Une enquête internationale confirme la responsabilité de Socfin dans les cas d’abus dénoncés par les communautés riveraines de ses plantations
Site sacré de Bayong Mbonjo déblayé sur une superficie d’environ un hectare. Image de Yannick Kenné pour Mongabay.
Mongabay | 4 Juil 2025

Une enquête internationale confirme la responsabilité de Socfin dans les cas d’abus dénoncés par les communautés riveraines de ses plantations

Yannick Kenné

- Des investigations ont été menées par le cabinet Earthworm Foundation (EF), dans 12 des plantations de la Société financière des caoutchoucs (Socfin) en Afrique et en Asie, entre 2023 et 2025.
- Les conclusions de cette enquête indiquent que la holding luxembourgeoise est responsable des dénonciations d’accaparement des terres, de mauvaises conditions de travail, de dégradations de l’environnement, de violences sexuelles, etc.
- Socfin a mis en place des plans d’actions spécifiques aux dénonciations dans chacune de ses plantations en Asie et en Afrique, visant à corriger ces manquements étalés sur des décennies.
- Les organisations de la société civile internationale dénoncent l’absence d’implication des communautés victimes, dans la conception de ces plans d’actions.

Des investigations menées par le cabinet « conseil en environnement Earthworm Foundation (EF) », dans 12 des plantations de la Société financière des caoutchoucs (Socfin) en Afrique et en Asie, entre 2023 et 2025, ont révélé que la majorité des dénonciations des communautés contre Socfin et ses filiales, sont fondées ou partiellement fondées.

Sur les 139 plaintes déposées par les communautés victimes des répercussions des plantations de palmier à huile et d’hévéa au Cambodge, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Liberia, au Nigeria et en Sierra Leone, 98 allégations sont jugées « fondées », « partiellement fondées » ou « indéterminées ». La majorité de ces allégations portent sur l’accaparement des terres, les mauvaises conditions de travail, les violences sexuelles, ainsi que la destruction des sites sacrés appartenant aux communautés.

À la lumière des rapports accablants et de la gestion controversée de ses plantations à travers le monde, Socfin a engagé EF en 2017, dans l’optique de l’accompagner dans la mise en œuvre d’une politique de gestion responsable de ses plantations. En 2023, la holding luxembourgeoise a commandé des enquêtes auprès d’EF pour confronter les allégations de litiges fonciers, de harcèlement sexuel, de mauvaises conditions de travail, etc., décriées par les communautés riveraines de ses plantations.

Un porte-parole de Socfin a expliqué à Mongabay par courriel que sur l’ensemble des allégations décriées, 306 ont été traduites en actions ciblées, et que 60 % de ces actions sont désormais mises en œuvre. « En ce qui concerne la mise en œuvre, les équipes locales chargées du développement durable coordonnent l’exécution sur place avec les départements concernés (RH, finances, etc.), le département du développement durable du siège procède à des inspections régulières, et EF réalise un audit final à la fin de chaque cycle », explique-t-il.

L’enquête du cabinet Earthworm Foundation (EF), confirme les accusations d’accaparement des terres, de mauvaises conditions de travail, de dégradations de l’environnement, de violences sexuelles de Socfin contre les communautés riveraines de ses plantations. Image de Maja Hitij avec son aimable autorisation.

Les conclusions des enquêtes menées depuis 2023 par EF ont conduit à la création de plans d’action, mis à jour trimestriellement par Socfin. Le groupe agroindustriel envisage de publier, le 7 juillet 2025, la liste complète des actions menées et leur état d’avancement en vue de corriger les manquements décriés.

Au demeurant, Socfin a mis à jour son Plan d’action contre les violences sexuelles en juin dernier, et s’est engagée à le mettre résolument en œuvre. Celui-ci prévoit, entre autres, la signature d’une politique du Groupe Socfin en matière de harcèlement sexuel par les membres du Conseil d’administration, avec une déclaration de tolérance zéro en matière de harcèlement sexuel. Cette politique est communiquée aux directeurs généraux des filiales en Afrique et en Asie.

Trente-trois organisations de défense de la nature et des droits humains, ayant analysé les résultats des investigations de EF, ont signé un communiqué, le 1er juillet 2025, dans lequel elles déplorent l’absence d’implication des communautés victimes, dans la conception des plans d’actions visant à corriger les manquements de Socfin.

« Socfin a conçu ses propres « plans d’action » pour résoudre les problèmes vérifiés par Earthworm, mais sans l’apport ou le contrôle des communautés. Il s’agit là d’une recette sûre de plus d’irresponsabilité et de plus de dommages ».

Le militant écologiste, Emmanuel Elong, Président de la Synergie nationale des paysans et riverains du Cameroun (Synaparcam), signataire du document, ne perçoit pas les impacts des conclusions des enquêtes de EF sur l’amélioration de la politique de gestion de Socfin, et dans la résolution des problèmes dénoncés par les communautés.

Il a dit à Mongabay au téléphone : « Earthworm essaie de faire de son mieux en faisant des descentes sur le terrain pour mieux comprendre les problèmes des communautés et des travailleurs, mais est incapable de faire changer la politique de Socfin ».

Elong trouve que EF doit aller au-delà du rôle de consultant qu’il joue auprès de Socfin, et la contraindre au respect des accords signés entre les communautés et ses filiales.

EF a également apporté dans un courriel à Mongabay, son éclairage sur les résultats de ses investigations. Jotica Sehgal, Directrice de la communication de ce cabinet affirme : « Les conclusions de notre enquête montrent clairement qu’un changement est nécessaire, et nous convenons que l’entreprise doit aller plus loin et plus vite ». Elle révèle que son organisation prévoit un processus de vérification pour assurer le suivi de la mise en œuvre des plans d’action sur trois sites, cette année.

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https://farmlandgrab.org/post/32939
Source
Mongabay https://fr.mongabay.com/2025/07/une-enquete-internationale-confirme-la-responsabilite-de-socfin-dans-les-cas-dabus-denonces-par-les-communautes-riveraines-de-ses-plantations/

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