Bolloré face aux paysans sans terre

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Seuil | 10 octobre 2019 [EN]

(extrait du livre « Qui a tué vos emplois ? » de Fiodor Rilov avec Alexia Eychenne)

Bolloré face aux paysans sans terre

Quatre cents kilomètres séparent Phnom Penh, la capitale du Cambodge, de la commune de Bousra, mais il faut plus de dix heures de voiture pour les parcourir. Dans la province de Mondulkiri, à l’est du pays, une deux-voies serpente au milieu des collines couvertes de bosquets verts qui ravivent la rougeur de la terre. Puis, la route s’enfonce dans la forêt jusqu’à d’immenses parcelles tracées au cordeau. À moins de 10 kilomètres à vol d’oiseau du Vietnam, des arbres au tronc mince s’alignent à perte de vue. Nous voilà au cœur des plantations d’hévéas, dont la saignée fait couler sur l’écorce le caoutchouc naturel.

Dans la voiture, ce jour de 2015, m’accompagne Samin Ngach. Cet étudiant en droit, la vingtaine, est l’un des principaux responsables d’une association de soutien à la jeunesse indigène cambodgienne. La route traverse les sept villages de Bousra. Là vivent 850 familles, dont plus de 90 % appartiennent comme Samin à la tribu des Bunongs. Ce peuple possède une langue, une culture et des croyances spécifiques, différentes des Khmers. Les Bunongs vivent de la terre grâce à une agriculture vivrière itinérante. Une grande partie des sols est laissée en jachère par roulement pour leur permettre de se régénérer. Le champ, qu’ils appellent mir, sert de lieu de vie et de culte. Leurs rites animistes sacralisent la forêt où reposent les ancêtres. La nature n’est pas pour eux qu’un moyen de subsistance. Elle est au cœur de l’identité et de l’organisation sociale de la communauté.

Au Cambodge, l’hévéa est à la fois de l’or vert et une malédiction. Le gouvernement perçoit le développement de sa culture comme une chance de s’enrichir pour le pays. Les autorités adhèrent corps et âme aux projets des sociétés privées étrangères dans ce secteur. Pour les Bunongs, c’est une tout autre histoire. L’arbre à caoutchouc a provoqué une catastrophe. Les exploitants se sont emparés de leurs terres pour les convertir à l’hévéaculture sans véritable consultation ni étude d’impact environnemental et social. Le consentement libre et éclairé des paysans n’a pas été recueilli. Certains ont reçu une compensation dérisoire, de l’ordre de 200 dollars par hectare. C’est peu pour des pratiques agraires, des rites et des traditions piétinés. Près d’un millier de Bunongs luttent aujourd’hui pour tenter de retrouver leur territoire, une bataille à laquelle je vais m’associer.

Une médiation dans l’impasse

Dans le Bousra, il n’est plus question de droit du travail ni de destructions d’emplois, mais de l’accaparement des terres arables. Je ne suis pourtant pas dépaysé, car les responsables sont une nouvelle fois les multinationales, dont je combats de mieux en mieux les méfaits. Le mobile de leurs crimes est identique : la quête du profit. On sacrifie cette fois les ressources et le mode de vie d’une communauté comme ailleurs on met à mort des emplois. Mais j’ai déjà l’habitude de les attaquer pour des agissements imputés à leurs filiales. Pour aider les Bunongs à résister, mon approche sera la même, dans une logique inversée : je n’accompagne plus des victimes françaises face à une multinationale étrangère, mais des victimes étrangères face à une multinationale française. Et pas n’importe laquelle. Le tentaculaire groupe de Vincent Bolloré, qui opère aussi bien dans le transport et la logistique que le stockage d’électricité et les médias.

