Bulletin de WRM | 11 juillet 2017
GRAINE de désespoir : les communautés perdent leurs terres et leurs sources d’eau dans l’agro-industrie d’OLAM au Gabon
par RADD, SEFE, YETHIO, SYNAPARCAM, GRAIN et WRM
« Dans ces soit disant contrats gagnants-gagnants, j’aimerais bien savoir ce que nous Communautés impactées nous gagnons, au contraire nous perdons et nous sommes même en train de mourir à petit feu » C’est avec ce cri de désespoir que Célestine Ndong (1) décrit la situation amère à Mouilla, Gabon, où le programme GRAINE se déploie depuis quelques années.
Le programme GRAINE qui signifie « Gabonaise des Réalisations Agricoles et des Initiatives des Nationaux Engagés » a commencé en Décembre 2014. Avec le soutien de l’agro-industrie multinationale OLAM International est donc né ce Partenariat Public-Privé (PPP) qui s’est donné pour objectif de : réduire la pauvreté et assurer la création d’emplois ; assurer la sécurité alimentaire ; soutenir le développement et la diversification économique en république Gabonaise (2).
Lancée grâce à un soutien financier de la FAO (3), GRAINE s’installera sur 200.000 hectares de terres occupée par des Communautés (4). Sur ces 200.000 hectares de terres, le programme affirme que 120.000 seront dédiés aux petits exploitants et 80.000 à l’agriculture industrielle.
La SOTRADER (Société de Transformation Agricole et de Développement Rural) est son outil central dont OLAM Gabon est le partenaire technique. Détenue à 51% par l’Etat Gabonais et à 49% par OLAM International, cette Joint-venture est la ‘’colonne vertébrale’’ du programme.
Un flou règne tellement entre ces deux entités qu’il est difficile aux communautés et citoyens du Gabon de les dissocier. Pour beaucoup, GRAINE n’est que la justification d’OLAM Gabon pour poursuivre sa mainmise sur le pays entrepris depuis 2010 (5). Pas seulement Palmier à huile mais aussi l’Hévéas, le Bois et d’autres ressources sont ciblées dans cette stratégie.
Sur le site web (6) qui est dédié à GRAINE à partir de celui de OLAM, on peut voir ce qui est dit de cette initiative qui célèbre l’agrobusiness dans un pays qui peine à sortir de l’importation de produits alimentaires de base pour ses populations. Cette importation qui lui couterait environ 300 milliards de francs CFA par an [autour US 514 million de dollars] (7).
Ce Mercredi 8 Février 2017, avec un groupe de paysans et des paysannes et aussi d’organisations de la société civile Gabonaise et Internationales nous nous lançons sur l’axe Mouilla-Fougamou à la découverte des promesses de OLAM et ses alliés.
Rivières enterrées avec des réserves de poissons, emploi inexistants, précarité renforcées, terres accaparées, eaux polluées, abandon des villages par les jeunes, tel est le quotidien des populations.
« Nous sommes ici dans cette palmeraie de OLAM sur une terre qui a été remblayée, c’est une rivière qui contenait des poissons et toutes sortes de produits halieutiques pour notre consommation, mais vous voyez bien qu’elle n’existe plus ! OLAM a détruit cette rivière » prononce avec amertume une Dame, la soixantaine passée, peinante à se tenir debout.
Mboukou qui se trouve à environ 32 kilomètres de Mouilla paie un lourd tribut dans cette quête de OLAM à réaliser au Gabon, « la plus grande plantation de palmier à huile d’Afrique » (8) alors que la priorité pour le pays est à l’autosuffisance alimentaire.
Aussi le constat est claire que l’agriculture industrielle et pour l’exportation est ce qui importe le plus au programme GRAINE car sur les zones octroyées par l’Etat, seule celles ou la culture du palmier est propice concentre les efforts de production. D’ailleurs ont est déjà à 42.000 hectares de palmier à huile réalisés quand les cultures vivrières (Banane, Manioc, Tomate, Piment) n’atteignent que 8.000 hectares dans la zone de Ndendé par exemple.
A coté des terres accaparées et des rivières détruites, ils sont également bien inexistants les emplois promis aux jeunes du village. La visite des plantations nous a permit de voir qu’une main- d’œuvre venant d’Asie. Même les tâches les plus usuelles dans les palmeraies étaient assurées par des ressortissants non Gabonais.
La main d’œuvre locale se fait donc rare et est une denrée en voie de disparition.
A Yamba, autre village où OLAM a ses plantations, le constat est tous aussi affligeant. Les plantations de OLAM sont « à la porte des habitations » alors qu’une distance réglementaire est exigée par les textes de loi du Pays. « L’administration et les opérateurs forestiers avaient proposés une zone tampon de cinq kilomètres que les populations jugeaient insuffisante, aujourd’hui comme vous pourriez le constater ces plantations sont à moins de deux kilomètres de nos cases » s’indigne ce cultivateur de Saint-Martin un autre Village aussi impacté.
