Investissements et développement agricole : sortir du manichéisme
Les Echos | 21/09/2011

Investissements et développement agricole : sortir du manichéisme

Le secteur agricole serait-il la seule portion de notre économie où les notions de profit et de rentabilité n'auraient pas leur place ? A en croire le discours dominant, les investissements agricoles seraient au mieux le fruit de spéculateurs, au pire d'affameurs. Des investissements qui sont pourtant fondamentaux pour le développement mondial avec comme enjeu... 7 milliards de bouches à nourrir.

Écrit par marckasperzac

La croissance démographique mondiale a explosé au cours des cinquante dernières années, essentiellement dans les pays en voie de développement. Hélas, dans la majorité des cas, ces pays n'ont pas réalisé dans le même temps leur révolution agricole et conservent des taux de productivité agraire extrêmement faibles... en tout cas insuffisants pour répondre à la demande locale (et a fortiori globale).

Or, il n'y a guère d'alternative. La solution du défi alimentaire passe nécessairement par un accroissement de la productivité agricole au niveau mondial... Et comme on sait que les terres agricoles occidentales sont déjà sur-exploitées et que la superficie de terres arables n'est guère extensible, il est urgent de développer la productivité des terres agricoles du Sud... et de parier sur les investissements agricoles, seul levier disponible pour répondre à l'accroissement des besoins.

La FAO (l'organisation des Nations unies pour l'alimentation) ne dit pas autre chose lorsqu'elle affirme que "l’investissement dans l’agriculture, y compris les agro-industries, les infrastructures rurales, les sciences agronomiques, la technologie et les services de soutien comme les institutions financières et les programmes de vulgarisation,  a été déterminant jusqu’à présent pour les performances de croissance.  Il le sera d’autant plus à l’avenir pour la réalisation des priorités de développement".

Autant d'éléments tangibles qui s'opposent aux images d'Épinal communément colportées en France et à la dichotomie artificielle entre "méchants" investisseurs, obnubilés par les profits à court-terme et les "pauvres" paysans, déracinés de leur terre. Autant de clichés idéologiques qui ne collent pas à la réalité et contribuent à disqualifier des investissements indispensables pour répondre à la question alimentaire et au développement réel des économies du tiers-monde.

Car les investissements et les rachats et le développement de terres agricoles jouent en réalité un rôle fondamental dans la valorisation des terres arables en rationalisant le processus de production, notamment par la mécanisation et l'exploitation de plus grandes surfaces agricoles (ce qui permet de réduire les coûts d'échelle et d'optimiser la logistique agricole).

Un processus de rationalisation qui ne se fait pas au détriment des agriculteurs locaux. Contrairement aux idées reçues, le revenu moyen des agriculteurs augmente de 30% dans les exploitations rachetées par des entreprises spécialisées, explique Olivier Combastet, le patron de Pergam Finance, une société spécialisée dans les investissements agricoles qui précise que l'emploi est multiplié par 3 ou 4 sur ses exploitations.

Olivier Combastet affirme par ailleurs (et contrairement aux idées reçues) que son groupe n'investit pas dans la mono-culture, mais privilégie au contraire dans une stratégie de diversification prenant en compte l'histoire et la culture locale... Une réalité à des années-lumières des "méga-exploitations" de mono-culture que nous vendent les médias (même si ces dernières existent évidemment aussi) !

C'est qu'il est hélas plus facile de se borner aux oppositions démagogiques et stériles que de réfléchir globalement. Un développement mondial plus harmonieux ne se fera pas sans une croissance agricole forte dans les pays du Sud. Et seuls des investissements privés massifs la rendront possible.

marckasperzac
URL to Article
https://farmlandgrab.org/post/19308
Source
Les Echos http://lecercle.lesechos.fr/economie-societe/politique-eco-conjoncture/agriculture/221137606/investissements-et-developpement-ag