Spoliation des terres des paysans africains : La faim justifie les moyens

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(Source : GRET)

Walf Fadjri | 01.02.2011

(Correspondance) - A l’occasion de la foire aux semences organisée à Fandène, une communauté rurale du département de Thiès, les organisations paysannes se sont penchées sur la question relative à l’accaparement des terres et, par voie de conséquence, l’avenir de l’agriculture familiale. Un nouveau phénomène qui est survenu, selon Sidy Bâ d’Enda Pronat, avec la crise alimentaire mondiale de 2008. C’est à partir de cette date, dit-il, que de grands pays, sur orientation de la Banque mondiale, se sont dit qu’il faut aller vers l’Afrique où il y a encore de grands espaces incultes qu’ils peuvent valoriser pour pouvoir produire plus afin d’arriver à nourrir l’Humanité. C’est ainsi qu’on a commencé à assister à une ruée vers l’Afrique. Ainsi s’explique, selon lui, la visée que les Saoudiens ont sur la vallée du fleuve Sénégal afin de produire beaucoup de riz pour leur pays. S’y ajoute, poursuit-il, depuis l’avènement de la Goana, la ruée de grands cadres de l’Etat qui n’ont jamais connu l’agriculture qui viennent disputer les terres aux producteurs. La conséquence en étant qu’avec les moyens dont ils disposent, les agriculteurs se verront très bientôt spoliés de leurs terres.

Or, un paysan sans terre est un homme dont la mort est imminente. Quid de la spéculation foncière qui permet à de gros pontes de l’Etat d’accaparer les terres pour simplement transformer les paysans en ouvriers agricoles sur leurs propres terres ? Tout un ensemble de difficultés, entre autres, autour desquelles les organisations paysannes et leurs partenaires de la société civile ont eu à discuter afin de trouver des solutions idoines et aptes à protéger le monde paysan sénégalais. Ce, sous l’égide de la Coalition pour la protection du patrimoine génétique en Afrique (Copagen) qui vient encore de sonner l’alerte face aux dangers qui menacent les exploitations agricoles familiales. Une rencontre paysanne qui a regroupé, pendant une journée, des délégations d’organisations paysannes spécialistes en production de semences comme l’Union des groupements paysans de Mékhé, l’Entente de Diouloulou, entre autres, autour de la problématique de l’introduction des Ogm et de l’accaparement des terres arables du Sénégal au détriment du monde paysan.

L’introduction des Organismes génétiquement modifiés (Ogm) dans l’agriculture sénégalaise, si l’on n’y prend garde, sera, de l’avis de Sidy Bâ d’Enda Pronat et membre de la Copagen, préjudiciable aux cultivateurs qui se verront ainsi réduits à des paysans sans terre dans un état de dépendance quasi-totale. ‘L’utilisation des Ogm dans notre agriculture est de nature à briser l’élan que les organisations paysannes et la société civile ont pour la préservation et la conservation des semences que nous avions et que nous cultivions depuis la nuit des temps et qui nous donnent entière satisfaction du point de vue rendement, goût et qualité’.

Or, poursuit-il, avec les tonnes de semences qu’on est en train de placer au niveau paysan dans le cadre des grandes offensives, il y a beaucoup de choses à dire et à craindre. Surtout quand on sait que les grandes firmes agricoles spécialisées dans les semences génétiquement modifiées sont très puissantes. Pour dire, selon lui, toute la vigilance qui doit être de mise pour la sauvegarde du patrimoine génétique semencier. Car si on laisse les multinationales faire, c’est toute notre vie, toute notre souveraineté et la vie des générations futures que l’on met en jeu. ‘S’il faut en arriver à se référer aux Etats-Unis, à l’Argentine pour acheter des semences, c’est simplement des difficultés énormes en perspective pour l’agriculture sénégalaise’, dit-il. De façon plus explicite, Sidy Bâ fera savoir qu’avec ces semences génétiquement modifiées, il faut de gros moyens pour la mise en valeur qui nécessite beaucoup d’engrais, de pesticides. Des intrants que ces multinationales produisent en grandes quantités et dont ils veulent, par le biais des Ogm, créer des marchés où l’écouler. Pis, poursuit Sidy Bâ, la mise en valeur de ces semences va exiger l’utilisation de très grandes quantités d’eau.

Beaucoup plus que le Sénégal. Une sérieuse difficulté donc en perspective si l’on sait que le 21ème siècle est annoncé comme celui du cycle de l’eau et des changements climatiques. Par conséquent, il estime que même s’il est malheureusement évident que les Ogm sont aujourd’hui présents dans nos plats par le biais du maïs importé, de l’huile de soja et même du riz, il urge de faire en sorte qu’ils ne le soient pas dans notre agriculture. Aussi invite-t-il les autorités étatiques à un respect scrupuleux de la loi sur la biosécurité dont l’Etat sénégalais s’est dotée.

Sidy DIENG

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