Razzia sur les terres agricoles de la planète

La crainte de manquer de céréales incite des pays comme la Chine et l'Inde à acheter des terres hors de leurs frontières. Reportage au Kenya (photo) où un village a été rasé, acquis par une société pour créer une plantation. Photo : Patrice Moyon

Ouest France| lundi 13 septembre 2010

Les meilleures terres cultivables du monde changent de mains. Un marché très spéculatif. La Banque mondiale tire la sonnette d'alarme et propose un code de bonne conduite.

Repères

Le marché s'emballe. Comme l'eau, l'accès à la terre pourrait bien demain être à l'origine de conflits armés. Dans un rapport, publié mercredi, la Banque mondiale s'inquiète de l'appétit grandissant des financiers pour ce secteur. On est passé de « 4 millions d'hectares en 2008 (achetés) à 45 millions d'hectares avant même la fin de l'année 2009 ».

« Sur fond de volatilité accrue des prix agroalimentaires, les acquisitions de terre sont une réalité croissante, mettant en évidence le besoin de démarches concertées pour le bénéfice de toutes les parties », observe Ngozi Okonjo-Iweala, directrice à la Banque mondiale. Des chiffres à manier cependant avec précaution. « Des projets annoncés n'ont pas vu le jour. D'autres existent et n'ont pas fait l'objet de communication », remarque, à Montpellier, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement.

Pressions politiques. La publication du rapport de la Banque mondiale a été différée plusieurs fois. « Il y a eu très probablement des pressions politiques fortes », analyse Henk Hobbelink, pour l'association Grain. Cette ONG, basée à Barcelone, piste l'achat des terres agricoles dans le monde. Dénonce les dérives spéculatives. Et demande l'adoption de mesures contraignantes au plan international.

La peur de l'assiette vide. Coup d'oeil dans le rétro politique. C'est en 2007-2008 que les pays les plus riches ont pris conscience de leur vulnérabilité. Face à l'envolée du prix des céréales, un certain nombre de pays exportateurs ont fermé le robinet de leurs exportations. La Chine, qui ne dispose pas de suffisamment de terres agricoles, le Japon, les pays du Golfe ont décidé de garantir leurs approvisionnements en prenant le contrôle d'immenses domaines. L'Éthiopie, le Mozambique, le Soudan ont déjà cédé plusieurs millions d'hectares. Globalement dans le monde, 40 % de ces projets sont destinés à de la production de nourriture et 35 % à la fabrication de biocarburants.

Un code de bonne conduite. Peut-on moraliser ce marché ? La Banque mondiale propose un code de bonne conduite garantissant le respect des populations locales et la préservation des ressources naturelles... C'est la démarche suivie, par exemple en Ukraine, par le groupe français Agrogénération. Mais la Banque mondiale est elle-même épinglée par le Oakland Institute (Californie), qui l'accuse d'avoir, via son bras armé financier, International Finance Corporation, contribué à l'emballement de ce marché en soutenant des projets d'achats de terres.

Sur le Vieux continent, l'université de Nantes est en pointe sur le droit de l'alimentation avec le programme Lascaux. Le pr François Collart Dutilleul y coordonne, avec son équipe, les travaux de 130 chercheurs du monde entier. « C'est une réalité, il faut trouver des solutions juridiques », observe le juriste.

Objectif : contribuer notamment, dans le cadre des achats de terres, à la mise en place de contrats transparents, respectant le droit des populations locales.

Patrice MOYON et Thierry BALLU.

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