Le Gabon veut devenir N°1 de l’huile de palme africaine

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Gabon Review | 05 décembre 2012

Le Gabon veut devenir N°1 de l’huile de palme africaine

Alors que de nombreuses voix dénoncent l’usage abusif de l’huile de palme dans l’agro-industrie, parlant de risques sanitaires et de désastre écologique, le  Gabon, par la voix de son ministre de l’agriculture, annonce vouloir devenir le 1er pays producteur d’huile de palme en Afrique. Une occasion unique pour faire le point sur le sujet. Des champs transformés en plantations de palmiers à huile à Kango, au Gabon

Selon le Ministre Gabonais de l’Agriculture, Monsieur Julien Nkoghe Bekale, «le Gabon dispose environ de 5 millions d’hectares de terres disponibles pour une agriculture intensive et un environnement attractif pour les investissements. Pour les entreprises agricoles, des exonérations fiscales en matière de Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA), de droits de douane et même sur les entreprises sont prévues».

Dans cette perspective, le Gabon ambitionne que le secteur agricole contribue à 15% du Produit Intérieur Brut en 2020, contre 1% actuellement. En outre, le pays qui exploite le palmier à huile pour la production de l’huile de table et du savon, compte revoir à la hausse celle-ci pour atteindre les 250 000 tonnes d’ici 2020, ce qui fera de lui le plus gros producteur d’Afrique, s’appuyant sur deux investisseurs déjà présents, le belge SIAT Gabon et le singapourien Olam. SIAT produit 11.000 tonnes d’huile de palme par an au Gabon.

De son côté, Olam Palm Gabon souhaite développer 50 000 hectares de palmiers, associés à une usine de concassage à Kango dans la province de l’Estuaire. OPG est une co-entreprise associant Olam et l’État gabonais à 30%.

Au-delà des besoins du pays, la région est en mesure d’absorber 3,5 millions de tonnes d’huile par an.

Le pays met en avant un million d’hectares de terres cultivables disponibles pour cela. Les promoteurs belges et singapouriens insistent sur leur volonté de s’inscrire dans une perspective de développement durable, sans perturber la faune. SIAT créera des plantations sans toucher aux forêts primaires, en reboisant des forêts dégradées, selon son directeur Gert Vandersmissen.

Un débat très vif sur l’huile de palme en occident

L’huile de palme, extraite par pression à chaud de la pulpe des fruits du palmier à huile (Elaeis guineensis), est l’huile végétale la plus consommée au monde (25 % de la consommation, 42 millions de tonnes sur douze mois en 2008-2009 selon l’USDA). Ingrédient traditionnel des cuisines d’Afrique, d’Amérique du Sud ou d’Asie, elle est désormais surtout utilisée par l’industrie : 80 % dans l’agroalimentaire, 19 % pour les cosmétiques et 1 % pour les agrocarburants.

Ce qui est reproché à l’huile de palme et qui a amené la France à vouloir la surtaxer par exemple (voir l’article sur la taxe «Nutella»), c’est avant tout son prix beaucoup plus faible que les huiles végétales produites en Europe. En effet, avec un meilleur rendement à l’hectare que ses concurrentes, elle coûte de 15 à 80 % moins cher que l’huile de soja, de colza ou de tournesol (elle a besoin de 10 fois moins de surface plantée que le soja pour donner la même production d’huile). Elle a donc tendance à le remplacer d’autant plus avantageusement qu’elle nécessite moins de traitements industriels pour ses usages courants. Une des autres propriétés appréciées de cette huile est sa texture naturellement solide (dure comme le beurre) à température ambiante. Cette propriété explique son utilisation très fréquente notamment en biscuiterie : elle est plus facile à stocker, à transporter et à cuisiner. Remplacer la palme par une huile de tournesol ou colza qui sont liquides conduirait à avoir un biscuit gras au toucher avec suintement d’huile en surface.

