Souleymane Dème Directeur d’Exploitation de Sen Ethanol : «Les gens s’opposent à ce projet car ils sont contre le développement du Sénégal»

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Souleymane Dème, Directeur d’Exploitation de Sen-Ethanol
Le Quotidien | 7 novembre 2012

Souleymane Dème Directeur d’Exploitation de Sen Ethanol : «Les gens s’opposent à ce projet car ils sont contre le développement du Sénégal»

Écrit par Cheikh NDIONGUE

Son entreprise est au cœur d’une vive polémique depuis plus d’un an maintenant. Implanté à Fanaye puis suspendu sur instructions du gouvernement libéral avant d’être délocalisé dans la zone périphérique de la réserve du Diayel, à cheval sur les communautés rurales de Diama, Ronkh et Ngnith, le projet Sen éthanol n’en finit pas de provoquer du bruit. Divisées, les populations s’opposent  et alimentent le débat sur son opportunité. Pendant ce temps, les promoteurs, accusés de vouloir déguerpir les populations, tentent de lever un coin du voile sur les tenants et les aboutissants de ce qu’ils présentent comme le plus grand projet agricole de l’Afrique de l’Ouest.

Pouvez-vous faire le point sur l’état d’avancement du projet ?
Nous sommes sur la partie périphérique de la communauté rurale de Ronkh, où nous sommes en train de défricher environ 1000 ha sur les 3 500 qui recouvrent la zone de Ronkh. En plus du défrichage, nous faisons les travaux d’exécution des canalisations en vue d’amener de l’eau. Nous prenons l’eau à partir du fleuve Niéti yoon qui est sur le Bountou ndiégg, faisons un élagage de tout ce qui est tifa et creusons un canal de 1800 à 2000 mètres. Ça, c’est le canal qui va venir jusqu’à la Rn 2. A partir de ce canal, nous allons faire des canaux secondaires qui vont être espacés de 800 mètres et qui vont amener l’eau à n’importe quel bord du site d’exploitation que ce soit ou n’importe quel village ou hameau. Et entre ces canaux, ce sera aussi bien la culture de tournesol ou l’exploitation de plantes fourragères  et vous verrez le long des canaux, des pistes aménagées et ces pistes, ce sont des pistes de séparation qui vont permettre tout de suite et même à la population locale, de savoir  que les fourrages sont à tel niveau et le tournesol à tel autre niveau. Le premier site sur lequel nous sommes, c’est les environs du  village de Mboyo, un hameau situé au bord de la Rn. On peut aller voir sur le terrain. Déjà, ce village bénéficie actuellement d’une zone d’habitation et de pâturage qui a une longueur de presque 2500 mètres et une largeur de 750 à 1000 mètres. Ce qui fait près de 100 ha autour du village, entre 75 et 100 ha sur lesquels nous avons déjà réalisé sur 15 ha la zone de pâturage et c’est une zone où réellement, il n’y avait pas d’herbes. On va en même temps aménager un petit lac pour servir d’abreuvoir aux animaux. Ces lacs seront alimentés par les canaux, le canal principal et le canal secondaire. Et ça, c’est durant tout le long du projet pour n’importe quel village qu’on approche.

Certains disaient souvent que le projet va déplacer  les villages, c’est le contraire. On sédentarise et nous allons définir d’un commun accord avec les villageois, les zones d’habitation et d’exploitation et vraiment, ils seront à l’aise là-dessus et c’est cette approche que nous avons. Et dans cette approche, nous avons une politique de recrutement qui donne la priorité aux autochtones, aux habitants de chaque hameau. Dans un premier temps, ils travaillent comme journaliers dans le cadre du défrichage. On pouvait faire un défrichage mécanique mais, on a préféré faire du défrichage manuel. Donc, l’approche globale est une collaboration, une concertation et nous avançons ensemble.

