"Madagascar ne doit pas vendre son eau douce"

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Courrier international | 02.10.2009

L'environnement a quitté la sphère scientifique pour devenir une question politique et sociale majeure. Tel est le constat qui a mené à la création en juin 2009 du parti vert Hasin’i Madagasikara à Madagascar. L'objectif est de créer une voie politique de développement durable de la Grande Ile. La présidente du parti, Saraha Georget Rabeharisoa, a répondu à Courrier international.

Propos recueillis par Philippe Randrianarimanana, Courrier international

 

Quel est programme politique des verts malgaches ?

SARAHA GEORGET RABEHARISOA Il s'articule autour de trois volets fondamentaux : la terre, l'eau et l'environnement. Sur la question de la terre, nous défendons l'accessibilité pour les masses, pour les familles paysannes. Cela passe par une refonte de la loi foncière, mais aussi du code minier en ce qui concerne les sous-sols.

Pour l'eau, nous considérons qu'il s'agit d'un patrimoine collectif des Malgaches, que nous pouvons exploiter, par exemple comme source d'électricité hydraulique ou pour une meilleure irrigation des sols, mais aussi que nous devons préserver.

En ce qui concerne l'environnement au sens général, il s'agit de notre façon de vivre en communauté, mais aussi de protéger la nature de la pollution, que ce soit la forêt, la mer, les récifs, l'air, etc.

 

Quelles sont les plus graves menaces écologiques à Madagascar ?

Avec la pauvreté, la protection de l'environnement est reléguée au dernier plan, tant par les autorités que par la population. Pendant la dernière crise politique, la nature a été malmenée ; des actes de vandalisme ont été commis contre la faune et la flore (bois précieux, tortues...). De plus, on exploite beaucoup les ressources (bauxite, nickel) à travers d'immenses projets. Il y a un manque de volonté politique concernant l'environnement.

Actuellement, le naufrage d'un bateau près de cap Sainte-Marie (fin août, au sud) cause une pollution littorale. Sol, sous-sol et air sont touchés, il y a beaucoup de pesticides, d'herbicides, de fongicides. La pollution de l'air, en ville, est liée à la vétusté des voitures, à la concentration des activités en milieu urbain pour raison de sécurité.

Chacun d'entre nous a un impact sur l'environnement, mais l'échelle est différente. Et les compensations payées par des sociétés étrangères, notamment pour le préjudice causé par leurs activités, sont minimes.

 


Vous vous êtes récemment opposés à un projet d'exportation d'eau potable. Pourquoi ?

C'est une de nos toutes premières prises de position : la vente d'eau du fleuve Faraony, qui se trouve dans le Sud-Est, près de Manakara, à l'Arabie Saoudite. L'eau est rare, irremplaçable à Madagascar. Ce fleuve est une source de vie pour toute la population riveraine. C'est sa principale voie de commerce. Et les locaux s'identifient à lui.

Nous sommes prêts à aller devant la cour de justice si la Haute Autorité de transition [le régime au pouvoir] persiste dans ce projet. Nous avons travaillé sur le terrain, par exemple en faisant signer des pétitions, et pour le moment le projet est suspendu. Il est hors de question que Madagascar se lance dans la vente d'eau douce.

 

Quel serait le risque ?

A court terme, si on apprend que Madagascar, en pleine instabilité politique, commence à vendre de l'eau, qui est quand même surnommée l'or bleu, les rapaces qui tournent autour vont se ruer sur la Grande Ile. C'est dangereux, car nous avons très peu de moyens de suivre à la fois la quantité ponctionnée et l'impact environnemental. Il est faux de dire qu'on vend une eau qui se perd dans la mer et qu'on peut donc récupérer : c'est méconnaître le cycle de l'eau. Quand nous mobilisons la population, nous expliquons les choses de manière rationnelle, scientifique, pour éviter la démagogie. Les paysans le comprennent très bien, car ils vivent avec la nature, mais les politiciens veulent ignorer la vérité.

Ceux qui défendent le projet de vente affirment que les investissements saoudiens permettront de construire des usines de désalinisation de l'eau de mer dans le Sud, qui est frappé par la sécheresse...

Le sud de Madagascar ne manque pas d'eau. C'est un bassin versant, et il dispose des plus importantes nappes phréatiques du pays. Ce qui manque, c'est la volonté de creuser des puits. Ce n'est qu'une question politique.

Le parti vert malgache préconise un découpage du pays en douze zones qui se fonde sur une étude de 1958. Il s'agit d'un plan de développement de Madagascar basé sur l'existence des bassins versants, des grands fleuves. Chaque entité régionale peut se suffire à elle-même en la matière.

 

Que pensez-vous de la course aux terres arables engagée par des Etats ou des sociétés étrangères, et notamment de l'affaire Daewoo, à Madagascar, qui concerne 13 000 kilomètres carrés ?

La terre est une de nos grandes priorités. C'est une question d'identité et de valeur économique. Le problème est que les Malgaches accèdent plus difficilement à la terre que les étrangers. Nous ne sommes pas contre l'accès à la terre des étrangers, mais il faut que l'Etat s'occupe des Malgaches d'abord. On sait que les procédures d'acquisition de terres sont laborieuses. On réfléchit à la réforme foncière entamée depuis 2005 et au code minier, qui avantage l'investisseur étranger.

Il faut par ailleurs tirer les leçons des méfaits de l'agriculture intensive. Nous promouvons une agriculture familiale, permettant l'autosuffisance des ménages et le respect de l'environnement, par exemple sur la question des pesticides. Nous cherchons à allier développement et écologie. Cela a un coût, une durée. Il faut changer les habitudes et éduquer.

Quelles sont vos relations avec les autres mouvements écologistes mondiaux ?

Récemment, nous étions à Rome au congrès national des verts italiens, qui nous ont introduits auprès des verts européens, et en octobre nous serons à Malmö, en Suède, au sommet des verts mondiaux, dont nous avons signé la charte. Nous travaillons beaucoup avec les ONG environnementales nationales et internationales (WWF, Conservation International, Fanamby, etc.)

 

Qu'attendez-vous des partis écologistes européens : une aide, de l'expérience, des fonds ?

Tout cela. L'information est primordiale. A Madagascar, il y a beaucoup de rétention d'information en matière de pollution. D'autant plus que nous invoquons le principe du pollueur-payeur. Nous cherchons des conseils sur les lois existantes et les aspects techniques et scientifiques. Il ne faut pas que Madagascar devienne un dépotoir de produits interdits en Europe et ailleurs. Comment appliquer ces lois chez nous dans notre intérêt ? Sur le nucléaire, nous voulons faire inscrire dans la Constitution l'interdiction de recevoir des déchets nucléaires sur notre sol ou dans nos mers.
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