GRAINE continue pourtant de crier qu’il est un programme unique en son genre, qu’il vise le développement local et la diversification de l’économie Gabonaise alors que dans le même temps, des acteurs de GRAINE comme OLAM ont exporté de l’huile vers l’Espagne, le Cameroun et le Nigeria.
« Ce programme est visiblement un piège pour nous emmener à perdre nos terres à travers ces contrats difficiles à comprendre et à avoir copie » rumine de colère un membre d’une coopérative rémunérée mensuellement par le programme GRAINE.
« Dans leurs explications, les techniciens de la SOTRADER nous font bien voir la menace qui plane sur nous, si nous n’arrivons pas à avoir une production qui rembourse le préfinancement consentis par OLAM et la SOTRADER, à savoir semences, engrais, machines et les salaires de 100.000 francs CFA » poursuit il.
Alors qu’il a offert des titres fonciers (9), qui sont pour beaucoup contestés du fait du manque de concertation et de consultation des populations (mais qui en fait sont des Décrets signés par lui), le Président de la République, main dans la main avec OLAM assure faire du développement pour le Gabon. Pourtant, cette ère qui se lève et où les paysans et paysannes sont transformées en salariées dans des Coopératives suscitées et fabriquées par ce programme GRAINE, augure de bien de problèmes pour le défis de l’alimentation des Gabonais par les paysans et paysannes au Gabon.
RADD Cameroun; SEFE Cameroun; YETHIO Côte d’Ivoire; SYNAPARCAM Cameroun; GRAIN et WRM
(1) Ce nom a été modifié pour des raisons de sécurité.
(2) Rapport du Forum GRAINE, du 5 au 7 Novembre 2015
(3) https://www.oxfordbusinessgroup.com/news/progression-des-plans-gabonais-en-mati%C3%A8re-d%E2%80%99agriculture
(4) https://www.farmlandgrab.org/post/view/25462
(5) http://49tmko49h46b4e0czy3rlqaye1b.wpengine.netdna-cdn.com/wp-content/uploads/2011/12/nov152010-gabon_palm-ppt.pdf
(6) http://olamgroup.com/products-services/food-staples-packaged-foods/palm/upstream/graine/
(7) http://gaboneco.com/projet-graine-ces-plantations-de-l-espoir.html
(8) Interview de Gagan GUPTA, in African Business numero 40, Aout-Septembre 2015
(9) http://gabonreview.com/blog/des-agrements-des-titres-fonciers-et-des-graines-prometteuses-dans-la-ngounie/
GRAINE de désespoir : les communautés perdent leurs terres et leurs sources d’eau dans l’agro-industrie d’OLAM au Gabon
par RADD, SEFE, YETHIO, SYNAPARCAM, GRAIN et WRM
« Dans ces soit disant contrats gagnants-gagnants, j’aimerais bien savoir ce que nous Communautés impactées nous gagnons, au contraire nous perdons et nous sommes même en train de mourir à petit feu » C’est avec ce cri de désespoir que Célestine Ndong (1) décrit la situation amère à Mouilla, Gabon, où le programme GRAINE se déploie depuis quelques années.
Le programme GRAINE qui signifie « Gabonaise des Réalisations Agricoles et des Initiatives des Nationaux Engagés » a commencé en Décembre 2014. Avec le soutien de l’agro-industrie multinationale OLAM International est donc né ce Partenariat Public-Privé (PPP) qui s’est donné pour objectif de : réduire la pauvreté et assurer la création d’emplois ; assurer la sécurité alimentaire ; soutenir le développement et la diversification économique en république Gabonaise (2).
Lancée grâce à un soutien financier de la FAO (3), GRAINE s’installera sur 200.000 hectares de terres occupée par des Communautés (4). Sur ces 200.000 hectares de terres, le programme affirme que 120.000 seront dédiés aux petits exploitants et 80.000 à l’agriculture industrielle.
La SOTRADER (Société de Transformation Agricole et de Développement Rural) est son outil central dont OLAM Gabon est le partenaire technique. Détenue à 51% par l’Etat Gabonais et à 49% par OLAM International, cette Joint-venture est la ‘’colonne vertébrale’’ du programme.
Un flou règne tellement entre ces deux entités qu’il est difficile aux communautés et citoyens du Gabon de les dissocier. Pour beaucoup, GRAINE n’est que la justification d’OLAM Gabon pour poursuivre sa mainmise sur le pays entrepris depuis 2010 (5). Pas seulement Palmier à huile mais aussi l’Hévéas, le Bois et d’autres ressources sont ciblées dans cette stratégie.
Sur le site web (6) qui est dédié à GRAINE à partir de celui de OLAM, on peut voir ce qui est dit de cette initiative qui célèbre l’agrobusiness dans un pays qui peine à sortir de l’importation de produits alimentaires de base pour ses populations. Cette importation qui lui couterait environ 300 milliards de francs CFA par an [autour US 514 million de dollars] (7).