Combien de personnes employez-vous actuellement ?
Nous avons 250 journaliers et une douzaine de permanents. Les permanents sont les 12 conducteurs que nous avons recrutés et formés mais, nous allons recruter de 32 à 36 conducteurs parce que si le projet démarre dans les 2 ou 3 zones fixées, c’est-à-dire Ronkh, Diama et Ngnith. Nous allons travailler en équipes démultipliées et ce sera un travail minimum de 18 à 24 heures par jour pour les tractoristes et l’exploitation, pour pouvoir faire aussi bien les cultures de tournesol et les cultures fourragères. Il faut avoir une bonne disponibilité en conducteurs et en machines. Actuellement, nous avons une dizaine de machines sur place et une autre dizaine est en route, déjà  commandée.

Les populations vous ont reproché d’avoir abandonné la zone périphérique  de la réserve du Ndiayèl qui vous a été octroyée, pour occuper d’autres espaces.
Non, nous sommes sur la zone périphérique. Peut-être qu’il faut dire qu’au début du projet parce que le projet, rappelons-le, avait été délocalisé par l’ancien président, Me Wade suite aux évènements que vous connaissez. Mais maintenant, compte tenu de l’importance du projet, parce que sur le plan création d’emplois, développement économique, c’est un projet très rentable et que les moyens sont là, il a ciblé la zone qu’on appelle la réserve du Ndiayel. Et on travaille avec le coordonnateur de la réserve, le Colonel Dione des Eaux et Forêts. Maintenant, quand on dit réserve, c’est quelque chose qu’on a gardé pour des utilisations futures ou des utilisations actuelles avec des cibles. Les cibles c’étaient quoi ? C’étaient des oiseaux. C’est la zone de nidation des oiseaux qu’on appelle la grande mare. Pour faire une zone de nidation autour de celle-ci, il y a ce qu’on appelle, une zone tampon. La zone de nidation, c’est 10 mille hectares et également la zone tampon c’est 10 mille hectares. Et autour de ces 2 zones, il y a  ce qu’on appelle la zone périphérique, qui est de 26 mille hectares. Et c’est cette zone périphérique qui a fait l’objet de déclassement pour faire des activités de développement qui vont protéger les zones de nidation et de tampon. Sur la zone tampon, on peut sans modification de l’environnement faire des cultures fourragères, c’est-à-dire mettre des équipements adaptés pour permettre aux animaux domestiques d’avoir de l’herbe en permanence et ça aussi c’est dans le programme. Main­te­nant, étant donné que les spécialistes des Eaux et Forêts n’étaient pas présents au moment des négociations, il y a eu une petite confusion entre zone tampon et zone périphérique où il y a des règles même au plan international. Maintenant, sur cette observation des populations qui disaient qu’au départ c’était la zone périphérique et ensuite en négociation on a retenu la zone tampon, nous avons fait une concertation à la gouvernance. Et à la place des 26 mille hectares de la zone périphérique dont les 20 mille étaient alloués au projet, les 6 500 à l’ensemble des villages qui étaient à l’intérieur pour leur aménager des zones d’habitation et d’exploitation, il y a eu une concertation constructive, c’est-à-dire en fonction des habitations qui sont à l’intérieur, et des voies d’accès. Nous sommes tombés d’accord pour une exploitation de 10 mille hectares. Les 10 mille hectares sont répartis entre la communauté rurale de Ngnith qui bénéficie de 6000 ha à exploiter par le projet et une réserve de plus de 10 mille hectares qui restent parce que la zone de Ngnith couvrait les 20 mille hectares. Dans la zone de Ronkh aussi, il y a une zone périphérique de 3500 ha que le projet va exploiter, entre 1000 à 1500 ha ou peut-être même jusqu’à 2000. Les 1000 autres seront pour l’exploitation fourragère. C’est pareil pour la zone de Diama qui bénéficie de 2500 ha en zone périphérique. Peut-être que nous allons exploiter là-bas 1500 ha. Et cette exploitation est toujours en dehors des villages et des hameaux. A l’approche de chaque village et de chaque hameau, ce qu’il faut faire, c’est de tenir compte de l’habitation, en mettant des li­gnes frontières qui seront  à 500m  ou 1 km du village et aussi des voies de passage des animaux vers les sites d’abreuvoir que nous allons nous-mêmes réaliser. Et c’est ça l’approche technique que nous avons, comme on peut le voir avec les 2 villages qui sont à côté de notre zone de démarrage actuel, où nous avons déjà 600 ha de réalisé. Vous verrez qu’il y a le village hameau de Keur  Mboyo, le village hameau de Karère et vous verrez les travaux. On a fait deux façons culturales sur les 2 zones ; la zone exploitation de tournesol et la zone de fourrage. Il ne reste que l’accès à l’eau qu’on est en train de faire avec le canal à côté et qui sera effectif dans 10 jours maximum.

