Huile de palme : la “taxe Nutella“ va-t-elle ressortir du pot ?

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De nombreux produits de consommation courante, dont certaines pâtes à tartiner contiennent de l'huile de palme, que les sénateurs écologistes comptent bien voir taxés davantage. (Photo Reuters)
La Tribune | 02/09/2013

Huile de palme : la “taxe Nutella“ va-t-elle ressortir du pot ?

Marina Torre

Le groupe écologiste au Sénat compte défendre à nouveau l'idée d'une taxe sur l'huile de palme dans le cadre du projet de loi de finances de la sécurité sociale 2014. L'an dernier, cette proposition qui avait reçu le surnom de “taxe Nutella“, avait été particulièrement décriée. Au point d'être abandonnée.

"Taxe "Nutella", deuxième couche? Le groupe écologiste au Sénat compte bien revenir à la charge et proposer à nouveau une taxe sur l'huile de palme - surnommée l'an dernier "taxe Nutella", si la mesure ne figure pas déjà dans le projet qui lui sera soumis. Ce qui ne sera pas le cas si l'exécutif respecte la promesse de Jean-Marc Ayrault qui avait indiqué lors d'un déplacement en Malaisie fin juillet qu'il ne comptait pas taxer l'huile de palme.

"La taxation ne serait que justice"

Mais au Sénat, on ne désarme pas. Aline Archimbaud, sénatrice EELV de Seine-Saint-Denis et chef de file du groupe écologiste au palais du Luxembourg n'a pas renoncé à son idée et compte bien la défendre à nouveau lors des débats de l'automne sur le budget 2014. Les motifs d'une telle offensive ? Comme l'an dernier, ils sont de deux ordres: sanitaires et environnementaux. "Ce n'est pas un poison mais son utilisation massive, notamment dans les plats préparés, est dangereuse car elle est susceptible d'entraîner des maladies cardio-vasculaires", justifie la sénatrice. "La taxation ne serait que justice, l'huile de palme est la moins taxée en France", rappelle-t-elle en outre.

Les industriels veulent une huile "développement durable"

Second grief : les atteintes à l'environnement et aux droits des populations locales imputées à la production industrielle de l'huile de palme chez les principaux producteurs, en Malaisie et en Indonésie mais aussi dans certains pays d'Afrique. Or, un peu plus tôt dans la journée, ce mardi, les principaux industriels de l'agroalimentaire (dont Ferrero, Unilever, Nestlé etc.) annonçaient s'être réunis, dans le cadre d'une "Alliance française", pour que 100% des produits contenant de l'huile de palme respectent à partir de 2015, les normes définies par la "Table ronde pour une huile de palme durable" (RSPO). Cette dernière, qui rassemble les principaux acteurs mondiaux de la filière se réunit d'ailleurs à partir du 3 septembre en Allemagne, à Berlin.

Pour les industriels en France, le but de l'opération était, entre autres, d'apporter sa pierre" à un débat qui nous a paru peu objectif", explique Marc Toussaint, porte-parole de cette Alliance française, lequel rejette bien entendu l'idée d'une taxe. Même pour des motifs sanitaires qu'il juge "infondés" dans la mesure où "les acides gras contenus dans l'huile de palme" ne seraient "pas dangereux pour la santé", mais au contraire nécessaires, dans une moindre proportion.

Greenpeace tique

Pour redorer l'image de l'huile de palme, pas question de passer à côté de "l'enjeu écologique" pour ces industriels qui disent avoir été "alertés par les ONG". Chez ces dernières, un responsable de Greenpeace juge que la fameuse Alliance française "ne va pas assez loin". La norme RSPO que les industriels s'engagent à respecter "ne garantit pas que ces entreprises œuvreront pour empêcher la déforestation" dans les zones tropicales ou les conflits sociaux issus de l'expropriation de populations locales, estime ainsi Jérôme Frignet, chargé de campagne à Greenpeace France. Ce à quoi Marc Toussaint, du côté des industriels, répond que "la vocation de l'Alliance est plus ambitieuse" que le seul respect des normes RSPO en 2015. Mais il ne peut préciser ni calendrier ni objectif après cette date.

Changer d'huile…

Au Sénat, Aline Archimbaud craint quant à elle que les promesses que pourront mettre en œuvre les industriels ne se cantonnent à "faire du développement durable dans les plantations" en oubliant par exemple les questions "d'accaparement des terres par les multinationales". Son but final ? "Pousser à ce que peu à peu, les groupes agro-alimentaires changent d'huile" et choisissent d'autres matières grasses. Pour l'heure, l'huile de palme reste relativement moins chère et techniquement attractive. "Mais des alternatives existent", fait-elle valoir.

Et au Sénat, ça peut passer ?

L'an dernier, le projet de budget dans son ensemble avait été rejeté au Sénat, et la taxe sur l'huile de palme était passée à la trappe lors du vote final à l'Assemblée nationale. "Mais le Sénat avait voté pour", rappelle Aline Archimbaud. Sa proposition pourrait d'ailleurs faire des émules…et pas seulement à gauche.

Lors des débats en 2012, Le fameux amendement "Nutella" avait ainsi reçu le soutien du sénateur UMP du Bas-Rhin, André Reichardt, pour un tout autre motif. A l'époque, la hausse de 160% des droits d'accise (taxes qui s'applique à certains produits) sur la bière faisait elle aussi polémique. Pour compenser une éventuelle baisse, le sénateur avait alors suggéré de taxer… l'huile de palme.

Cette année, la même situation risque de se présenter à nouveau. Sans être "obsédé par l'huile de palme", confie André Reichardt, " je n'hésiterai pas à proposer une nouvelle taxation sur l'huile de palme si les droits d'accise sur la bière venaient à nouveau à être augmentés ou si d'autres taxes étaient inconsidérément augmentées". Et de tempêter : "il y a un moment où il faut arrêter de taxer toujours les mêmes produits". Les brasseurs, de leur côté, qui indiquaient début juin avoir vu leur recettes chuter de 15%, s'inquiéteraient d'une nouvelle hausse des droits d'accise sur la bière. Autrement dit, la "taxe Nutella" risque encore de faire saliver…

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