Les terres agricoles sont-elles la proie d’investisseurs et de spéculateurs?

Le fermier Marcus Collinson, de la région de London, a vendu ses quatre propriétés agricoles à l'investisseur institutionnel Bonnefield. Photo : Radio-Canada / Colin Butler
Radio-Canada | 3 juin 2024

Les terres agricoles sont-elles la proie d’investisseurs et de spéculateurs?

Certains observateurs craignent la formation d'une bulle immobilière en agriculture.

Le fermier Marcus Collinson éclate de rire lorsqu'on lui demande si de jeunes agriculteurs voulaient acheter ses terres agricoles dans la région de London, dans le Sud-Ouest de l'Ontario? « Aucun jeune ne peut s'acheter une terre de nos jours », répond l'homme de 64 ans.

M. Collinson a plutôt vendu ses quatre propriétés en 2020 à la compagnie torontoise Bonnefield, la plus importante firme d'investissement immobilier en agriculture au pays, de qui il loue depuis les terres et sa maison.

Bonnefield possède près de 57 000 hectares de terres agricoles dans sept provinces, des actifs d'une valeur totalisant 1,4 milliard de dollars, selon le site web de l'entreprise. La compagnie a 464 fermes en Ontario.

    Tous les agriculteurs veulent être propriétaires de leur ferme, mais ce n'est pas tout le monde qui en a les moyens.
    - Marcus Collinson, fermier ontarien


Hausse de 60 % de la valeur des terres

Ryan Parker, évaluateur immobilier agricole avec la firme Valco, raconte que la valeur des propriétés agricoles dans les 11 comtés du Sud-Ouest de l'Ontario qu'il surveille a augmenté en moyenne de 60 % de 2020 à 2023, pour atteindre environ 14 000 $ par hectare.

    C'est extrêmement difficile pour les petits joueurs et les nouveaux producteurs de pouvoir acheter des terres de nos jours.
    - Ryan Parker, consultant, Valco


Nombre de fermiers, désirant prendre leur retraite ou à la recherche de capitaux, vendent leurs terres à des investisseurs institutionnels comme Bonnefield, parce qu'ils sont ceux qui leur offrent le meilleur prix, explique M. Parker. Aux yeux de ces investisseurs, les propriétés agricoles constituent un investissement stable.

Les grandes familles agricoles demeurent les plus grands joueurs au pays, mais les investisseurs institutionnels et les spéculateurs gagnent du terrain, raconte le professeur de sociologie André Magnan, de l'Université de Regina.

    Ce modèle de financement différent pose un risque de consolidation accélérée en agriculture.
    - André Magnan, expert en agriculture


En d'autres mots, de moins en moins de petites fermes, qui sont avalées par de grands exploitants, dit-il.

Le professeur Magnan craint que la hausse marquée du prix des propriétés agricoles ne mène à une correction, ce qui pourrait être particulièrement difficile pour les petits propriétaires agricoles. Nous ne voulons pas d'une bulle spéculative en agriculture, lance-t-il.

Bonnefield se défend

Tom Eisenhauer, PDG de Bonnefield, reconnaît qu'il y a des inquiétudes, mais il assure que l'objectif de la compagnie est de protéger les terres agricoles, pas de faire de la spéculation immobilière.

Il ajoute que la compagnie permet aux fermiers qui louent ses terres d'y faire pousser ce qu'ils veulent, à condition qu'il s'agisse d'une culture durable et qu'ils puissent payer le loyer.

M. Eisenhauer s'insurge contre l'étalement urbain en Ontario. J'aimerais bien acheter toutes les terres agricoles dans le Grand Toronto et les protéger pour toujours, mais nous n'avons pas les moyens, à cause de la spéculation [qui fait grimper les prix], dit-il.

En fait, la compagnie achète aussi des propriétés dans la région de New Liskeard, plus au nord, misant sur l'impact des changements climatiques. [Au Timiskaming], ils commencent à faire pousser des haricots et du maïs, et font même des tests avec les pommes de terre, parce que la saison de culture est en train de s'allonger, note-t-il.

D'après des renseignements fournis par Colin Butler, de CBC News
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