Je reçois un jour un coup de fil de Leigh Day, un cabinet d’avocats londonien célèbre pour ses combats contre les sociétés mères, principalement britanniques, des multinationales opérant dans les pays en voie de développement. Leigh Day travaille régulièrement avec Global Witness, une ONG spécialisée dans la lutte contre le pillage des ressources naturelles. Cette dernière est elle-même en lien avec une partie des Bunongs. Ils réfléchissent ensemble à une procédure en justice qui pourrait les aider à recouvrir au moins en partie leurs droits. En outre, depuis 2012, une médiation réunit autour d’une table des membres de la tribu et les responsables de l’accaparement des terres, sous la houlette d’ONG. Mais le processus patine. Au bout de trois ans, les Bunongs attendent toujours des résultats concrets. Pire encore, Socfin-KCD, la filiale cambodgienne qui détient les plantations d’hévéas, poursuit dans le même temps son offensive sur leur territoire. Cette entreprise locale est officiellement la filiale d’une société luxembourgeoise, Socfin, dont le groupe Bolloré est le principal actionnaire. C’est pourquoi Leigh Day se met en quête d’un avocat français. Au Royaume-Uni et aux États-Unis, de nombreuses actions judiciaires ont déjà été intentées à domicile contre des sociétés mères occidentales par des victimes de pays en voie de développement. En France, c’est un champ inexploré. L’objectif est de coopérer avec la FIDH pour envisager un procès. Nous convenons de nous revoir ensemble, Leigh Day, la FIDH et moi, dès que nos agendas le permettront.

Un rapport de la FIDH[1] a commencé à démêler les fils des sociétés impliquées dans l’exploitation des hévéas. En 2008, le gouvernement cambodgien a attribué une première concession à KCD, une grande entreprise locale de la construction. Celle-ci a ensuite formé un joint-venture avec les Luxembourgeois de Socfin qui donne naissance à Socfin-KCD. En 2010 et 2013, deux nouvelles concessions ont été accordées à cette dernière, portant à 7 000 hectares la surface de leur empire. Le premier enjeu de la bataille judiciaire à venir va consister à démontrer que c’est Bolloré, depuis Paris, qui gère directement Socfin-KCD dans le Bousra. Et porte donc toute la responsabilité des événements qui se produisent dans les plantations.

Des contacts à Phnom Penh

Les semaines passent. Je suis sans nouvelles de Leigh Day et de la FIDH. Plus je réfléchis, plus j’examine les éléments dont je dispose, et plus il me semble possible pour les Bunongs d’engager en France une action en responsabilité civile contre le groupe Bolloré. Nous pouvons tenter de démontrer que cette structure de tête prend et met en œuvre les décisions qui portent atteinte aux victimes, même si son organigramme laisse penser qu’elle ne joue qu’un rôle lointain dans l’affaire. Je relance plusieurs fois les avocats londoniens. Jusqu’au jour où ils m’apprennent que la FIDH juge très prématurée une démarche judiciaire et qu’elle n’est donc pas à l’ordre du jour dans l’immédiat. Drôle de revirement. Mon premier réflexe est de penser que l’ONG française a finalement préféré confier le dossier à un avocat de son réseau. Mais une autre hypothèse me traverse l’esprit. La médiation entre les Bunongs et Socfin est toujours en cours. Les ONG françaises n’ont pas montré jusque-là une volonté farouche de saisir les tribunaux contre les multinationales et d’importer chez nous les pratiques de leurs homologues anglo-saxons… J’en viens à penser que leur refus tient peut-être plutôt à une divergence stratégique. Or, si les Bunongs eux-mêmes ne se satisfont plus de la médiation, j’estime que c’est à eux de décider s’ils souhaitent ou non engager une action.

Un mois plus tard, des contacts communs me mettent en relation avec Samin Ngach, le jeune responsable de l’ONG cambodgienne de défense des populations indigènes. Samin me confirme que les agriculteurs sont nombreux à envisager une action en justice. C’est un garçon sympathique, mais des plus prudents. À raison. Rien ne lui prouve que je ne suis pas envoyé par la partie adverse. La confiance ne s’installe qu’au fil de nos appels. Pour achever de me tester, Samin et l’un de ses collègues finissent par me proposer de les rejoindre à Phnom Penh. Je fais mes valises et décolle pour le Cambodge. Rendez-vous est donné le lendemain de mon arrivée, à l’heure du petit déjeuner. Les deux jeunes hommes me retrouvent à mon hôtel et nous discutons à nouveau des grandes lignes du dossier. Je commence à gagner pour de bon leur confiance. Au point que Samin et son confrère me proposent de partir pour Bousra sur-le-champ. Un troisième homme vient nous chercher en voiture. Nous voilà partis pour dix heures de route.