Du point de vue de la santé, il lui est reproché de contenir trop de graisses saturées. Pour Jean-Michel Lecerf, chef du service nutrition à l’Institut Pasteur de Lille, «Faire de l’huile de palme un poison n’est pas justifié. (…) C’est un produit qui a des qualités. Elle est notamment utilisée par les industriels parce qu’elle a une bonne résistance à la cuisson et qu’elle est solide à température ambiante. Elle a ainsi permis de remplacer les graisses végétales partiellement hydrogénées qui ont des effets délétères avérés sur la production de cholestérol en favorisant la formation du mauvais (LDL) au détriment du bon (HDL). Elle contient aussi des tocotriénols, une sorte de vitamine E, et des caroténoïdes, même si elle perd une grande partie de ces molécules après raffinage.» Pour lui, «Il n’y a évidemment pas de graisse miracle. L’huile de palme contient environ 50% d’acides gras saturés. Ces molécules favorisent la formation du bon et du mauvais cholestérol et on sait que leur consommation excessive est mauvaise pour la santé. Les huiles de tournesol ou de colza en contiennent beaucoup moins (environ 10%). Mais le beurre de cacao en contient autant et le beurre traditionnel un peu plus (65%)».

A contrario, les huiles végétales capables de concurrencer l’huile de palme doivent être hydrogénées pour leur usage industriel, ce qui les rend hautement cancérigènes d’après de nombreuses études. C’est une des raisons invoquées par l’industrie agroalimentaire pour les avoir remplacées par l’huile de palme. Pour la diététicienne Ariane Grumbach, «il y a des matières grasses saturées naturellement dans l’alimentation, dans la viande par exemple. Celle qui compose l’huile de palme n’est pas mauvaise en soi, elle est devenue mauvaise par les quantités consommées, qui ont beaucoup augmenté depuis 20 ou 30 ans. L’important, c’est de limiter la consommation d’aliments industriels.» L’amalgame est aussi souvent fait entre les acides gras saturés de l’huile de palme et ceux issus de matières animales comme les produits laitiers ou la viande (la palme est souvent comparée au beurre du fait de sa texture). Les acides gras saturés d’origine animale sont source de cholestérol tandis que la teneur en cholestérol de l’huile de palme est proche de zéro, ce qui n’est pas le cas du beurre.

Les dangers pour l’environnement

Parce que peu onéreuse et à très fort rendement, l’huile de palme conventionnelle est aujourd’hui la plus consommée dans le monde (25%), dépassant de peu l’huile de soja (24%) et de loin celles de colza (12%) et de tournesol (7%). A l’origine de cette consommation record : la demande des pays européens qui augmente de 13% chaque année depuis 2000 mais surtout de la Chine et de l’Inde respectivement 1er de 2e pays importateur d’huile de palme.

Conséquences directes et catastrophiques de cette forte demande, l’explosion des surfaces de plantations qui ont été multipliées par 5 en Indonésie des années 90 à 2010 au détriment de la forêt primaire. De plus, Les feux de forêt libèrent des gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère faisant de l’Indonésie le troisième pays le plus gros émetteur de GES. Les paysans sont expulsés de leurs terres au profit des plantations privées. Des animaux comme l’orang-outang, l’éléphant ou le rhinocéros de Sumatra sont menacés de disparition à cause de la perte de leur habitat. A Bornéo on estime que 3 000 orangs-outangs disparaissent chaque année.

Si cette situation est évidemment désastreuse, l’huile de Palme n’est pourtant pas la seule responsable.

Sur les 21 millions d’hectares de forêt primaire qui ont disparu en Indonésie entre 1990 et 2005, seulement 3 millions correspondent à la création de palmeraies. Le reste est la conséquence du commerce du bois. Selon Alain Rival, spécialiste du palmier à huile au Cirad, il serait possible d’utiliser les zones déjà déboisées et laissées en friche par le commerce du bois pour les plantations de palmiers à huile. Cependant, cette solution n’est pas retenue par les planteurs car déboiser fournit l’apport financier nécessaire aux premiers investissements dans une plantation : semences, pépinières, infrastructures, préparation du sol…

La solution semble donc devoir être globale, trouver un revenu équivalent à celui issu de la coupe du bois pour les populations locales et chercher à concilier la préservation de la biodiversité et un développement agricole indispensable pour la population. Si la consommation d’huile de palme durable est donc une réelle urgence, il faut absolument la coupler à une consommation exclusive de bois durable.

En réponse à l’appel urgent et pressant mondial pour l’huile de palme de production durable, la Table ronde sur l’huile de palme durable (RSPO) a été créée en 2004. RSPO est une association sans but lucratif qui regroupe des planteurs locaux, des transformateurs et des ONG comme le WWF. Son objectif est de promouvoir l’expansion de la production et de l’utilisation de l’huile de palme durable et responsable. La certification RSPO garantit que l’huile de palme ne provient pas de la déforestation mais aussi que les conditions de vie des travailleurs sont respectées.

