Le Cameroun glisse sur une peau de banane documentaire

Marchés Tropicaux et Méditerannéens | 27 avril 2011

par Sylvie RANTRUA

Un documentaire dénonçant les conditions de travail et l’accaparement des terres par la Société PHP, productrice de bananes au Cameroun, a été interdit de projection à Yaoundé. Quelques jours auparavant, une équipe réalisant un documentaire sur l'accaparement des terres par la Sosucam (Société sucrière du Cameroun) a été placée en garde à vue pendant une nuit.

Attention sujets sensibles. La police camerounaise a interdit la projection aujourd’hui à la Fondation Muna à Yaoundé du documentaire « La banane », très critique sur les activités de la compagnie franco-américaine Plantations du Haut Penja (PHP) au Cameroun, a constaté un journaliste de l'AFP.

« La direction de la Fondation a été saisie par la police (qui souhaitait savoir) si on avait une autorisation. Nous ne l'avons pas parce que nous ne l'avons pas sollicitée », a expliqué un des organisateurs de la projection, Samuel Nguiffo. « Nous avions prévu une projection privée, ce que nous avons l'habitude de faire, et non une projection publique », a-t-il précisé.

Accaparement des terres

Ce documentaire dénonce l’expropiation des terres de petits exploitants qui sont « remises » à PHP. « Des personnes qui ont refusé de céder leurs terres ont été emprisonnées », affirme Franck Bieleu, le réalisateur de ce documentaire. Selon lui, PHP « est extrêmement puissante » et compte « dans ses rangs des élites locales et des responsables politiques ».

Conditions de travail

Le documentaire dénonce aussi des « conditions de travail exécrables », explique F. Bieleu. La moyenne salariale chez les ouvriers est de FCFA 23 000 (€ 35) par mois, en dessous du salaire minimum fixé à environ € 43, soutient-il. D'après lui, certains employés cumulent jusqu'à « 14 heures » de travail par jour. PHP, qui « emploie plus de 6 000 ouvriers » selon la note, est l'un des plus grands producteurs de banane au Cameroun. Ses produits sont destinés au marché européen.

Il s’agit de la deuxième intervention des forces de l’ordre en quelques jours. Déjà, la semaine dernière, deux réalisateurs français et six Camerounais avaient été placés en garde à vue pendant une nuit lors du tournage à Mbandjock (centre) d'un documentaire sur l'accaparement des terres par la Sosucam (Société sucrière du Cameroun), principal producteur de sucre du pays.

En 2009,  la photographe Isabelle Alexandra Ricq avait provoqué de nombreuses réactions en réalisant un photo-reportage sur les relations tendues entre l'entreprise Socapalm (Société camerounaise de palmeraies) et les villageois riverains.

Visiblement, l’agro-industrie est une affaire très sensible au Cameroun.

(Avec AFP)

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https://farmlandgrab.org/post/18515
Source
MTM http://www.mtm-news.com/en/node/3187