Notre chauffeur nous dépose en fin de journée à la lisière d’une forêt, à deux pas des plantations. Nous sommes conviés à une réunion au cœur de la jungle. Une estrade de bois plantée au milieu des arbres sert d’agora aux Bunongs. Je leur explique, avec Samin comme traducteur, qu’une action me semble possible contre Socfin, mais surtout contre Bolloré, qui m’apparaît comme le véritable détenteur du pouvoir au sein de Socfin-KCD. Le procès doit avoir lieu en France. S’ils souhaitent s’engager, je dois recevoir de leur part un mandat. C’est alors qu’un jeune homme prend la parole. Dans un anglais courant, il explique que ma proposition lui semble contre-productive. Il revient d’un voyage en France, assure-t-il, au cours duquel il aurait rencontré « Vincent ». Il se dit désormais convaincu que seule la médiation permettra à son peuple de retrouver au moins en partie ses terres. Je suis scotché. Jusqu’à présent, aucun de mes interlocuteurs n’avait évoqué le groupe Bolloré, a fortiori le prénom de son PDG. Le seul adversaire identifié par eux était la Socfin. Or, m’apprend Samin, le jeune homme n’est autre que le correspondant local de la FIDH… Son intervention sème le trouble dans l’assistance. Personne parmi les paysans ne semble au courant de l’escapade récente du jeune homme en France. Les représentants de la communauté me congédient aussitôt pour délibérer.

Samin et moi retournons à l’auberge où nous avons posé nos bagages en attendant l’issue des débats. Un coup de fil des autres Bunongs nous arrive vers 22 heures : les échanges s’interrompent pour la nuit, mais reprendront le lendemain. La matinée passe, puis l’après-midi. Mon avion décolle le lendemain soir et je dois reprendre la route à l’aube pour rallier Phnom Penh à temps. Samin rappelle les membres du conseil. Le Yalta s’intensifie… Jusqu’à ce que, tard dans la nuit, les Bunongs tranchent en faveur d’une action en justice. Pour m’occuper, j’avais passé une partie de la journée au cybercafé du village, à préparer des formulaires de mandat écrits au cas où leur décision serait positive. Mon cabinet m’avait envoyé le document que Samin a traduit en khmer et nous l’avons imprimé en une cinquantaine d’exemplaires. Rendez-vous est donné à l’aube pour les remettre aux agriculteurs. Le jour se lève à peine, mais des vélos et des mobylettes s’alignent déjà le long du chemin qui mène à l’estrade. Les paysans ont fait le déplacement par dizaines. Je repars pour Paris le soir même, mais reviendrai à plusieurs reprises pour rencontrer de nouveaux Bunongs partants pour nous rejoindre. C’est ainsi qu’à partir de juillet 2015, 77 d’entre eux assignent la société Bolloré devant le tribunal de grande instance de Nanterre pour l’accaparement de leurs terres.

Sans cadastre ni papiers

De Paris à Phnom Penh, une énorme bataille s’ouvre pour nous. Il nous faut d’abord établir précisément le secteur accaparé par Socfin-KCD pour le convertir en champs d’hévéas. Puis rassembler des pièces pour attester que les agriculteurs y possédaient bien des parcelles, qu’ils cultivaient depuis des générations. C’est un problème pour plusieurs raisons.

Les Bunongs ne connaissent pas la notion de propriété foncière privée et individualisée. Elle est chez eux collective. Les autorités khmères elles-mêmes manquent d’informations sur la zone. Si des documents cadastraux ont existé du temps de la colonisation française, ils ont disparu sous les Khmers rouges. Nous sommes privés de preuves telles qu’on les entend dans nos systèmes judiciaires occidentaux, c’est à dire d’éléments permettant de démontrer que chaque victime a été personnellement lésée. Il nous faut recueillir de nombreux témoignages, dont les déclarations de chefs coutumiers. Un homme joue un rôle déterminant pendant toute cette affaire : l’avocat cambodgien Sophorn Sek. Basé à Phnom Penh, spécialiste des droits de l’homme et de la défense des populations indigènes, les Bunongs le considèrent comme leur avocat. Il m’emmène dans le Bousra dès mon deuxième voyage et adhère sans hésitation à ma démarche. Sans lui, les choses auraient été bien différentes. La confiance qu’il m’a accordée a été décisive pour gagner celle des agriculteurs.

