L’accaparement des terres agricoles, une menace bien réelle

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El Correo | 8 avril 2012

L’accaparement des terres agricoles, une menace bien réelle

par Estelle Leroy-Debiasi
 
Phénomène mondial, l’accaparement des terres agricoles par des investisseurs étrangers est un sujet qui préoccupe de plus en plus les pays d’Amérique Latine soucieux de préserver leur souveraineté alimentaire. Crainte confirmée par une étude de GRAIN sur 66 pays et 35 millions d’hectares.

L’emprise de l’agro-business dans le monde, et la rapidité de son développement depuis les crises financières de 2008, aux dépens des producteurs locaux est bien réelle.

Une étude fort intéressante vient d’être publiée par GRAIN (voir Document joint) qui fournit des élément sur 416 exemples récents dans le monde d’accaparement à grande échelle par des investisseurs étrangers, destinées à la production de cultures alimentaires. L’étude prenant en compte les accords lancés après 2006 – qui n’ont pas été annulés- qui impliquent de vastes superficies. Si l’Afrique est bien la cible première de l’accaparement des terres, l’Amérique Latine est également visée.

En décembre dernier- après des mois de débats et d’intenses pressions -les députés Argentins ont voté une loi limitant la vente et le contrôle des terres entre les mains d’investisseurs étrangers à un seuil de 15% du territoire national, mais aussi des communes, départements et provinces. Un seuil de 30% est fixé à la détention de terres dans les mains de personnes physiques ou morales de même nationalité. Des strictes restrictions concernent les zones jouxtant les rivières et lacs. (voir El Correo). L’initiative vise à « préserver une ressource qui est stratégique et non renouvelable pour les argentins, sachant que l’acquisition ou la vente de terres rurales ne pourra être considéré comme un investissement. On comprend bien l’urgence et la nécessité d’un tel cadre législatif à la lecture des éléments fournis par l’étude de GRAIN.

Cette étude permet de mieux appréhender aussi qui sont ceux qui accaparent les terres. La majorité, sans surprise, appartient au secteur agroalimentaire, mais il ne faut sous estimer les sociétés financières et les fonds souverains qui représentent près d’un tiers des accords. « Et très souvent, les intérêts des sociétés se chevauchent. Nous voyons ainsi que Cargill, l’une des plus grandes entreprises mondiales d’agrobusiness, a acquis des centaines de milliers d’hectares de terres agricoles par le biais de son fonds de couverture, Black River Asset Management » commente t-on chez GRAIN.

Les investisseurs basés en Europe et en Asie sont responsables d’environ les deux tiers des cas d’accaparement des terres inclus dans le tableau. Avec en tête la Chine et l’Inde. Le Royaume-Uni – aussi comme paradis fiscal abritant les sociétés qui achètent les terres- . Sans oublier Etats-Unis -quelque 40 cas d’accaparement, et les Émirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite à eux deux 39 cas.

Ainsi, en Argentine outre le méga projet chinois qui portait sur 320 000 ha et qui a été suspendu (El Correo), on peut citer notamment les 12 000 ha acquis par l’entrepise Almarai, émanation des pays du Golfe, ou les 17 000 ha par Olam International, émanation d’une entreprise indienne basée à Singapour en vue de la culture de maïs et de soja ; des sociétés françaises sont aussi répertoriées cette étude, dont Calyx Agro, émanation de Louis Dreyfus Commodities pour quelque 6000 ha ou Campos Orientales, qui aurait acquis 19 000 ha, géré par le fond Pergam Finance.

Le projet de loi argentin s’inscrit dans une démarche régionale : car c’est une réponse que font actuellement plusieurs pays voisins, à la fièvre spéculative qui s’empare des terres dans un contexte de crise.

La Bolivie aussi est aussi selon l’étude de GRAIN une cible, où la Chine notamment à travers le groupe Penxin a investi plus de 12 500ha ; au Brésil, par exemple, Louis Dreyfus possède quelque 320 000 ha en cannes à sucre, alors qu’une société indienne en a acheté 133 000 ; au Pérou, plus de 72 000 ha ont été acquis par la Corée du sud sur des zones appartenant normalement aux communautés amazoniennes.

L’accaparement sous forme d’achats ou de locations à grande échelle de terres par des investisseurs étrangers, présente, outre une menace pour la souveraineté alimentaire, le danger de modifier l’écosystème en introduisant de nouvelles cultures, ce qui est une autre forme d’atteinte à la souveraineté compte tenu des surfaces concernées.

Estelle Leroy-Debiasi pour El Correo, le 8 avril 2012

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