Libération | le 11.02.2011
“L'afrique est mal partie”. Plusieurs dizaines d'années se sont écoulées depuis que René Dumont a tiré l'alarme, à une époque où une grande partie du processus de décolonisation était achevé. Mais c'est une autre colonisation qui se déroule aujourd'hui, dans l'indifférence quasi générale : un accaparement à très grande échelle des ressources des pays pauvres, par les multinationales, les grands investisseurs privés et les pays riches.
Le Forum social mondial nous sort de cette indifférence : les mouvements citoyens réunis à Dakar sont venus dire non, en masse, à la privatisation des biens communs, à l'accaparement des terres, des forêts, des ressources fossiles... Au coeur d'un continent néocolonisé à la sauce marchande, acheté morceaux par morceaux, les peuples africains tirent la sonnette d'alarme. Au Forum, on ne compte plus les ateliers qui se tiennent sur l'accaparement des terres et des ressources naturelles. Pays par pays, des africains racontent comment à côté de chez eux tous les terrains sont progressivement achetés par des puissances étrangères, comment des ressources fossiles, à l'image de l'uranium au Niger, enrichit les grands actionnaires, appauvrit et tue les populations africaines et détruit de façon irréversible les écosystèmes.
Ici convergent les aspirations à l'indépendance des peuples, poursuivant le processus de décolonisation, et les luttes écologistes, qui se sont renforcées face à la destruction accélérée de la planète. Et par un jeu de coopération inversée, c'est ici que les mouvements du Sud portent un nouveau souffle dans l'opposition à la marchandisation tout azimut.
Il y a deux ans, le Forum social mondial au Brésil, qui se tenait au coeur de l'Amazonie, a été marqué par l'importance des luttes écologistes. Quelques mois après, le sommet de Copenhague devenait un grand rendez-vous du mouvement altermondialiste pour la justice climatique. Le Forum de Dakar précède quant à lui la conférence des Nations unies de Durban sur le réchauffement climatique et surtout, le sommet Rio +20, 20 ans après le “Sommet de la terre” : le sommet des peuples qui y sera organisé est d'ores et déjà une date clé qui ressort des débats du Forum. Espérons que comme le Forum de Belem avant Copenhague, celui de Dakar annonce une nouvelle convergence en vue de Rio +20, pour un mode de développement profondément repensé, où cesse la marchandisation des biens communs et l'accaparement des ressources.
Aurélie Trouvé, Attac
