Mauritanie : hold-up sur les terres des populations du Sud

Yahya Kane | 30/12/10

Depuis 1989, les populations mauritaniennes des régions de la vallée du Fleuve Sénégal sont régulièrement victimes de l’expropriation de leurs terres par des spéculateurs de multinationales de l’agro-business en dépit de leurs protestations. Hold-up qui hypothèque leur avenir. Cette sonnette d’alarme incessante du Forum National des organisations nationales de Défense des Droits Humains et des ONG internationales sur le terrain pointe du doigt l’échec de la politique agricole des gouvernements successifs et de l’immobilisme de la politique actuelle en faveur du règlement du passif humanitaire.

Depuis 50 ans, l’Etat mauritanien a investi des milliards d’ouguiya dans l’agriculture mais pour des résultats médiocres. Les gouvernements successifs ont privilégié l’exploitation minière et aujourd’hui pétrolière au détriment de la production agricole. Ce qui ne cesse de fragiliser la sécurité alimentaire d’année en année .Cette situation a conduit aujourd’hui à une grave crise alimentaire qui touche près de 200 000 personnes au bord de la famine surtout à l’intérieur du pays et fait ainsi de la Mauritanie un grand pays importateur céréalier, plus de 60 pour cent de ses produits alimentaires.

Le gouvernement de Ould Laghdaf n’est pas responsable de cette absence de vision globale de l’économie du pays qui repose pourtant sur ce secteur qui occupe plus de la moitié des mauritaniens et contribue à hauteur de 13 pour cent du PIB. Avec une capitale qui abrite le tiers de la population globale c’est le budget de l’Etat qui continue d’en faire les frais en supportant l’importation massive des denrées alimentaires dont les prix ne cessent d’augmenter aggravés par la crise financière mondiale.

Certes des efforts ont été faits pour la réussite de la campagne agricole 2010-2011 dont la moitié du coût a été assurée par l’Etat soit plus de 3 milliards d’ouguiya en plus des 2 milliards d’ouguiya pour aider les agriculteurs et notamment les petits à travers des crédits.

Mais cette politique d’incitation ne va pas sans la réforme foncière qui a du mal à s’envoler à cause en grande partie d’un manque de courage politique d’une part et d’autre part de l’accaparement des terres des régions sur la vallée du fleuve Sénégal par des investisseurs étrangers .Les lois de 83 révisées en 2000 stipulent que « les terres appartiennent à l’Etat et font partie du domaine des personnes privées et protégées en tant que telles les terres mises en valeur par ces dernières ».

Rien donc n’a changé.

Autrement dit la terre appartient toujours à celui qui la travaille et non à celui qui la possède. Depuis les évènements de 89, les ONG internationales et autres associations nationales de défense des droits de l’homme ont constaté sur place que les collectivités traditionnelles sont régulièrement expropriées de leurs terres par des spéculateurs en complicité avec l’administration territoriale. Selon ces témoins, la situation s’est aggravée depuis ces derniers mois avec les attributions de concessions rurales à des multinationales de l’agro-business sans concertation préalable avec les populations concernées et en dépit de leurs protestations. Selon certaines sources, ce sont des saoudiens, soudanais voire américains qui en bénéficieraient.

Ce hold-up sur les terres agricoles du sud du pays avait même été révélé au grand public auparavant en juillet 2010 par le correspondant de l’Eveil Hebdo qui mettait en cause le président Ould Aziz sur le point de signer un décret qui pourrait octroyait 50 000 ha de terrain à la société saoudienne Tabouk-Eziraiya dans la commune de Boghé.

Scandale foncier qui avait suscité à l’époque de vives inquiétudes des populations de Dar El Barka, Aleg et Boghé. Ce bradage des concessions rurales est en contradiction avec une politique de développement agricole qui privilégierait la réinstallation des réfugiés rentrés au bercail et la restitution de leurs terres seuls moyens d’existence et d’autosuffisance alimentaire. Ces derniers sont toujours confrontés aux réticences des autorités locales qui leur dénient l’obtention de tout document administratif relatif à leur état civil et civique faisant d’eux des apatrides dans leur propre pays. Ainsi c’est le règlement du passif humanitaire qui prend encore des coups. Des coups durs d’autant plus que la Mauritanie pourrait appliquer à partir de fin décembre 2010, la clause de cessation aux réfugiés mauritaniens du Sénégal et du Mali et que rien ne justifie actuellement.

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