La seconde difficulté qui se pose à nous tient aux pièces d’identité des victimes. Certaines n’en ont pas quand ils me donnent mandat. Ils en font la demande, les obtiennent, mais leurs papiers sont rédigés phonétiquement en khmer à partir du bunong, d’où des versions contradictoires dans les retranscriptions. Autant de problèmes inédits qu’il me faut apprendre à résoudre. Pendant ce temps-là, nos adversaires s’en donnent à cœur joie pour exploiter ces obstacles et retarder la procédure. Plus elle s’éternise, plus le camp des multinationales a du temps pour convaincre les Bunongs de faire machine arrière. Pendant que nous récupérons les documents qui montrent le préjudice de chacune des victimes, il recrute des avocats cambodgiens chargés de les convaincre de renoncer. Certaines se retirent du dossier, mais d’autres au contraire le rejoignent. À l’arrivée, les Bunongs n’en sont que plus nombreux à apposer leur nom sur la plainte.

L’intrigant locataire de la tour Bolloré

Sur le strict terrain du droit aussi, nous explorons une forêt vierge. La bataille des Bunongs est la première intentée en France contre la société mère d’un groupe pour des faits imputés à une structure placée sous sa domination. Bolloré se défend bien sûr d’avoir quoi que ce soit à voir avec notre affaire. Il affirme ne posséder qu’une minorité du capital de Socfin, la société présente dans les plantations d’hévéa via le joint-venture Socfin-KCD. Il ne détient en effet que 38,7 % de son capital, ce qui fait de lui son actionnaire principal, mais non majoritaire.

Mais cet argument ne suffit pas à l’exonérer de toute responsabilité. Il est d’ailleurs mis à mal par l’OCDE[2]. Cette organisation internationale possède en effet une instance de conciliation, baptisée « Point de contact » et des victimes de Socfin en Afrique l’ont saisie de leur cas. Elles s’estiment lésées par Socapalm, une de ses filiales, dans l’accaparement de terres au profit de la production d’huile de palme. Or, Point de contact a reconnu que Bolloré possédait bien une influence prépondérante dans l’organisation des activités de Socfin. Pourquoi en serait-il autrement en Asie du Sud-Est ? Nous voulons démontrer que la responsabilité du groupe n’est pas liée au nombre de parts qu’il détient dans la filiale à laquelle est imputée une mauvaise conduite. Elle se loge plutôt dans les tuyaux de décisions informelles qui lui permettent, depuis Paris, de gérer au quotidien, à des milliers de kilomètres de distance, les activités d’une autre société. Dans un autre dossier, la Haute Cour de justice britannique a également rendu une décision en ce sens. C’est un énorme progrès, car sa jurisprudence était jusque-là moins tranchée.

Pendant des mois, j’accumule donc les preuves de l’ingérence des structures que nous mettons en cause jusque dans les champs d’hévéa. Les organigrammes sont à eux seuls révélateurs. Vincent Bolloré, patron de la société et du groupe du même nom, siège ainsi au conseil d’administration de Socfin-KCD. Tout comme Hubert Fabri, un homme d’affaires belge qui n’est autre que le président du conseil de surveillance et numéro deux du groupe Bolloré. Une telle attention de leur part est tout à fait exceptionnelle quand on connaît l’ampleur de la nébuleuse Bolloré ! Difficile de croire que Socfin-KCD ne soit qu’une filiale comme une autre de la gigantesque maison. C’est aussi le groupe Bolloré qui préside, depuis son siège parisien, à la médiation engagée avec les victimes des activités de plantation, en Asie du Sud-Est comme en Afrique.

Mais un autre document va s’avérer déterminant. Je le reçois dans ma boîte mail. Une source que je ne connaissais pas me l’avait promis un peu plus tôt par téléphone. Ces quelques pages de texte consignent noir sur blanc tout ce que j’avançais jusque-là sur le fil invisible qui relie Bolloré aux plantations. Il s’agit d’un banal procès-verbal de l’assemblée générale d’une société dont le nom n’était jamais apparu dans le dossier : Terres rouges consultant.

