Le Brésil n'est pas à vendre

Déforestation de la forêt amazonienne, au Brésil. AZOURY RICARDO/F4/SIPA

20 Minutes | le 25.08.10

Audrey Chauvet

PLANETE - Une loi contre l'achat de terres brésiliennes par des étrangers a été renforcée...

Le président Lula ne veut plus voir son pays racheté par les étrangers. Devant l’avalanche d’achats de terres par des étrangers pour la production agricole, le gouvernement brésilien a révisé sa loi, dont une brèche a permis à beaucoup d’entreprises non Brésiliennes d’acheter des milliers d’hectares de terres pendant plus de dix ans.

Cette «réinterprétation» de la loi limitera à un maximum de 5.000 hectares les terres agricoles pouvant être acquises par les entreprises contrôlées par des non Brésiliens.

Souveraineté alimentaire contre biocarburants

«Le Brésil s'est développé, c'est un pays qui attire les investissements et il est évident qu'il faut respecter la Constitution qui cherche à préserver la présence nationale et le contrôle de certains secteurs stratégiques comme les secteurs agricoles, l'alimention et l'agro-alimentaire», a expliqué le procureur général Luis Adams.

Car c’est bien la souveraineté alimentaire du pays qui est en jeu: les entreprises étrangères lorgnent sur le soja, dont le Brésil est le premier exportateur mondial, mais également sur la viande et l’éthanol. Avec un haut rendement et un coût réduit, les terres brésiliennes apparaissent comme un eldorado pour les investisseurs étrangers.

Le développement des biocarburants n’a fait qu’attiser leur convoitise: d’après des données parues en 2008 dans le journal Folha de Sao Paulo, les investisseurs étrangers achèteraient en moyenne chaque jour 12km2 de terres agricoles et 5,5 millions d’hectares de terres au total seraient entre les mains de propriétaires non Brésiliens.

L’Afrique subsaharienne aux enchères

Si le Brésil prend aujourd’hui des mesures pour freiner l’acquisition de terres par des étrangers, il n’est pas le seul pays à être confronté à ce «nouveau colonialisme», comme le dénonce le Mouvement des travailleurs sans terre brésilien. Selon une étude des Nations unies publiée en juin 2009, entre 15 et 20 millions d’hectares de terres agricoles, soit l’équivalent de la surface agricole française, ont fait l’objet de transactions ou de négociations dans le monde.

Première touchée: l’Afrique subsaharienne, dont le prix des terres et de la main d’œuvre sont dérisoires. Le Mali a ainsi cédé 100.000 hectares de terres à la Libye pour y cultiver du riz, tandis que le Soudan a vendu 690.000 hectares à la Corée du Sud qui y fera pousser du blé.

Spéculation et épuisement des ressources

La principale raison de cette ruée vers la terre est la flambée des prix de l’alimentaire en 2007-2008: dans les pays pauvres en ressources naturelles mais disposant de moyens financiers importants, la crainte d’une pénurie ou d’une hausse continue des prix de l’alimentation a intensifié l’achat de terres étrangères. Les Nations Unies soulignent également dans leur rapport le rôle de la spéculation: «Des investisseurs privés, y compris d’importants fonds d’investissement, ont acheté des terres arables pour des raisons purement spéculatives, convaincus que le prix des terres cultivables continuerait d’augmenter».

La course à la production d’agro-carburants, l’épuisement des ressources naturelles, y compris de l’eau douce, dans certains pays et les subventions promises pour encourager le stockage du carbone et la reforestation dans les pays tropicaux ont encore accentué le phénomène de rachat de terres.

Pour les Etats cibles des investisseurs étrangers, les montants payés et les éventuels transferts de technologies suffiront-ils à compenser la perte de leur sécurité alimentaire et les expropriations massives de paysans locaux? Aucune réglementation internationale n’existe sur la question, et les contrats de bail (le plus souvent utilisés pour occuper des terres à l’étranger sur des durées très longues) ne sont pas encadrés par les Nations unies. Seules des initiatives nationales, telles que celle du Brésil, pourront freiner l’appétit pour la terre des pays développés.

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