Jamais un mètre-carré de terre congolaise ne sera cédé (Denis Sassou-N’Guesso)

Les Echos du Congo-Brazzaville | 2 septembre 2024

À propos des terres agricoles accordées à des sociétés rwandaises : jamais un mètre-carré de terre congolaise ne sera cédé (Denis Sassou-N’Guesso)

À propos des terres agricoles accordées à des sociétés rwandaises, le Président de la République, Denis Sassou-N’Guesso a déclaré, dans une longue interview au Magazine Jeune Afrique, publiée dans l’édition spéciale n°3140 de septembre 2024 et recueillis par notre confrère français, Olivier Caslin, que « jamais il n’a été question de leur vendre des terres et jamais un mètre-carré de terre congolaise ne sera cédé. Je m’en porte garant. Toute cette agitation relève, en outre, d’une rwandophobie qui n’a pas lieu d’être».

Pour l’instant, nombre de vos compatriotes ont des préoccupations plus immédiates: ils se plaignent des retards dans le paiement de leurs salaires. Entendez-vous leurs doléances ?

J’ai toujours été à l’écoute des Congolais, et les frustrations que vous évoquez, je les comprends. Mais, il faut aussi comprendre que ces difficultés sont liées à une conjoncture précise. Nous avons connu trois chocs successifs en l’espace de dix ans: la chute brutale des prix du pétrole; la pandémie de covid-19 et la baisse de la production des hydrocarbures. Il nous a fallu faire beaucoup d’efforts, engager des réformes hardies, qui se poursuivent au niveau national et travailler à la modernisation de nos services financiers, pour que la situation commence à se redresser. Aujourd’hui, les prix du pétrole sont de nouveau corrects, la production est en hausse, et la cinquième revue du F.m.i, qui vient de se clore de manière satisfaisante, nous offre la possibilité de négocier en bien meilleure posture avec nos partenaires. Autant d’éléments qui favorisent une relance de notre Plan national de développement 2022-2026 et de ses six piliers prioritaires.

Les Congolais s’interrogent également à propos des terres agricoles accordées à des sociétés rwandaises. Comprenez-vous, là aussi, leur inquiétude ?

Il y a, dans cette affaire, une bonne dose de manipulation politicienne. Depuis plus de quinze ans, des Sud-Africains, Noirs et Blancs, bénéficient de terres dans le Département de la Bouenza sur lesquelles ils cultivent du maïs. Que je sache, ils n’ont pas emporté les terres congolaises en Afrique du Sud. Récemment, des sociétés ivoiriennes et sénégalaises ont soumissionné pour des projets d’exploitation à une centaine de kilomètres de Brazzaville. Des Émiratis, des Saoudiens, des Qataris sont eux aussi demandeurs. À chaque fois, il s’agit -ou il s’agira- de terres louées pour une période déterminée et pour une mission précise, à l’instar des permis d’exploitation forestière que nous accordons. La main-d’œuvre est locale, ce qui est une source de revenus pour les populations. C’est exactement ce schéma qui prévaut avec le Rwanda: ce sont des sociétés d’intérêt rwandais, mais de droit congolais. Jamais il n’a été question de leur vendre des terres et jamais un mètre-carré de terre congolaise ne sera cédé. Je m’en porte garant. Toute cette agitation relève, en outre, d’une rwandophobie qui n’a pas lieu d’être.

Autre casse-tête persistant: les coupures d’électricité, qui perturbent le quotidien des Congolais. Pourquoi ce secteur, pourtant crucial, semble-t-il aussi mal-en-point ?

Ce n’est pas un phénomène propre au Congo. Comme vous le savez, plus de 600 millions d’Africains n’ont pas accès à l’électricité. À l’indépendance, nous n’avions qu’un seul barrage hydroélectrique à faible puissance, celui du Djoué, ainsi que deux centrales thermiques, l’une à Brazzaville, l’autre à Pointe-Noire. Aujourd’hui, nous disposons d’infrastructures plus performantes: les barrages de Moukoukoulou, d’Imboulou et de Liouesso, une centrale à gaz à Pointe-Noire et d’ambitieux projets de construction d’ouvrages à Sounda et à Chollet. Le problème réside donc davantage dans la distribution que dans la production. La ligne à très haute tension Pointe-Noire – Brazzaville devra être quasi intégralement réhabilitée. Il faut également prendre en compte les incidents récurrents sur les postes ainsi que l’interconnexion parfois difficile entre Brazzaville et Kinshasa. Il est clair que le développement des infrastructures de transport et de distribution d’électricité n’a pas suivi la hausse de la demande, en particulier dans les quartiers périphériques des grandes agglomérations. Nous nous y attelons.

Ne pas avoir su anticiper le vieillissement du réseau ne relève-t-il pas d’un déficit de gouvernance ?

Sans doute. Et c’est la raison pour laquelle nous avons fait évoluer le statut de la Société nationale d’électricité qui, pour plus d’efficacité, est devenue une société anonyme. Nous nous sommes également engagés dans un processus de privatisation de certains segments de ce secteur, par le biais de partenariats public-privé. Ma volonté de voir l’ensemble de ce chantier aboutir au terme de mon quinquennat, en 2026, n’a pas varié.

Vous avez décrété que 2024 serait l’année de la jeunesse. Les résultats sont-ils déjà au rendez-vous ?

Je le crois. À condition de garder à l’esprit que tous les problèmes de la jeunesse congolaise ne seront pas résolus en un an. Emploi, éducation, encadrement… Des programmes ambitieux, élaborés à cet effet par le gouvernement, sont en cours d’exécution. Plus de la moitié des Congolais ont moins de 20 ans. Il était temps que cela soit perçu comme un enjeu crucial pour notre Nation.

D’autant qu’une fraction de cette jeunesse sombre parfois dans la délinquance. Et que les agissements violents des bandes de «bébés noirs» inquiètent les habitants de Brazzaville et de Pointe-Noire…

À juste titre, même si, là encore, le Congo n’a pas l’exclusivité de la délinquance juvénile. Certes, ces jeunes ne sont pas tous Congolais. Les crises régionales, en RD Congo, en Centrafrique ou ailleurs, amènent chez nous leur lot de déracinés tentés par une délinquance de survie. Mais, beaucoup d’entre eux sont nos jeunes, nos enfants. Ainsi avons-nous conçu une stratégie de prévention et de traitement de la délinquance juvénile et engagé tout un programme d’éducation et d’encadrement. Des sites de rééducation et de réinsertion des jeunes en conflit avec la loi ont été aménagés à Aubeville, dans la Bouenza, et à Bokagna, dans la Cuvette. La périphérie de Brazzaville, où sévissent certaines de ces bandes, a été assainie par les forces de l’ordre. Nous prenons ce phénomène très au sérieux.

Propos sélectionnés par Jean-Jacques Jarele SIKA

Intégralité de l’interview dans Jeune Afrique



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