La RSPO est décriée par certaines ONG. Sylvain Angerand, chargée de campagne Forêt aux Amis de la terre, explique que l’initiative n’est pas suffisamment contraignante : «Une entreprise membre de la RSPO peut continuer à raser des forêts et forcer ses ouvriers à utiliser un herbicide mortel comme le Paraquat alors que celui-ci est interdit en France et qu’il a tué plus d’un million de personnes dans le monde. Logique, Syngenta, la multinationale suisse qui fabrique le Paraquat est membre de la Table ronde sur le palmier à huile durable».

La solution proposée par la RSPO n’est donc sans doute pas encore parfaite mais elle a le mérite d’exister, à l’image de la labellisation FSC pour le bois tout autant décriée. L’huile de palme durable certifiée ne peut pas être cultivée dans une forêt primaire ou une zone protégée. Les cultivateurs doivent utiliser les meilleures techniques existantes pour maintenir la pureté de l’eau et du sol et pour diminuer la pollution et les émissions de CO2. Ils doivent aussi offrir un bon salaire à leurs ouvriers et aux communautés locales, ainsi que respecter leurs droits.

La production biologique est également une piste d’avenir, même si elle ne représente actuellement que 0.2% de l’huile de palme produite dans le monde.

Des consignes claires pour le Gabon

Dans son discours de Londres, lors du premier forum d’investissement Royaume-Uni/Gabon, organisé par l’Agence de promotion des investissements et des exportations (APIEX), le président de la République, Ali Bongo Ondimba, a rappelé ce qu’attendait le Gabon d’éventuels investisseurs : «Notre stratégie est claire ; nous voulons travailler en partenariat avec des sociétés et des investisseurs qui recherchent des rendements durables à long terme. (…) Nous avons établi un programme ambitieux. Nous n’atteindrons pas nos objectifs sans le soutien actif du secteur privé. Nous sommes à la recherche de partenariats judicieux pour nous soutenir. Nous ne voulons pas de patronage. Nous voulons des partenaires. Nous ne voulons pas d’aide financière, nous voulons des investisseurs. Nous recherchons des sociétés pour nous aider à réaliser la valeur intégrale des actifs dont nous disposons ; pour des rendements à long terme, durant de nombreuses années à venir. (…) La raison pour laquelle nous poursuivons une telle stratégie est simple : nous voulons plus d’emplois et une meilleure qualité de vie pour nos citoyens, aujourd’hui, demain et encore longtemps à l’avenir. C’est pourquoi nous n’accepterons pas les formes de développement qui compromettent notre environnement naturel».

«Nous allons produire de l’huile de palme durable. (…) Au Gabon, nous avons une forêt primaire et plusieurs espèces en danger. Nous allons développer de nouvelles plantations. Nous n’allons pas planter sur des forets primaires, mais plutôt sur des forets dégradées où le palmier va rapporter aux populations environnantes, que de diminuer la biodiversité», a promis Gert Vandersmissen directeur général de Siat Gabon. «Nous voulons montrer à nos consommateurs que nos produits sont “durables”, nous voulons aussi montrer que nos produits n’ont pas tué un singe et n’ont pas détruit l’environnement. Nous allons désormais certifier nos produits pour montrer que ce sont des produits qui respectent l’environnement», a-t-il conclu. «Nous ne pouvons que respecter les normes de conservation de l’environnement. Olam va produire l’huile de palme durable», a quant à lui assuré Raphaël Abouba, un responsable d’Olam.

Bien évidemment, si cela détermine le cadre général de la politique gabonaise, il reste à mettre ne place les structures de contrôle qui permettront de garantir le pays des dérives qu’il connaît depuis des dizaines d’années dans tous les domaines. Et c’est là, sans doute, que le gouvernement est attendu au tournant.

Depuis 2004 l’entreprise belge SIAT a investi près de 100 millions de dollars (50 milliards de francs CFA) et produit aujourd’hui plus de 11 000 tonnes d’huile de palme par an. Mais, l’investissement majeur est venu de Olam, qui a signé une joint-venture avec le gouvernement pour développer 50 000 hectares, avec une possibilité d’extension à 100 000 hectares. Le coût du projet est estimé à 788 millions de dollars (400 milliards de francs CFA).
 

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