un développement rural axé sur les petites exploitations et familles paysannes qui constituent plus de 75% de la population malgache ?

Le Ministre de la Réforme Foncière de l’époque avait déclaré à la presse malgache qu’aucun contrat n’avait encore été signé, que seules des autorisations de prospection avaient été délivrées et qu’un Conseil interministériel examinerait le business plan fourni. Cependant, les informations sur le terrain et les témoins en contact direct avec le Collectif TANY mentionnaient en plus des demandes d’acquisitions de plus de 200 000 ha dans diverses régions par la filiale de Daewoo Logistics, l’existence de promesses et de traitement préférentiel pour ce dossier, l’expérimentation de plantations de maïs et le recrutement de personnel.

Le 18 mars 2009, au lendemain des bouleversements à la direction de l’Etat malgache, le Président de la Haute Autorité de la Transition (HAT) Andry Rajoelina déclarait que le contrat Daewoo était annulé. Le Collectif TANY a envoyé aussitôt au gouvernement un courrier demandant une preuve concrète de cette annonce. En l’absence de réponse, le Collectif TANY a réitéré sa demande à l’ensemble de la HAT, en rappelant que plusieurs de ses membres avaient signé la pétition quelques mois plus tôt, que le gouvernement de transition devrait réaliser un audit sur les cessions de terres et que l’opinion s’inquiétait du cas similaire de la société indienne Varun et des projets d’investisseurs saoudiens. Nous avons reçu une réponse du Ministre de l’Aménagement du Territoire et de la Décentralisation

Concernant le cas Daewoo, cette lettre nous apprend qu’un contrat de prospection de terrains favorables aux cultures projetées était intervenu entre ladite société, l’Etat malagasy et les Régions Atsinanana, Menabe, Melaky et Sava. Le contrat évoqué ici ne serait donc pas un contrat de «cession de terrains» au sens strict. Mais sa formulation traduit un engagement à laisser à cette société le choix des terrains qui lui conviennent.

Le Collectif TANY a d’une part répondu au Ministre que ce dernier critiquait les procédures administratives utilisées sans jamais remettre en cause le contenu du projet et, d’autre part, en a conclu que ce dernier n’avait pas été annulé et ne le sera pas. Le Collectif maintient donc toutes ses revendications, notamment la révision de la loi 2007-036 qui permet aux sociétés étrangères d’accaparer des terres à travers leur filiale locale sans signer un contrat avec l’État ou avec une autre institution administrative.

Des terres et de l’eau

Le Collectif TANY n’a cessé d’alerter l’opinion publique internationale à travers des interviews et des articles et dans le cadre de séminaires et forums d’ONGs. Lors d’une réunion internationale sur les droits humains à Genève au printemps 2009, l’exposé de l’affaire Daewoo à Madagascar a servi de base de réflexion sur les conséquences néfastes du phénomène d’accaparement d’immenses surfaces de terres.

Si le soutien de l’opinion publique internationale est précieux, le Collectif TANY attache une importance primordiale à l’engagement des Malgaches dans la défense du patrimoine commun.

L’affaire Daewoo, comme le dossier Varun, ne représente que la partie immergée de l’iceberg. Grâce à la collaboration d’amis et sympathisants de la défense des terres malgaches, nos investigations avancent. La surface totale de terres malgaches louées ou cédées dépasserait la dizaine de millions d’ha et si le Collectif TANY est conscient de la lourdeur de la tâche - car les bénéficiaires locaux et étrangers vont plus que jamais faire pression sur les paysans et autorités locales pour leur interdire de s’exprimer publiquement – il continuera sa quête de transparence et de vérité.

«Quelles surfaces de terres reste-t-il aux Malgaches pour vivre et nourrir leurs familles à Madagascar ?» Interrogé sur cette question, le Ministre de tutelle a répondu dans sa lettre que des «enquêtes administratives» étaient «en cours pour vérifier la conformité des procédures».

«Pour les demandes ultérieures de grandes superficies formulées par des investisseurs étrangers, des mesures et procédures de décision spécifiques vont être mises en œuvre pour sauvegarder l’intégrité territoriale et assurer la transparence dans la gestion des terrains de l’État». Mais le projet annoncé dernièrement de vente d’eau fluviale par Madagascar à un pays du Golfe laisse craindre au contraire la poursuite de la dilapidation du patrimoine naturel. Un sentiment renforcé par le fait que les nouvelles lois sur le foncier, dont la mise en application a été rendue publique récemment, ne posent aucune restriction à l’acquisition de terrains par les firmes étrangères. De toute évidence, à l’instar des terres, la préservation de l’eau disponible pour la consommation des petits paysans et l’irrigation de leurs cultures vivrières s’inscrit au cœur des revendications du Collectif.

Collectif pour la Défense des Terres Malgaches – TANY

Maison des associations du 11ème arrondissement - Boîte 89 - 8, rue du Général Renault - 75011 - Paris – France

http://terresmalgaches.info

[email protected] Philippe Randrianarimanana
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