Certains soutiennent que le projet peine à s’installer du fait d’un défaut de communication.
Oh là ! Je dirais qu’il y a bel et bien une bonne communication. Le seul problème est, je le répéterai, qu’il y a des gens qui sont derrière et qui ne veulent pas que le projet voit le jour. Pourquoi ? Parce que c’est un projet de développement qui va bien aider le Sénégal, un projet qui va même faire une petite révolution sur le plan énergétique et dans le domaine de l’emploi. Parce que, quand on dit qu’on va exploiter le tournesol pour faire de l’huile de tournesol, nous nous servirons des résidus pour faire de l’énergie. Au minimum pour le tournesol, ce sera une centrale de 60 Mégawatts dont les 20 seront utilisés par nous-mêmes et les 40 autres seront déversés sur le réseau de la Senelec. Mais en parallèle, il y a des cultures de rente, comme la patate douce. Là où nous sommes dans la zone de Ngnith, les gens exploitent la patate. Avant, la patate se faisait par des cultures de décrue au bord du fleuve. Les populations attendaient l’hivernage et après, au retour du fleuve, ils faisaient la culture de décrue pour avoir des patates. Actuellement au niveau de Ngnith, ils sont un peu avancés. Ils font de la culture irriguée et même utilisent des motopompes pour faire de la culture. Le problème qu’ils ont dans cette exploitation, c’est qu’une fois la terre utilisée pour la patate, il faut la laisser en jachère pendant 2 ou 3 ans pour reprendre, à cause des nématodes. Nous, nous venons avec une technologie de culture permanente. Nous sommes une structure qui va travailler sur du bio. Tout ce que nous allons utiliser, ce sera des engrais bio, des herbicides. Tout ce qui est traitement au niveau des champs sera en bio et nous allons apporter une expérience, des formations au niveau des localités. Et la partie patate douce, on l’a carrément laissée aux autochtones. Les populations seront organisées en coopératives agricoles. Nous allons les voir, avec leurs délimitations, faire toutes les prestations nécessaires d’accompagnement pour l’exploitation de la patate, c’est comme ça. Et donc après, les résidus de patates seront utilisés comme aliment de bétail et comme source d’énergie pour faire l’éthanol. Et cet éthanol je vous dis, ça gêne beaucoup certains. Ce sera des équipements parce que nous, nous avons un projet industriel derrière. Il va falloir mettre des moteurs qui vont consommer l’éthanol et l’essence. C’est une adaptation très simple que nous nous proposons d’accompagner au niveau national. Donc, sachez bien que la communication est totale et peut-être ceux qui manipulent pour dire que le projet est mauvais vous entendrez ça toujours… J’ai vu un reportage à la télé où le porte-parole disait encore qu’on va déguerpir nos populations, déplacer les cimetières. Mais, cela n’a jamais été dit, ça c’est vraiment de l’intox !

Au cœur de la polémique, certains ont parlé de la production de bière.
Ça, jamais de la vie ! Nous sommes des Sénégalais et surtout, nous sommes engagés dans ce projet parce que c’est un projet de développement avec l’utilisation de produits alimentaires et surtout énergétiques. Nos détracteurs vont insinuer que nous voulions produire de la bière mais, ça vous ne le verrez jamais ! C’est l’éthanol comme combustible mixte dans les véhicules, que ce soient les véhicules utilitaires ou autres. Et ça, j’affirme.

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