Ce Mercredi 8 Février 2017, avec un groupe de paysans et des paysannes et aussi d’organisations de la société civile Gabonaise et Internationales nous nous lançons sur l’axe Mouilla-Fougamou à la découverte des promesses de OLAM et ses alliés.
Rivières enterrées avec des réserves de poissons, emploi inexistants, précarité renforcées, terres accaparées, eaux polluées, abandon des villages par les jeunes, tel est le quotidien des populations.
« Nous sommes ici dans cette palmeraie de OLAM sur une terre qui a été remblayée, c’est une rivière qui contenait des poissons et toutes sortes de produits halieutiques pour notre consommation, mais vous voyez bien qu’elle n’existe plus ! OLAM a détruit cette rivière » prononce avec amertume une Dame, la soixantaine passée, peinante à se tenir debout.
Mboukou qui se trouve à environ 32 kilomètres de Mouilla paie un lourd tribut dans cette quête de OLAM à réaliser au Gabon, « la plus grande plantation de palmier à huile d’Afrique » (8) alors que la priorité pour le pays est à l’autosuffisance alimentaire.
Aussi le constat est claire que l’agriculture industrielle et pour l’exportation est ce qui importe le plus au programme GRAINE car sur les zones octroyées par l’Etat, seule celles ou la culture du palmier est propice concentre les efforts de production. D’ailleurs ont est déjà à 42.000 hectares de palmier à huile réalisés quand les cultures vivrières (Banane, Manioc, Tomate, Piment) n’atteignent que 8.000 hectares dans la zone de Ndendé par exemple.
A coté des terres accaparées et des rivières détruites, ils sont également bien inexistants les emplois promis aux jeunes du village. La visite des plantations nous a permit de voir qu’une main- d’œuvre venant d’Asie. Même les tâches les plus usuelles dans les palmeraies étaient assurées par des ressortissants non Gabonais.
La main d’œuvre locale se fait donc rare et est une denrée en voie de disparition.
A Yamba, autre village où OLAM a ses plantations, le constat est tous aussi affligeant. Les plantations de OLAM sont « à la porte des habitations » alors qu’une distance réglementaire est exigée par les textes de loi du Pays. « L’administration et les opérateurs forestiers avaient proposés une zone tampon de cinq kilomètres que les populations jugeaient insuffisante, aujourd’hui comme vous pourriez le constater ces plantations sont à moins de deux kilomètres de nos cases » s’indigne ce cultivateur de Saint-Martin un autre Village aussi impacté.
GRAINE continue pourtant de crier qu’il est un programme unique en son genre, qu’il vise le développement local et la diversification de l’économie Gabonaise alors que dans le même temps, des acteurs de GRAINE comme OLAM ont exporté de l’huile vers l’Espagne, le Cameroun et le Nigeria.
« Ce programme est visiblement un piège pour nous emmener à perdre nos terres à travers ces contrats difficiles à comprendre et à avoir copie » rumine de colère un membre d’une coopérative rémunérée mensuellement par le programme GRAINE.
« Dans leurs explications, les techniciens de la SOTRADER nous font bien voir la menace qui plane sur nous, si nous n’arrivons pas à avoir une production qui rembourse le préfinancement consentis par OLAM et la SOTRADER, à savoir semences, engrais, machines et les salaires de 100.000 francs CFA » poursuit il.
Alors qu’il a offert des titres fonciers (9), qui sont pour beaucoup contestés du fait du manque de concertation et de consultation des populations (mais qui en fait sont des Décrets signés par lui), le Président de la République, main dans la main avec OLAM assure faire du développement pour le Gabon. Pourtant, cette ère qui se lève et où les paysans et paysannes sont transformées en salariées dans des Coopératives suscitées et fabriquées par ce programme GRAINE, augure de bien de problèmes pour le défis de l’alimentation des Gabonais par les paysans et paysannes au Gabon.
RADD Cameroun; SEFE Cameroun; YETHIO Côte d’Ivoire; SYNAPARCAM Cameroun; GRAIN et WRM
(1) Ce nom a été modifié pour des raisons de sécurité.
(2) Rapport du Forum GRAINE, du 5 au 7 Novembre 2015
(3) https://www.oxfordbusinessgroup.com/news/progression-des-plans-gabonais-en-mati%C3%A8re-d%E2%80%99agriculture
(4) https://www.farmlandgrab.org/post/view/25462
(5) http://49tmko49h46b4e0czy3rlqaye1b.wpengine.netdna-cdn.com/wp-content/uploads/2011/12/nov152010-gabon_palm-ppt.pdf
(6) http://olamgroup.com/products-services/food-staples-packaged-foods/palm/upstream/graine/
(7) http://gaboneco.com/projet-graine-ces-plantations-de-l-espoir.html
(8) Interview de Gagan GUPTA, in African Business numero 40, Aout-Septembre 2015
(9) http://gabonreview.com/blog/des-agrements-des-titres-fonciers-et-des-graines-prometteuses-dans-la-ngounie/