L’engouement des fonds d’investissement pour l’agriculture et l’agroalimentaire

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Commodafrica | 15 février 2022

L’engouement des fonds d’investissement pour l’agriculture et l’agroalimentaire

« Au cours des deux dernières décennies, le secteur de l'alimentation et de l'agriculture est devenu une classe d'actifs dominante pour les investisseurs institutionnels » observe Roberto Viton, directeur général de Valoral Advisors, auteur du chapitre « Investment funds in the food and agriculture sector : a fertile ground of investors » dans le Déméter 2022*.

Fort est de constater que ces vingt dernières années, l’intérêt a été croissant. Aujourd’hui, on compte 730 fonds d’investissement spécialisés dans le secteur de l’alimentation et l’agriculture, qui gèrent plus de $120 milliards, contre seulement environ 50 fonds en 2005. En termes de montants investis,  on observe aussi une montée en puissance, passant de $4,2 milliards par an entre 2005 et 2010 à $7 milliards entre 2011 et 2015 et $9,7 milliards entre 2016 et 2020. En dépit de cette croissance, cela représente moins de 2% des portefeuilles globaux des fonds. A côté de ses fonds spécialisés, sont aussi présents  de grands fonds d’investissement, comme Blackrock,   des fonds souverains ou des fonds de pensions où les sommes en jeu sont importantes.

Les actifs sous gestion des fonds spécialisés sont surtout présents dans le private equity (37%), les terres agricoles (33%) et le capital risque (8%).

Géographiquement, l’Amérique du Nord attire toujours la majorité des fonds d’investissement représentant 55% de l’ensemble des actifs sous gestion. Se placent ensuite l’Europe, le plus grand marché mondial de la consommation alimentaire,  avec 10%, puis l’Amérique du sud (9%), l’Océanie (5%) et l’Asie-Pacifique (5%).

3% des actifs des fonds dirigés vers l'Afrique

Quant à l’Afrique, elle ne représente que  3%  des actifs sous gestion. Roberto Viton observe que les fonds sur le continent se concentrent principalement sur les stratégies de capital-investissement, notammment la distribution des intrants agricoles, le stockage, la transformation et la distribution des aliments. Des fonds de dette privée sont aussi présents pour du financement à court terme et quelques fonds fonciers agricoles principalement axés sur la production de fruits en Afrique du Sud.

L’accélération des fonds dans l’agriculture et l’agro-industrie, fait bouger les lignes, estime Sébastien Abis, qui codirige  avec Matthieu Brun, le Demeter 2022.   « Ces fonds ne font pas que  juste investir quelques pourcentages dans des sociétés  dédiées, ils créent leurs propres fonds agricoles ou agroalimentaires pour verticaliser leur investissement et ainsi maîtriser de A à Z l’investissement de la production  jusqu’au consommateur. En fait ce sont aussi des transitions sur ces opérateurs que l’on constate ».

Des transitions qui seront aussi portées par les grands défis du secteur comme le changement climatique, l’environnement, la sécurité alimentaire et la nutrition, etc.   Les fonds d’investissements recherchent d’ailleurs de plus en plus, au delà des rendements, à avoir un impact sur la durabilité et la préservation de la planète. Toutefois, souligne Roberto Vitón, le chemin est encore long, mais devrait grandir dans les années à venir, moins de 20% des fonds alimentaires, agricoles et forestiers suivis peuvent être qualifiés de fonds d’impact.

Le capital au service de l’autosuffisance alimentaire à Singapour

L’exemple de Singapour, une cité-Etat dépourvue de ressources naturelles et pourtant acteur majeur dans le commerce mondial des produits agricoles, est illustratif de la puissance du capital, et in fine des fonds d’investissement. A ce titre, Jean-Yves Chow et Mathieu Brun dans le chapitre  du Déméter 2022, « Singapour : les rêves d’autosuffisance alimentaire du dragon asiatique »,  montrent comment cette « minuscule petite île », a réussi grâce à ses capitaux à attirer les grandes sociétés de négoces - les ABCD – mais aussi les sogo shosha du Japon.  En parallèle, elle a aussi créé deux fonds souverains Temasek et Government Investment Corporation (GIC) où l’agroalimentaire est stratégique. Au fil des années, ils ont réalisé des investissements dans l’agriculture et l’agro-industrie allant de la production à la transformation en passant par  la santé animale,  au service de l’autosuffisance alimentaire de l’île.

Ainsi, note les auteurs, Temasek gère un portefeuille de plus de 40 entreprises, et non des moindres à l’image du chinois Cofco ou du singapourien Olam, très présent en Afrique, du français Boortmalt ou encore Bayer ou Ceva Santé animale. « Au total, les investissements dans les sciences de la vie et l’agroalimentaire représentaient 10% du portefeuille de 244 milliards de dollars de Temasek en mars 2021, contre 4% en 2017 » observent les auteurs.

* Le Déméter 2022 : Alimentation : les nouvelles frontières, Club Demeter et Iris, p. 404.
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