À l’époque de l’accaparement du territoire bunong, cette entreprise occupait des bureaux dans la tour Bolloré, son quartier général au cœur du quartier d’affaires de La Défense. Son créneau ? L’agro-industrie dans les pays en développement. Son objet social ? Gérer les champs d’hévéas dans le Mondulkiri, via Socfin-KCD. Cette fois encore, ses responsables et ceux des sociétés Bolloré se confondent : les deux principaux dirigeants de Bolloré SA sont aussi administrateurs de Terres rouges consultant. Cette dernière et Socfin-KCD partagent le même président.

Terres rouges consultant a été liquidée en 2012, mais c’est la période comprise entre 2008 et 2012 qui nous intéresse. Bolloré nous assure que cette société n’était qu’une filiale de Socfin. Mais tous ces indices me laissent penser que c’est l’entité par laquelle le groupe Bolloré, et en particulier Bolloré SA, ont exercé leur pouvoir de gestion dans les plantations depuis leur QG francilien. Que faisait-elle sinon dans la tour Bolloré ? Je demande aux avocats de nos adversaires de nous fournir son bail. Nous l’attendons toujours. Si Terres rouges consultant ne payait aucun loyer, ou un montant dérisoire, nous aurons du mal à croire qu’elle était plus qu’une succursale soumise au pouvoir du groupe. Et à quel étage était-elle installée ? Comment distinguait-on ses activités de celles de Bolloré ? Avait-elle assez de salariés pour assurer à elle seule, depuis Paris, la gestion des champs d’hévéas ?

Pour que la vérité éclate, il nous faut une fois de plus pénétrer dans les coulisses d’une multinationale. Et pour cela, mettre la main sur tous les documents qui permettent de comprendre quels liens unissaient Terres rouges consultant et Bolloré. La décision est à nouveau entre les mains du juge. Nous lui avons demandé d’ordonner à nos adversaires de nous transmettre le bail de Terres rouges consultant, ses registres du personnel, la liste de ses dirigeants, leurs contrats de travail ou encore leurs mandats dans les autres entités du groupe.

Le procès aurait dû s’ouvrir en février 2019, mais un nouvel obstacle est venu entraver la lutte des Bunongs pour obtenir justice. 9 d’entre eux avaient prévu de faire le voyage jusqu’en France pour assister à l’audience. Depuis le Cambodge, l’avocat Sophorn Sek s’était démené pour préparer leur venue financée par deux ONG. Leur billet d’avion aller-retour était réservé, quand le consulat français de Phnom Penh a décidé de refuser leurs visas au motif officiel qu’ils ne justifiaient pas de ressources assez élevées. Leur séjour ne devait pourtant pas durer plus de quelques jours… Il n’était pas envisageable que les Bunongs ne puissent se rendre à leur propre procès. Nous avons donc demandé le renvoi dans l’attente qu’ils soient autorisés à nous rejoindre. Ce que le juge a accepté, en dépit de l’opposition farouche de Bolloré et de ses avocats, qui n’avaient qu’une envie : que l’audience se tienne en l’absence des victimes. Au nom du droit à un procès équitable, personne, et encore moins l’État, ne peut priver des plaignants de participer à l’audience. Le tribunal a parfaitement joué son rôle de gardien des libertés individuelles. C’est une première victoire dans un combat qui s’annonce long et dont les enjeux sont considérables. Quelques mois plus tard, la bataille s’est en effet ouverte sur un nouveau théâtre. Des paysans camerounais, mobilisés depuis près d’une décennie contre Bolloré et les conséquences dramatiques de l’exploitation de l’huile de palme en Afrique, m’ont aussi contacté. Plusieurs dizaines d’entre eux m’ont donné mandat et ont désormais rejoint la procédure judiciaire lancée par les Cambodgiens.

[1.] « Terrains défrichés, droits piétinés », FIDH, 6 octobre 2011.
[2.] L’Organisation de coopération et de développement économiques
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